Qu’en est-il en bref ?
Le ministère de la Justice souhaiterait que les divorces pour consentement mutuel ne soient plus prononcés par un juge mais que l’accord des conjoints soit simplement enregistré par un notaire pour un coût de 50 euros. En revanche, le recours aux avocats resterait obligatoire, de sorte que cette somme de 50 euros viendrait s’ajouter aux honoraires d’avocats et non s’y substituer.
Quel type de divorce serait concerné par cette mesure ?
Il s’agit du seul divorce par consentement mutuel, c’est-à-dire un divorce qui suppose un accord des conjoints tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences (droit de visite et d’hébergement, prestation compensatoire, ...).
Il est vrai que ce type de divorce est, souvent, le plus simple, le plus rapide et le plus apaisé.
Pour autant, il n’en demeure pas moins qu’il implique un équilibre entre les droits des deux conjoints, sans oublier la préservation des intérêts des enfants, deux points dont le juge aux affaires familiales reste, à ce jour, le meilleur garant.
Précisons, pour être complet, que les candidats au divorce par consentement mutuel ne pourront prétendre à cette procédure si leurs enfants de plus de 15 ans souhaitent être entendus par un juge, cas de figure qui devrait rester assez confidentiel...
Qu’est-ce que cet amendement, s’il était voté, pourrait concrètement changer ?
Avant cette mesure et donc en l’état actuel de la législation, les deux conjoints et leurs avocats (ou un seul avocat s’ils le souhaitent) se mettent d’accord sur les conséquences de leur divorce. Cet accord se traduit par une convention qui est ensuite soumise au juge aux affaires familiales.
Il est fréquent que le juge homologue cet accord des parties à travers le jugement de divorce. Il arrive, toutefois, que le juge, estimant l’intérêt des enfants ou de l’un des conjoints insuffisamment préservé, refuse cette homologation et demande aux époux et aux avocats de revoir leur copie.
Demain, peut-être, le recours au juge sera supprimé. Après l’accord des parties, signé par ces dernières et contresigné par leurs avocats respectifs, l’accord sera adressé à un notaire qui procèdera à son enregistrement avant de l’archiver au rang de ses minutes.
La différence majeure est donc l’intervention du notaire qui « évince » le juge avec un rôle qui, en l’état, paraît très limité.
Les plus et les moins de cette réforme :
Les plus :
Le prix d’une procédure de divorce devrait, en toute logique, diminuer si l’on considère la seule suppression de l’audience devant le juge aux affaires familiales : soit entre une à trois heures facturables de moins lorsque la facturation est établie au temps passé.
Cette bonne nouvelle pour les clients doit néanmoins être tempérée. En premier lieu, le recours gratuit au juge serait remplacé par celui, payant, d’un notaire (50 euros selon la Chancellerie). Surtout, parce qu’en second lieu, il semble que les parties ne pourraient plus, comme actuellement, recourir aux services d’un seul avocat commun et partager les honoraires de ce dernier.
En d’autres termes, si chaque partie devait, dans le nouveau dispositif, faire appel à son propre avocat, il est évident qu’en dépit de la suppression de l’audience devant le juge aux affaires familiales, les honoraires à la charge de chaque époux s’en trouveront majorés.
La durée de la procédure devrait se trouver singulièrement réduite car même si le projet du texte évoque un délai de réflexion de 15 jours entre l’accord et sa signature, les délais d’audiencement devant le JAF seront supprimés. Or, ces délais, compris entre 3 et 4 mois en moyenne devant une juridiction comme le tribunal de grande instance de Versailles, peuvent parfois excéder les 8 ou 10 mois devant des juridictions particulièrement engorgées. De ce point de vue, le projet constituerait une bonne chose.
Il n’est, toutefois, pas certain que cela suffise à en faire oublier les inconvénients...
Les moins :
Des intérêts sacrifiés : le recours au juge aux affaires familiales supprimé, le divorce par consentement mutuel risque fort d’exposer les parties à un déséquilibre. En clair, si une partie se trouve désavantagée, il y a peu de chances que le notaire, dont le rôle devra d’ailleurs être clarifié, se voit confier la charge, pour la somme assez modique de 50 euros, de lire chacune des conventions qui lui seront soumises, d’analyser les pièces du dossier (devront-elles d’ailleurs être jointes à la convention ?) et, le cas échéant, d’exiger des parties qu’elles rédigent de nouveau la convention...
Il en va de même pour la sauvegarde des intérêts des enfants qui pourraient pâtir des choix, parfois fantaisistes, de leurs parents, notamment quant aux modalités de droits de visite et d’hébergement.
Le prix : si, comme on l’a vu ci-dessus, chaque partie venait à devoir prendre son propre avocat en lieu et place de l’avocat commun que les époux sont, en l’état, libres de choisir, l’argument de la Chancellerie visant à promouvoir la baisse du prix du divorce par consentement mutuel risque fort de se transformer en trompe l’œil.
Les questions qui restent en suspens à ce jour
On vient de le voir, il demeure une incertitude quant à la question de savoir si le recours à un seul avocat commun restera possible ou si chaque partie devra prendre son propre avocat.
Qu’en sera-t-il de la postulation ? Actuellement, les époux dont le foyer conjugal est situé dans les Yvelines, par exemple, doivent divorcer devant le TGI de Versailles et, pour ce faire, avoir recours au service d’un ou de deux avocats inscrits au barreau de Versailles. Si le notaire se substitue au juge, faudra-t-il impérativement se tourner vers un notaire des Yvelines ou bien un notaire du Mans ou d’ailleurs pourra-t-il convenir ? De même, l’obligation de recourir aux services des avocats inscrits au barreau du tribunal dont dépendent les époux va-t-elle subsister ou être abolie ?
Quel sera le rôle du notaire : une simple chambre d’enregistrement de l’acte ou celui-ci aura-t-il un droit (voir un devoir) de regard sur le contenu ? Pourra-t-il, ou non, refuser d’enregistrer des conventions qui sacrifieraient les intérêts d’une partie au bénéfice de l’autre ? Et quelle sera l’étendue de sa responsabilité ?
Les parties pourront-elles, comme c’est le cas aujourd’hui pour la prestation compensatoire ou l’autorité parentale, par exemple, revenir sur le contenu de la convention ? Et dans l’affirmative, devront-elles le faire devant notaire ou, cette fois-ci, devant le juge aux affaires familiales ?
Ce que j’en pense...
Trop de points demeurent à ce jour en suspens pour pouvoir véritablement se prononcer sur l’opportunité d’une telle mesure mais on peut d’ores et déjà regretter la précipitation avec laquelle cette mesure a été annoncée ainsi que l’absence de toute réelle concertation.
Comme si les économies attendues de cette réforme devaient primées sur son efficacité...
Certes, l’objectif annoncé de fluidifier les procédures et de les simplifier est louable mais il n’est pas certain qu’il sera atteint.
Un accord par trop déséquilibré qui serait enregistré par un notaire alors qu’il aurait été recalé par le juge aux affaires familiales aura pour inéluctable conséquence que les parties, au lieu de tourner la page, devront retourner devant le juge (ou le notaire ?) pour reconsidérer une situation qui ne donne pas satisfaction.
Ne serait-il pas préférable, d’emblée, de renforcer le rôle du notaire ou de lui substituer un autre intervenant chargé, notamment, de veiller à l’intérêt de l’enfant et au caractère équilibré de la convention.
Souhaitons que les incontournables ajustements et arbitrages auquel le texte donnera lieu permettront de combiner les objectifs recherchés de rapidité et de simplicité avec des garanties renforcées.
Discussions en cours :
Dans la mesure où la justice ne sera pas saisie.... il n’y aura pas de décision de justic rendue par un juge ,les époux pourront ils solliciter l’aide juridictionnelle ??? Si non ...grosse arnaque !!! Pardon mais ça me mets hors de moi
En principe, le bénéfice de l’aide juridictionnelle est prévu dans l’amendement initial mais rien de définitif à ce sujet.
Vous avez raison, si tel ne devait pas être le cas, le procédé serait, pour le moins, choquant.
Personnellement je m’interroge quant à l’inégalité que pourrait introduire cette réforme entre les justiciables.
Je m’explique, si le consentement mutuel est déjudiciarisé alors le client qui pouvait prétendre à l’AJ ne pourra plus l’obtenir pour ce type de divorce et devra obligatoirement se tourner vers un divorce contentieux.
Il n’aura plus le choix. Cette porte lui sera fermée car il n’aura pas les moyens de régler les honoraires d’un avocat pour un divorce par consentement mutuel même si ces honoraires sont réduits de 200 ou 300 € du fait de la suppression de l’audience.
Corrélativement, alors que le but était de désengorger les tribunaux, il risque donc d’y avoir un accroissement du nombre de divorces contentieux dont la procédure est plus longue et plus couteuse (y compris au titre de l’AJ).
Tout est dit dans le titre, à l’exception de mes remerciements adressés à l’auteur.
Marrant que l’on met toujours les gens sous tutelle : dans ce cas, ce serait grave pour eux ! Impossible de les laisser apprécier ce qui leur convient. Lorsqu’ils se marient, on les protège pour leur expliquer qu’ils risquent de se retrouver dans la mouise ? Vive le PACS !!