1. L’association de compétences totalement complémentaires.
La principale différence qui existe entre l’huissier de justice et le détective privé réside dans la définition juridique de ce dernier.
L’article L621-1 du Code de la sécurité intérieure :
"Profession libérale qui consiste, pour une personne, à recueillir, même sans faire état de sa qualité ni révéler l’objet de sa mission, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts".
L’huissier de justice et le détective privé sont de fait complémentaires car si les constatations de l’un font foi jusqu’à preuve contraire, les investigations préalables de l’autre sont souvent nécessaires.
L’huissier est systématiquement tenu de décliner sa qualité d’officier ministériel et s’interdit tout recours à un stratagème. Ces contraintes ne s’appliquent pas au détective privé, seul professionnel pouvant agir en dissimulant "sa qualité et l’objet de sa mission".
Une complémentarité qui s’exprime clairement en matière sociale.
L’administration de la preuve en droit social est complexe et délicate, notamment en ce qui concerne la surveillance des salariés.
L’article L1222-4 du Code du travail dispose :
"Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance".
De nombreuses décisions de justice ont jugé que la filature n’était pas un procédé licite sans le respect de strictes conditions : loyauté, respect de la vie privée et information préalable du salarié.
Le recours à un détective privé doit obligatoirement et préalablement être signalé comme un dispositif de surveillance s’il a cette finalité.
Ce n’est pas le cas pour un huissier de justice car le "constat d’huissier ne constitue pas un procédé clandestin de surveillance nécessitant l’information préalable du salarié" (Cass. Soc. 10 octobre 2007, n° 05-45.898 / Cass. Soc., 18 mars 2008, n°06-40.852).
Il est donc particulièrement efficace de combiner l’enquête préalable d’un détective privé qui n’a pas fait l’objet d’une information antérieure auprès du salarié, suivi d’un constat d’huissier de justice qui n’a pas à être déclaré préalablement.
C’est en ce sens que la Cour de cassation a tranché un litige opposant un employeur (auto-école) et son salarié, alors que ce dernier travaillait dans une autre auto-école sans être déclaré. L’enquêteur privé sur place, à la suite d’une filature avait appelé un huissier pour faire constater les faits.
La Cour de cassation indiquait alors :
"la cour d’appel a pu retenir comme mode de preuve licite un constat dressé par un huissier qui s’est borné à effectuer dans des conditions régulières à la demande de l’employeur des constatations purement matérielles dans un lieu ouvert au public et à procéder à une audition à seule fin d’éclairer ses constatations matérielles".
Elle a ainsi rejeté le pourvoi, donnant raison à la décision de la Cour d’appel (Cass. Soc. 6 décembre 2007, n°06-43.392).
Cet arrêt important symbolise la complémentarité de ces professions.
L’huissier doit bien évidemment pratiquer son intervention de façon neutre et impartiale (Cass.Soc. 6 décembre 2007, n°06-43.392) ; de manière loyale (Cass.Soc. 18 mars 2008, n°06-40.852) ; et décliner sa qualité d’officier ministériel (Cass.Soc. 5 juillet 1995, n°92-40.050).
2. Faciliter la préparation des constats.
Des investigations en amont pour des constats plus fructueux.
Le statut d’officier ministériel d’un huissier permet d’établir des procès-verbaux de constatations en vue de décrire de manière objective une situation. Ces constatations passent par des actions différentes :
se rendre sur les lieux où se déroulent les faits qu’il faut constater,
effectuer une sommation simple ou une sommation interpellative auprès d’une personne,
effectuer des captures d’écran sur les sites internet accessibles par tous,
utiliser tous les moyens légaux qui apparaissent utiles pour établir la réalité d’une situation.
Réaliser un constat peut s’avérer délicat s’il manque des informations sur les lieux à visiter ou sur les personnes qui doivent être présentes.
Le détective privé, un soutien qui facilite les constats.
Pour que le constat soit le plus fructueux possible, le détective privé a pour mission d’enquêter en amont et le jour J pour faciliter le constat.
Principalement, il a l’habitude d’intervenir pour aider les huissiers à :
déterminer le jour le plus approprié pour dresser le constat (voire l’heure),
identifier en amont les lieux avec précision pour ne pas perdre de temps et avoir une possibilité d’action sur chaque issue,
identifier où se trouvent les éléments matériels pouvant faire l’objet du constat,
s’assurer de la présence des personnes qui doivent être sur place.
Leur travail permet ainsi d’effectuer les constats dans les meilleures conditions.
3. Faire exécuter les décisions de justice.
La signification doit être faite à personne
Une fois prononcé, un jugement n’est pas automatiquement porté à la connaissance des parties au procès. Il doit être signifié aux parties par voie d’huissier de justice.
La signification du jugement à la partie adverse a deux finalités :
Premièrement, le jugement devient un titre exécutoire lorsque la partie gagnante le signifie à la partie adverse. Cette dernière doit donc s’acquitter des sommes dues inscrites sur le jugement,
Deuxièmement, la signification du jugement fait courir les délais d’appel. Ainsi, lorsqu’un jugement est rendu en première instance, le délai d’appel commence à courir à partir de la signification du jugement à l’adversaire. Raison pour laquelle il est nécessaire de signifier le jugement au plus vite.
Cette signification implique d’avoir l’adresse du débiteur concerné. Dans certains cas, ces derniers, conscients des indemnités à devoir et souhaitant éviter le règlement, prennent toutes les précautions pour disparaître dans la nature. C’est ainsi que leurs noms n’apparaissent plus sur la boîte aux lettres des logements qu’ils occupent par exemple.
Recherche d’adresse et enquête de solvabilité : l’huissier peut se retrouver sans information alors même que la loi lui autorise des accès privilégiés.
L’article L152-1 du Code des procédures civiles d’exécution permet en effet à l’huissier d’obtenir des renseignements auprès des autorités administratives pour faciliter la localisation du débiteur.
L’huissier peut donc avoir accès à des outils lui permettant des recherches mais il se retrouve confronté à des problématiques administratives basiques comme l’actualisation des fichiers par exemple (FICOBA etc.). La mise à jour étant parfois annuelle selon les fichiers, les informations tardent à arriver et les délais de prescription - en matière de créances - continuent à courir.
Dans l’optique d’un recouvrement, l’huissier a le pouvoir également de réaliser différents types de saisies.
Deux questions se posent alors : où et quoi saisir au débiteur ?
Les débiteurs qui cherchent à disparaître peuvent également organiser leur insolvabilité et tenter de dissimuler du patrimoine, des biens, des comptes, etc. Si, là encore, l’huissier dispose de la possibilité d’accéder à des fichiers particuliers, il arrive fréquemment que des éléments lui échappent.
De plus en plus les huissiers de justice et les détectives privés collaborent aux fins de mener les dossiers à terme et de manière efficace. Bien que ces derniers ne soient pas considérés comme des auxiliaires de justice, ils sont un maillon important dans la chaîne judiciaire.
Discussions en cours :
L’enquêteur privé peut aussi être très utile à l’avocat. Le principal souci reste le coût. Comme disent nos amis britanniques, on ne met pas du bon argent sur du mauvais !
Mh Chaudonneret> L’association avocat-détective n’est plus à démontrer en effet. Cela fait d’ailleurs l’objet d’articles sur le site du Village de la Justice. Pour le coût... et puisque vous aimez les citations, j’ai tendance à dire qu’un professionnel compétent coûte de l’argent mais qu’un incompétent coûte bien davantage.
L’intervention d’un professionnel de l’enquête s’inscrit pratiquement systématiquement dans une optique de retour sur investissement, il convient d’appréhender cet élément à la vue du dossier et des moyens opérationnels à mettre en place afin de posséder les éléments de preuves nécessaires au mandant.