La défense syndicale.

Par Michel Desrues.

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Explorer : # défense syndicale # code du travail # prud'hommes # statut des défenseurs syndicaux

La défense syndicale après la "loi Macron".

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C’est la loi du 21 mars 1884 relative à la création des syndicats professionnels de patrons ou d’ouvriers portée par le ministre de l’intérieur Waldeck-Rousseau qui a impulsé « l’étude et la défense des intérêts économiques » des organisations syndicales qui ont obtenu le « droit d’ester en justice ».

L’article L 2131-1 du Code du travail a explicité l’ancienne formulation : « Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts. »
Ainsi, bien avant les avocats, les organisations syndicales et singulièrement la CGT qui avait fondé dès 1920 une revue juridique intitulée « Le droit ouvrier » ont pu assurer la défense de salariés devant les conseils de prud’hommes.

L’article R1453-2 du Code du travail indique que « Les personnes habilitées à assister ou à représenter les parties (devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale) sont, notamment : les délégués permanents ou non permanents des organisations d’employeurs et de salariés » (« des organisations syndicales ouvrières et patronales », selon l’ancien article R 516-5, ce qui excluait à juste titre le MEDEF qui n’est pas un syndicat).

Et la loi du 31 décembre 1971 sur l’exercice de la profession d’avocat a prévu, à l’article 4, que « Nul ne peut, s’il n’est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle … au libre exercice des activités des organisations syndicales régies par le code du travail ou de leurs représentants, en matière de représentation et d’assistance devant les juridictions sociales et paritaires et les organismes juridictionnels ou disciplinaires auxquels ils ont accès ».

Sur commande de la garde des sceaux, M. Alain Lacabarats, président de la Chambre sociale de la Cour de cassation a remis le 16 juillet 2014 un rapport sur « l’avenir des juridictions du travail  » et a notamment proposé de créer un statut des défenseurs syndicaux qui constituent « tant pour les justiciables que pour les juges un recours apprécié et compétent ».

Mais lorsque le gouvernement s’est rallié à cette proposition, une levée de boucliers a surgi, émanant du bâtonnier de Paris, de membres épars de l’Union des jeunes avocats, du ministre Macron qui, dans un premier temps, souhaitait cantonner les défenseurs syndicaux devant le seul bureau de conciliation, mais aussi de quelques députés socialistes oublieux de l’histoire ouvrière mais fort attentifs au lobbying de certains avocats parisiens pour refuser l’accès des défenseurs syndicaux à la cour d’appel, alors que ceux-ci y étaient déjà présents depuis bien longtemps.
Le député-rapporteur Denys Robiliard a mis un terme à cet accès de fièvre en déclarant devant la commission ad hoc de l’Assemblée nationale : « la défense syndicale fait partie de l’action syndicale ».

Le texte gouvernemental prévoit les dispositions suivantes :
 Un statut pour le « défenseur syndical » qui « exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale » et qui est « inscrit sur une liste arrêtée » par la DIRECCTE « sur proposition des organisations d’employeurs et de salariés représentatives » ;
 Un temps d’activité prud’homale de 10 heures par mois – mais seulement pour les salariés des établissements d’au moins 11 salariés - rémunéré par l’employeur et remboursé par l’Etat ;
 Une obligation de formation de 2 semaines par période 4 ans, rémunérée par l’employeur et prise en charge au titre de la formation professionnelle ;
 Une obligation de discrétion à l’égard du salarié assisté ou représenté ainsi que de la partie adverse dans le cadre d’une négociation ;
 Une protection contre le licenciement ou la rupture du contrat, nécessitant l’autorisation de l’inspecteur du travail.

Plusieurs décrets sont attendus de la chancellerie, après avis du conseil supérieur de la prud’homie.
Il conviendra en effet de déterminer quelles sont les organisations syndicales qui pourront proposer des listes de défenseur, de préciser les conditions à remplir pour figurer sur ces listes, de clarifier le reversement à la structure syndicale de défense des frais de justice octroyés par la juridiction, d’étendre l’obligation d’assurance de responsabilité aux défenseurs syndicaux, d’organiser l’accès au réseau intranet des juridictions – le réseau privé virtuel justice –RPVJ- et à la communication électronique avec les avocats pour l’échange des pièces et des conclusions, de définir l’incompatibilité entre la fonction de défenseur et le mandat de conseiller prud’homme devant le même conseil, de prévoir la possibilité pour les parties d’émettre des observations orales si la représentation obligatoire est instituée en appel et de supprimer la taxe de 150 € pour les instances en appel prud’homal avec représentation obligatoire.

Enfin il ne sera pas possible de conserver l’infâme décret Raffarin-Perben-Sarkozy du 20 août 2004 qui interdit aux avocats et aux défenseurs de se pourvoir et de se défendre en cassation, interdisant ainsi de facto l’accès à la Cour de cassation des salariés précaires ou infortunés.

On devrait espérer qu’un tel statut facilitera « l’accès au droit et à la justice pour les salariés démunis » selon l’expression de M. Pascal Rennes, dans « droit ouvrier » janvier 2002.

Malheureusement les salariés seront davantage démunis avec les dispositions de la « loi Macron » sur le plafonnement des dommages-intérêts pour licenciement abusif.

Michel Desrues

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