Le contentieux de l’urbanisme poursuit son évolution avec la parution au Journal Officiel de la République Française (JORF) du décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018.
Sans pour autant constituer une révolution, la modification du Code de l’urbanisme ainsi opérée s’inscrit dans une démarche plus globale visant à "desserrer" les freins à la construction.
En pleine euphorie d’une coupe du monde réussie et au plein cœur de l’été, ce décret fait une apparition discrète au Panthéon des évolutions du contentieux de l’urbanisme.
Il mérite pourtant une mise en lumière, tant il réduit encore un peu plus les possibilités de recours contre les autorisations de construire.
En voici les principaux apports :
1 - La modification des mentions obligatoires dans les autorisations de construire (Art. R. 424-5 et R. 424-13 du Code de l’urbanisme).
Dans le cas d’autorisation ou de non-opposition à déclaration préalable, la décision devra mentionner la date d’affichage en mairie de l’avis de dépôt de la demande (Cf. Art. R. 423-6).
En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l’objet d’une déclaration, l’autorité compétente en délivre certificat sur demande, qui devra mentionner la date d’affichage en mairie de l’avis de dépôt de la demande.
2 - La réduction de un an à six mois du délai à compter duquel il n’est plus possible de demander l’annulation de l’autorisation de construire une fois la construction achevée (Art. R. 600-3 du Code de l’urbanisme).
Le décret réduit le délai permettant de contester une autorisation de construire, lorsque la construction est déjà achevée.
Ce délai passe de un an à six mois à compter de l’achèvement des travaux.
3 - Le renforcement du mécanisme de cristallisation des moyens (Art. R. 600-5 du Code de l’urbanisme).
Ce mécanisme déjà bien connu du Droit de l’urbanisme limite la durée durant laquelle les parties peuvent invoquer de nouveaux arguments, le juge pouvant fixer par ordonnance une date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux.
Les parties étaient jusqu’alors informées au moins un mois avant la date de la cristallisation.
Le décret du 17 juillet 2018 fait semble-t-il disparaître le caractère aléatoire de la cristallisation, en instaurant désormais un délai fixe de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense, délai à compter duquel plus aucun moyen nouveau ne saurait être invoqué à peine d’irrecevabilité de celui-ci.
Cette automaticité imposera donc aux requérants de suivre un calendrier de procédure particulièrement précis...
4. Le renforcement des conditions de recevabilité des requêtes (Art. R. 600-4 du Code de l’urbanisme).
Les requêtes dirigées contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol devront, à peine d’irrecevabilité, être accompagnées d’un acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien par le requérant (ex : titre de propriété, compromis de vente, contrat de bail...).
En ce qui concerne les associations, celles-ci devront produire leurs statuts ainsi qu’un récépissé attestant de leur déclaration en préfecture.
Il s’agit là d’un renforcement des dispositions préexistantes aux articles L. 600-1-1 et L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme.
5. La création d’un délai de jugement obligatoire pour certaines autorisations de construire (Art. R. 600-6 du Code de l’urbanisme).
Ce décret impose au juge de première instance et d’appel de statuer "dans un délai de dix mois" sur les recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d’aménager un lotissement.
Une telle disposition peut paraître surprenante lorsque l’on connaît les importantes disparités entre les juridictions s’agissant des délais de jugement en matière d’autorisations
Il est probable que ce délai de dix mois pousse les magistrats à multiplier les mesures d’instruction en cours d’instance, comme le désistement d’office ou les ordonnances de clôture d’instruction.
En tout état de cause, l’on pourrait envisager que des requérants, qui verraient leur recours rejeté pour des questions de forme ou de fond, par un jugement ou un arrêt intervenu dans un délai supérieur à dix mois, puissent demander en appel ou en cassation la réformation de ce jugement ou arrêt intervenu en méconnaissance de l’article R. 600-6.
Il sera sur ce point intéressant de voir comment les requérants sauront se saisir de ce nouveau délai, et dans quelle mesure les juridictions seront susceptibles de faire droit à une argumentation dirigée en ce sens.
6. La délivrance d’un certificat de non-recours par les juridictions (Art. R. 600-7 du Code de l’urbanisme).
Désormais, toute personne peut se faire délivrer par le greffe de la juridiction devant laquelle un recours est susceptible d’être formé contre une autorisation de construire ou contre un jugement portant sur une telle décision, un document attestant de l’absence de recours contre cette décision, ou dans l’hypothèse d’un recours ou d’un appel, la date d’enregistrement de ce recours ou de cet appel.
Le décret prévoit une entrée en vigueur différée pour chacune de ces dispositions :
Les modifications introduites aux articles R. 600-1, R. 600-3 et R. 600-4 s’appliqueront aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018 ;
Les modifications introduites aux articles R. 600-5, R. 600-6 et R. 600-7 s’appliqueront aux requêtes enregistrées à compter du 1er octobre 2018.