Délais de recours contentieux : le revirement du Conseil d'État en 2024. Par Fallou Ngom, Elève-avocat.

Délais de recours contentieux : le revirement du Conseil d’État en 2024.

Par Fallou Ngom, Elève-avocat.

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En 2024, le Conseil d'État a modifié la jurisprudence sur la forclusion en matière de recours contentieux. Désormais, le délai est calculé à partir de la date d'envoi de la requête, et non plus de sa réception, facilitant ainsi l'accès à la justice pour les justiciables.
Description rédigée par l'IA du Village

Il est d’usage chez les juristes de dire : « Mieux vaut être prématuré que forclos » pour inciter les justiciables à saisir les juridictions dans les délais de recours contentieux. Néanmoins, le Conseil d’État a, par une décision de mai 2024, prolongé la date d’appréciation de la recevabilité des requêtes devant les juridictions administratives.

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En 2024, les juges du Palais-Royal ont innové leur jurisprudence relative à la date d’appréciation de la forclusion des justiciables souhaitant contester une décision administrative dans le cadre du contentieux de l’excès de pouvoir. En effet, le délai de recours contentieux, qui s’appréciait auparavant au jour du dépôt de la requête au greffe de la juridiction administrative, s’apprécie désormais au jour d’envoi de la requête, le cachet de la poste faisant foi.

Pour mieux comprendre l’apport de ce revirement jurisprudentiel, il convient d’examiner les délais de recours applicables (Partie I), puis l’apport de la récente décision du Conseil d’État (Partie II).

I) Le délai de recours contentieux dans le contentieux de l’excès de pouvoir.

Le délai de recours de droit commun dans le contentieux de l’excès de pouvoir est prévu à l’alinéa 1 de l’article R.421-1 du Code de justice administrative (CJA), qui dispose : «  La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. » En d’autres termes, le point de départ du délai de recours commence à compter de la notification pour les décisions individuelles (refus d’un droit par l’autorité administrative) ou de la publication pour les actes réglementaires (par exemple, les arrêtés préfectoraux). Toutefois, sauf dispositions législatives et réglementaires contraires, ce délai s’applique également pour les décisions implicites de rejet à partir de la date où le silence gardé par l’administration vaut rejet [1].
Or, selon l’article R.421-3, alinéa 1 du CJA, le requérant n’est forclos dans le contentieux de l’excès de pouvoir qu’après la notification d’une décision expresse de rejet si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux.

Tous ces délais n’ont de sens, selon l’article R.421-5 du CJA, que lorsque la décision litigieuse comporte les notifications relatives aux délais et voies de recours contentieux, y compris l’obligation d’un recours administratif préalable obligatoire. À défaut, le justiciable bénéficiera du délai dit « Czabaj » [2] d’un an à compter de sa connaissance de l’existence de l’acte litigieux. Autrement dit, si l’autorité administrative omet de signifier aux destinataires de ses décisions le délai, la juridiction compétente ou l’obligation de saisine préalable d’une autre autorité ou du médiateur, le justiciable qui souhaite demander l’annulation de la décision aura un délai d’un an, courant à compter de la date où il a eu connaissance de ladite décision.

Une fois la question du délai de recours réglée, se pose celle de l’appréciation de sa recevabilité par le juge pour décider de son sort. En effet, en fonction de sa tardiveté ou de sa ponctualité, le juge pourra l’accueillir ou la rejeter.

II) L’apport de la récente jurisprudence du Conseil d’État.

Selon l’article R.413-3 du CJA : «  La requête doit être déposée ou adressée au greffe sauf disposition contraire contenue dans un texte spécial.  » Ainsi, c’était la date d’arrivée du recours au bureau du greffe de la juridiction administrative qui était prise en compte pour apprécier la recevabilité de la requête d’un justiciable [3]. En d’autres termes, le requérant était forclos s’il déposait sa requête à l’expiration du délai qui lui était imparti, eu égard à sa situation, à la table du greffe de la juridiction saisie. Cela exigeait une certaine diligence de la part du requérant, qui devait anticiper la transmission postale de sa requête sous peine d’être forclos en cas de retard lors de l’acheminement dudit courrier.

Avec la décision rendue par le Conseil d’État le 13 mai 2024 [4], le requérant bénéficie en quelque sorte d’un délai supplémentaire pour saisir la juridiction administrative. En effet, la haute juridiction a, dans un considérant de principe, affirmé que : «  Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, telles que les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heures ou expirant à un horaire qu’elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l’expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi. » Autrement dit, le justiciable peut envoyer sa requête à la date butoir, le cachet de la poste faisant foi. De manière plus simple, il suffit que la requête soit postée avant l’expiration du délai de recours contentieux, y compris le dernier jour avant son expiration. Ce qui signifie donc que la date d’arrivée du recours importe peu pour la recevabilité de la requête.

Le délai de recours contentieux étant un délai franc, le requérant peut poster sa requête au premier jour ouvrable lorsque le jour de sa forclusion est un week-end ou un jour férié. Toutefois, cette appréciation reste complexe et nécessite souvent la consultation d’un expert du droit pour les profanes.

Fallou Ngom
Elève avocat à l’Ecole du Centre Ouest des Avocats

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Notes de l'article:

[1Article R.421-2, alinéa 1 du Code de justice administrative

[2CE, Ass. 13 juillet 2016, M. Czabaj, n°387763, Lebon p. 340

[3CE, 13 juin 2001, Dano req n° 229358

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