Établir la faute d'un salarié par des moyens licites et reçevables. Par Laure Perrier.

Établir la faute d’un salarié par des moyens licites et reçevables.

Par Laure Perrier.

8186 lectures 1re Parution: 5  /5

Explorer : # surveillance des salariés # preuve licite # loyauté de la preuve # licenciement pour faute

Vous soupçonnez l’un de vos salariés de ne pas respecter ses obligations contractuelles, d’être en lien avec la concurrence, de travailler pendant son arrêt de travail, de dénigrer votre entreprise auprès de la clientèle ou même de voler de la marchandise ? Dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, l’employeur dispose d’un droit de surveillance et de contrôle de ses salariés pendant le temps de travail. Les dispositifs, strictement encadrés par le Code du travail et la jurisprudence sociale, sont cependant particulièrement restreints et difficiles à mettre en œuvre. Si les solutions existent, il est important d’en connaitre les contours afin de garantir la licéité des actions mises en place.

-

L’article L1121-1 du Code du travail impose tout d’abord les principes d’intérêt légitime et de proportionnalité : les mesures de contrôle ou de surveillances doivent être « justifiées par la nature de la tâche à accomplir [et] proportionnées au but recherché ».

L’article L1222-4 du même code y ajoute l’obligation d’information préalable du salarié :
« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ».

Si l’employeur peut contrôler et surveiller l’activité de ses salariés afin de relever des comportements fautifs et user de son pouvoir disciplinaire, il doit également se conformer à un principe jurisprudentiel fondamental : le principe de loyauté dans l’administration de la preuve (voir notamment Cass. com, 6 dec. 2016, pourvoi n°5-18088).

Bien que restrictives, plusieurs solutions existent afin que l’employeur puisse faire valoir ses droits et garantir la licéité d’une sanction disciplinaire ou d’un licenciement pour faute.

Selon les cas, le travail complémentaire d’un huissier de justice et d’un détective privé peut s’avérer fort intéressant.

La jurisprudence, qui a progressivement construit le dessin des conditions de réalisation des constats par les huissiers de justice, a posé l’interdiction pour ces derniers de procéder à tout constat en faisant usage d’une fausse qualité :
[voir notamment Cass. com. 5 juil. 1995, pourvoi n°92-40050 : « manque à ses obligations professionnelles l’huissier de justice, commis en sa qualité d’officier ministériel, dans le cadre de l’ordonnance du 2 novembre 1945, pour effectuer des constatations purement matérielles, qui prend une fausse qualité pour obtenir des renseignements d’un interlocuteur ; qu’il en résulte que le procès-verbal de constat qu’il a établi dans ces conditions ne peut être retenu comme preuve »].

La Cour de Cassation interdit également à l’huissier de justice de recourir à des stratagèmes dans le recueil de la preuve :
[voir notamment Cass. com, 18 mars 2008, pourvoi n°06-40852] : « si un constat d’huissier ne constitue pas un procédé clandestin de surveillance nécessitant l’information préalable du salarié, en revanche il est interdit à cet officier ministériel d’avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve ».

Avantageux de leur qualité d’officier ministériel, les huissiers de justice sont donc toutefois restreints dans leurs méthodes de recueil des éléments matériels. L’intervention complémentaire de l’enquêteur de droit privé va alors pouvoir combler ces limites.

La profession, définie par l’article L621-1 du Code la sécurité intérieure, dispose en effet du droit de « recueillir, même sans faire état de sa qualité ni révéler l’objet de sa mission, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts ».

Si dans le cadre social une jurisprudence constante considère comme illicite et donc irrecevable devant le Conseil de prud’hommes la surveillance du salarié par un enquêteur privé en ce qu’elle porte nécessairement atteinte à sa vie privée, cette surveillance va en revanche permettre à l’huissier de justice d’intervenir en toute légalité.
En d’autres termes, une surveillance du salarié par un détective privé va pouvoir être officieusement mise en place par l’employeur afin de recueillir les éléments nécessaires à la réussite du constat d’huissier ultérieur.
Prenons l’exemple d’un salarié qui ne respecte pas son contrat de travail en s’adonnant à des activités personnelles durant ses déplacements, en temps et heures de travail. Si le rapport d’un détective privé ne va pouvoir servir de preuve licite à l’établissement des faits, son intervention va en revanche permettre à l’employeur de savoir avec précision « quand et où » faire intervenir un huissier de justice en vue de procéder au constat souhaité.

En d’autres cas, et notamment en cas d’agissements constitutifs d’une infraction pénale, les moyens d’établissement de la preuve par le chef d’entreprise sont moins restrictifs.

Le principe de liberté de la preuve en matière pénale permet en effet de justifier diverses méthodes de surveillance en vue de constater la commission du délit.
Prenons ici l’exemple du vol de marchandises par un salarié. Un rapport d’enquête faisant étant de filatures ou de surveillances par infiltration d’un agent extérieur et ayant permis d’établir les faits est recevable devant le Tribunal correctionnel.

L’infraction reconnue par le juge pénal pourra alors constituer une faute au sens du droit social et ainsi permettre la mise en œuvre d’une procédure de licenciement. Retenons cependant que le Conseil des prud’hommes garde l’appréciation souveraine de la faute.

D’autres solutions existent mais il reste primordial que chaque cas soit précisément étudié dans son contexte afin de ne pas risquer une procédure pour licenciement abusif ou atteinte à la vie privée.

Laure Perrier,
Directrice d’enquêtes,
www.secur-invest-bordeaux.fr
Juriste de formation

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

57 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27877 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs