Encore une réforme du divorce : premier "dégrossissement".

Par Corentin Delobel, Avocat.

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Explorer : # réforme du divorce # procédure civile # audience d'orientation # profession d'avocat

Il peut paraître ironique, voire quelque peu cynique qu’une réforme de la procédure de divorce intervienne alors que l’on plaisante sur le lien entre les divorces et le confinement, même si le sourire s’efface au vu de l’explosion des violences conjugales, les fameuses VIF dans le jargon des pénalistes.

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Quoiqu’il en soit, après la réforme de la quasi-totalité de la procédure civile, il fallait bien une dose spéciale pour le divorce, cette procédure toujours aussi lourde et longue lorsqu’elle est judiciaire.

Ainsi, à compter du 1er janvier 2021, la double saisine en divorce avec requête puis assignation est supprimée, le juge étant désormais saisie par assignation ou requête signée conjointement par les parties.

De prime abord, la simplification semble dominer puisqu’il n’y a plus qu’un acte de saisine.

Désormais l’assignation en divorce devra comporter, à peine de nullité, la date de l’audience d’orientation communiquée par le greffe.

Tout ça pour ça, aurait-on envie de dire.

En somme, l’Avocat devra préalablement, et évidemment sans RPVA, demander au greffe, en pratique par courriel sur boîte structurelle dédiée, une date pour l’audience d’orientation, accompagné du projet d’assignation.

Attention, en plus il faudra souvent respecter un formalisme pour la demande de prise de date [1].

On se demande finalement ce qui change puisqu’il faut tout de même adresser l’assignation en parallèle à la formalisation de la prise de date, et certainement les pièces en prime.

Jusque-là au final, rien ne change, à part qu’il faut désormais prier le greffe pour avoir des dates, et il est à craindre que cela ne simplifie ni ne raccourcisse grand-chose.

Bien au contraire, car désormais l’acte unique, cette invention de génie, doit comporter une partie distincte sur les mesures provisoires, et une sur les demandes définitives du divorce.

Mais quel progrès inouï ! nous y reviendrons…

En tout état de cause, une fois que nous aurons demandé, via ce formulaire magique, le précieux sésame de la date de l’audience d’orientation que l’on aura eu en ayant déjà envoyé le projet d’assignation, nous aurons le bonheur de nous voir communiquer les dates en retour par mail, a priori RPVA.

Une fois ce retour de date, l’assignation devra alors être délivrée dans un délai de deux mois à compter de cette date de communication et être placée au plus tard quinze jours avant l’audience.

Mais quel sacerdoce ! La simplification caractérisée.

Et gare aux nullités ou caducité en tout genre. Les époux divorceront plus tard ce n’est pas grave, contrairement à la responsabilité professionnelle de nos cabinets.

Si en tout cas nous franchissons cette première étape avec succès, les deux parties ont l’obligation d’être représentées par avocat dès le début de la procédure.

Quid de savoir si l’un des époux n’est pas représenté, et donc non écouté par le magistrat ?

A cette audience d’orientation, soit le juge statue sur les mesures provisoires, soit renvoie le dossier dans le circuit de la mise en état, soit le fixe à une audience de plaidoirie s’il est en état d’être plaidé.

Cela explique ainsi la présence des avocats, accompagnés ou non de leur client, qui est obligatoire à l’audience d’orientation qui finalement devient une Conférence présidentielle de droit commun en matière civile.

Mais à quoi sert cette audience si un des époux n’est pas représenté, ou si le juge décide souverainement de renvoyer en plaidoirie pour prononcer le divorce ?

En somme, il est à craindre que l’orientation perde tout son sens, les époux n’étant plus entendus que par l’intermédiaire de leurs avocats.

Oublions la prise en compte de situations particulières, notamment lorsqu’il y a des enfants ou lorsqu’un des époux se retrouve sans ressource ni logement parce qu’il ne travaillait pas ou qu’il est dans le bien propre de l’autre.

La bienveillance des JAF n’est pas remise en cause, mais l’engorgement des pôles familles de tribunaux judiciaires risque parfois de conduire ces magistrats à chercher une efficacité qui pourrait être lourde de conséquences.

Le fait d’assigner en écrivant tant les demandes provisoires que définitives, alors qu’il n’y a souvent que peu de différences, sauf sur la question de la prestation compensatoire, risque d’aboutir à des décisions judiciaires précipitées qui iront directement au définitif, à l’essentiel en bref.

Le problème est que le provisoire obligatoire d’avant est souvent essentiel pour que les époux puissent se retourner et organiser leur nouvelle vie.

C’est d’autant plus vrai que depuis la possibilité du divorce par acte d’avocat, le divorce judiciaire repose nécessairement sur un certain degré de conflit.

Il n’est donc pas certain que cette nouvelle procédure de divorce compliquée en la forme mais qui se veut rapide et efficace sur le fond, favorise la juste et équitable dissolution du mariage.

Corentin Delobel
Avocat au Barreau de Nice
Docteur en Droit
Ancien Attaché Temporaire d\’Enseignement et de Recherche
Ancien chargé de cours
Membre du Centre de Recherche en Droit Economique
delobel.avocat chez gmail.com

http://avocat-nice-corentin-delobel.fr/

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