Au sommaire de cet article...
- Cadre juridique.
- Le harcèlement sexuel, en tant que discrimination avérée.
- Harcèlement environnemental.
- Aménagement de la charge de la preuve.
- L’obligation de santé et de sécurité pesant sur l’employeur et l’ouverture d’une enquête interne.
- Les principes internes régissant l’enquête interne.
- L’interdiction des représailles consécutives à la dénonciation de faits de harcèlement sexuel.
- Regard et analyse critique de l’enquête interne/interne.
- Reconnaissance des conclusions du Défenseur des droits.
Résumé.
Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation d’une salariée estimant avoir subi des agissements de harcèlement sexuel dans le cadre de son emploi, au cours de l’exercice de ses fonctions syndicales [1].
La salariée soutenait qu’un collègue exerçant également des fonctions syndicales avait tenu des propos à caractère sexuel et l’avait agressée sexuellement. La salariée disposait d’attestations de ses collègues confirmant certains faits. La salariée a signalé ces faits auprès de son employeur avant de démissionner de ses missions syndicales et d’être placée en arrêt maladie.
L’employeur a mis en œuvre une enquête interne par des personnes de cette structure au cours de laquelle plusieurs témoins ont été auditionnés. Au terme de cette enquête, l’employeur a considéré qu’aucun témoin ou preuve ne confirme le harcèlement sexuel.
Au vu de ces éléments, le Défenseur des droits a mené une instruction auprès de l’employeur et lui a demandé les comptes rendus d’audition des témoins. Il en ressort que les témoins ont confirmé les multiples propos à caractère sexiste et sexuel du salarié mis en cause ainsi que d’autres collègues.
Les conclusions tirées par l’employeur au terme de l’enquête interne ne sont donc pas cohérentes avec le contenu des auditions menées. De plus, tous les témoins n’ont pas été auditionnés, l’enquête a eu une durée excessive et les salariés responsables n’ont pas été sanctionnés.
Dans sa décision [2], le Défenseur des droits constate que la salariée a été victime de harcèlement sexuel et de harcèlement d’ambiance et que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité.
Le Défenseur des droits rappelle que l’aménagement de la charge de la preuve permettait à la salariée de constituer un faisceau d’indices convergents laissant supposer l’existence d’un harcèlement sexuel, sans exiger qu’elle n’en rapporte une preuve directe. La salariée devait seulement faire naître un doute raisonnable. Enfin, le Défenseur des droits recommande à l’employeur de se rapprocher de la salariée afin de procéder à juste réparation de son préjudice et de modifier ses pratiques d’enquête dans un délai de trois mois.
Cadre juridique.
Le harcèlement sexuel, en tant que discrimination avérée.
La directive européenne 2006/54/CE du 5 juillet 2006, relative à l’égalité des chances et de traitement entre hommes et femmes dans le domaine de l’emploi, énonce clairement les définitions suivantes :
- Le harcèlement se définit par un comportement non sollicité, lié au sexe d’une personne, visant ou ayant pour effet de porter atteinte à sa dignité, créant ainsi un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
- Le harcèlement sexuel, quant à lui, désigne tout comportement non désiré à connotation sexuelle, qu’il soit physique, verbal ou non verbal, ayant pour objectif ou pour conséquence de porter atteinte à la dignité d’une personne, et particulièrement de générer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
Les directives 2000/78/CE et 2006/54 précisent dans leurs articles 2 que le harcèlement est une forme de discrimination dès lors qu’il se fonde sur l’un des motifs interdits, comme le sexe. Toute manifestation de ce type de comportement, visant ou ayant pour effet de dégrader la dignité d’une personne et de créer un climat toxique, est donc intrinsèquement discriminatoire.
Dans ce cadre, le droit de l’Union européenne considère le harcèlement comme une discrimination en soi, dès lors qu’il est lié à un critère prohibé, tel que le sexe. De ce fait, le harcèlement sexuel est une forme spécifique de harcèlement discriminatoire fondée sur le sexe.
En droit français, la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 a intégré cette notion de harcèlement discriminatoire en lien avec le sexe dans son article 1er : « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre dans une situation comparable, en raison de son sexe. (…) La discrimination comprend toute action liée à un motif mentionné au premier alinéa ou à une connotation sexuelle, subie par une personne, et visant ou ayant pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».
Ainsi, le harcèlement sexuel est reconnu comme une forme de discrimination pour laquelle le Défenseur des droits est compétent, en vertu de l’article 4 de la loi n°2011-333 du 29 mars 2011. De nombreuses juridictions ont conclu au caractère discriminatoire du harcèlement dans des affaires où le Défenseur des droits a été sollicité pour présenter des observations [3].
Selon l’article L1153-1 du Code du travail, dans sa version applicable au moment des faits,
« Aucun salarié ne doit subir :
- 1° Des faits de harcèlement sexuel, caractérisés par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés, qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent une situation intimidante, hostile ou offensante ;
- 2° Des faits assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que cet acte soit recherché pour l’auteur des faits ou pour le bénéfice d’un tiers ».
Harcèlement environnemental.
Dans un arrêt du 7 février 2017, la Cour d’appel d’Orléans, dans une affaire où le Défenseur des droits était intervenu [4], a reconnu la notion de « harcèlement environnemental ou d’ambiance ». Une salariée dénonçait un environnement de travail marqué par des blagues à connotation sexuelle. La cour a affirmé : « Le harcèlement sexuel peut se manifester sous la forme d’un harcèlement environnemental ou d’ambiance, où, sans être directement visée, la victime est exposée à des provocations, blagues obscènes ou vulgaires qui deviennent insupportables » [5]..
De plus, la Cour d’appel d’Orléans a également souligné que l’humour à connotation sexuelle sur le lieu de travail peut être perçu de manière différente selon les individus : « Ce qui peut paraître humoristique et inoffensif pour certains peut être blessant et humiliant pour d’autres, notamment les plaisanteries à connotation sexuelle dirigées contre des collègues de sexe féminin. Le harcèlement sexuel peut ainsi se manifester par un harcèlement d’ambiance, où la victime subit sans être visée directement, mais supporte néanmoins des provocations et blagues inacceptables ».
Cette notion a été réaffirmée par le conseil de prud’hommes de Saint-Denis de la Réunion le 8 septembre 2017 dans une affaire similaire où le Défenseur des droits avait aussi présenté ses observations [6].
Dans une autre décision, la Cour d’appel de Caen a reconnu l’existence d’une « culture d’entreprise à connotation sexuelle » après avoir relevé des échanges de messages à caractère sexuel entre collègues, obligeant les salariés à s’y conformer pour être intégrés. La cour a jugé que le harcèlement sexuel était constitué par cette « pression implicite ». La doctrine a relevé que cette notion de « culture d’entreprise » pourrait être particulièrement utile pour protéger les salariés contre le harcèlement d’ambiance, où la dynamique collective peut faire paraître acceptable ce qui est en réalité illégal [7].
Enfin, le conseil de prud’hommes de Paris a récemment jugé qu’un « harcèlement sexuel environnemental » était constitué [8] dans une affaire où des collègues de la salariée adoptaient des comportements, faisaient des blagues et tenaient des propos à connotation sexuelle et sexiste [9].
Aménagement de la charge de la preuve.
Il convient enfin de rappeler que le principe d’aménagement de la charge de la preuve prévu en matière de discrimination est applicable au harcèlement sexuel : l’article L1154-1 du Code du travail précise expressément que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, et qu’il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement.
Tel que le Défenseur des droits l’a rappelé dans sa décision-cadre n°2022-239 relative à l’accès à la preuve, cet aménagement permet au demandeur de constituer un faisceau d’indices convergents laissant supposer l’existence d’une discrimination, sans exiger qu’il n’en rapporte une preuve directe. Il doit seulement faire naître un doute raisonnable quant à l’existence de la discrimination et convaincre que l’une des possibles explications au traitement subi est discrimination, à charge ensuite pour le défendeur de renverser cette présomption [10].
Le principe d’aménagement de la charge de la preuve en matière de discrimination existe en droit français depuis 23 ans [11].
La chronologie des faits peut constituer un élément laissant supposer l’existence d’une discrimination [12].
L’obligation de santé et de sécurité pesant sur l’employeur et l’ouverture d’une enquête interne.
En application de l’article L4121-1 du Code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
À l’instar du harcèlement moral, il a une obligation de sécurité de moyens renforcée en matière de harcèlement sexuel. En effet, les dispositions de l’article L1153-5 du Code du travail précisent que « l’employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel ».
Lorsque des faits de harcèlement lui sont signalés, l’employeur est dans l’obligation d’ouvrir une enquête interne. À défaut, il manque à son obligation de sécurité et engage sa responsabilité [13].
Les modalités de déroulement de cette enquête interne sont progressivement encadrées par la jurisprudence. La Cour de cassation a ainsi jugé que constituaient des manquements à l’obligation de sécurité :
- le fait de confier l’enquête à un salarié en mésentente avec la personne visée [14] ;
- le fait de mener une enquête sans discrétion, à charge et sans permettre au mis en cause de faire entendre ses témoins [15] ;
- le fait d’ouvrir une enquête tardivement [16] ou de la faire durer un temps excessif [17].
L’accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail prévoyait déjà en ce sens que les enquêtes doivent être « traitées sans retard » et que « toutes les parties impliquées doivent bénéficier d’une écoute impartiale et d’un traitement équitable » (art. 4.2).
S’appuyant sur l’arrêt de la Cour de cassation [18], le ministère du travail [19] préconise à l’employeur d’auditionner a minima :
- la victime présumée,
- la personne mise en cause, les témoins,
- les responsables hiérarchiques directs de la victime présumée et de la personne mise en cause,
- et toute personne demandant à être auditionnée ou dont l’audition est souhaitée par la victime présumée ou la personne mise en cause.
L’enquête interne ne peut être menée à charge et sans permettre au mis en cause et la présupposée victime de faire entendre tous ses témoins [20]. Le juge pourra apprécier la pertinence du nombre de salariés interrogés pour décider ou non d’écarter l’enquête interne du débat [21].
De manière générale, les conclusions tirées de l’enquête interne par l’employeur ne lient pas le juge, qui décidera de la valeur probante à accorder à l’enquête [22].
Au cours de cette enquête, l’employeur prend toute mesure conservatoire permettant de protéger la santé et la sécurité des salariés concernés [23].
Les personnes en charge de l’enquête sont tenues au secret des informations communiquées au cours de celle-ci. En effet, selon l’article 4.2 de l’accord national interprofessionnel précité : « Il est dans l’intérêt de tous d’agir avec la discrétion nécessaire pour protéger la dignité et la vie privée de chacun ; aucune information, autre qu’anonymisée ne doit être divulguée aux parties non impliquées dans l’affaire en cause ».
Enfin, si le harcèlement sexuel est constaté,l’employeur doit sanctionner l’auteur des agissements de façon proportionnée et l’éloigner de la victime. L’employeur constatant qu’un salarié a commis des agissements de harcèlement sexuel doit exercer son pouvoir disciplinaire, en application de l’article L1153-6 du Code du travail, aux termes duquel « Tout salarié ayant procédé à des faits de harcèlement sexuel est passible d’une sanction disciplinaire ».
La Cour de cassation a récemment jugé qu’une sanction d’avertissement sans mesure éloignant le salarié sanctionné de la victime était insuffisante et que l’employeur avait ainsi manqué à son obligation de sécurité [24].
Les principes internes régissant l’enquête interne.
Les normes internes d’une structure, telle qu’une la charte de déontologie et le document « procédure » ou le règlement intérieur doit préconiser, en plus que d’expliquer la procédure de dénonciation, que « l’enquête doit être conduite avec objectivité, à savoir : sans a priori, ni parti pris, sans favoriser l’un ou les uns aux dépens d’un autre ou des autres, sans préjugé, s’agissant des écarts observés, dans le respect des personnes et de leur dignité ». Dans ce cadre, « l’enquêteur doit être, de fait et d’apparence, neutre (par rapport à la solution) independant (par rapport a toute autorité) et impartial (par rapport aux parties) dans le respect du contradictoire ».
Concernant la confidentialité, « les éléments recueillis dès l’origine de l’enquête et au cours de celle-ci demeurent confidentiels (…). Les entretiens sont réalisés avec un seul salarié à la fois et dans un lieu garantissant la confidentialité de la teneur des échanges. Les entretiens sont menés par les enquêteurs formés en respectant les règles de discrétion et le devoir de réserve ».
Quant aux enquêteurs, ceux-ci sont « soumis à l’obligation de discrétion et de confidentialité ainsi qu’au secret professionnel, chaque personnes entendues doit respecter la confidentialité absolue des entretiens tant sur ce qui est dit que les documents qui peuvent être évoqués ou présentés. Ils signent par ailleurs, individuellement, une attestation de présence et un strict engagement de confidentialité ».
Lorsque l’enquête est arrivée à son terme, celle-ci « donne lieu à l’établissement d’un rapport qui, sur la base d’un exposé précis des faits constatés et des témoignages recueillis, comporte une ou des recommandations sur les suites qu’il convient de donner au dossier ».
L’interdiction des représailles consécutives à la dénonciation de faits de harcèlement sexuel.
L’article L1153-3 du Code du travail dispose : « Aucun salarié (...) ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés ».
L’article suivant précise que toute disposition ou tout acte contraire à cette disposition est nul de plein droit. La chambre sociale de la Cour de cassation prononce ainsi la nullité du licenciement dès qu’il est fondé sur la dénonciation d’agissements de harcèlement par le salarié [25]. Le licenciement motivé par la dénonciation, faite de bonne foi, de faits de harcèlement est donc illicite [26].
Par exception, le salarié qui dénonce des faits de harcèlement ne peut être sanctionné que si sa mauvaise foi est établie, c’est-à-dire que la dénonciation est sciemment mensongère, qu’elle vise à nuire à l’entreprise ou à la personne mise en cause. En effet, la Cour de cassation a jugé dans deux arrêts du même jour qu’en matière de harcèlement « moral ou sexuel », cette mauvaise foi « ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits dénoncés ». La seule circonstance que les faits dénoncés ne soient pas établis ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi du salarié [27]. Cette définition de la mauvaise foi constitue une jurisprudence constante [28].
Dans le prolongement de cette jurisprudence, la Cour d’appel de Paris, dans une affaire où l’existence d’un harcèlement sexuel n’a pas été retenue, a néanmoins considéré comme nul le licenciement de la salariée qui avait dénoncé les agissements de son supérieur hiérarchique, sa mauvaise foi n’étant pas établie [29].
Dans un arrêt du 8 octobre 2020, la même juridiction a considéré que si l’employeur ne démontre pas que les accusations avaient été présentées de mauvaise foi, la nullité du licenciement est encourue, peu important que la lettre de licenciement mentionne d’autres faits reprochés au salarié [30].
La décision de la Défenseure des droits constitue une prise de position ferme et bien fondée face aux défaillances de l’enquête interne menée par la société Y. Cette décision mérite une analyse approfondie, ainsi qu’une reconnaissance pour ses conclusions qui apportent une réponse juste et nécessaire aux faits constatés.
Regard et analyse critique de l’enquête interne/interne.
L’enquête interne conduite par la société Y est manifestement entachée de plusieurs défauts graves qui ont compromis son impartialité et son efficacité. En premier lieu, la société Y a failli à respecter l’aménagement de la charge de la preuve prévu par l’article L1154-1 du Code du travail. Cet aménagement suppose que la victime de harcèlement n’a pas à fournir une preuve directe mais seulement un faisceau d’indices convergents. L’enquête a erronément insisté sur la nécessité de preuves tangibles et directes, ignorant les témoignages et les indices qui, collectivement, suggèrent un environnement de travail hostile et inapproprié.
De plus, la société Y a manqué à son obligation de sanction prévue par l’article L1153-6 du Code du travail. La recommandation de rappeler les « bonnes pratiques relationnelles » tout en concluant à l’absence de harcèlement sexuel est contradictoire et ne répond pas adéquatement aux comportements répréhensibles signalés. Cette incohérence montre un manque de sérieux dans la gestion des plaintes et une absence de mesures correctives appropriées.
Manquement à l’obligation de sécurité. La société Y a également failli à son obligation de sécurité en ne protégeant pas adéquatement Mme X contre les agissements de harcèlement et les représailles qui ont suivi son signalement. La menace de poursuites pour les enregistrements clandestins, bien que légalement contestable, constitue une mesure de représailles inacceptable. Cette intimidation a non seulement nui à Mme X, mais a également créé un climat de peur qui peut dissuader d’autres victimes de se manifester.
Reconnaissance des conclusions du Défenseur des droits.
La décision du Défenseur des droits [31] est donc une étape cruciale vers la justice et la réparation pour Mme X. En concluant que Mme X a subi des agissements de harcèlement sexuel et d’ambiance, le Défenseur des droits valide les expériences et les témoignages des victimes, confirmant que les comportements décrits vont bien au-delà de simples incidents isolés.
La recommandation du Défenseur des droits pour que la société Y procède à une juste réparation du préjudice de Mme X est particulièrement significative. Elle souligne la nécessité de restaurer la dignité et les droits de la victime en apportant une compensation adéquate. De même, la demande de révision des pratiques d’enquête [32] de la société Y est essentielle pour garantir que les futures enquêtes soient menées avec rigueur et respect des normes légales.
Conclusion.
[La décision du Défenseur des droits est à la fois une reconnaissance des injustices subies par Mme X et un appel à une réforme essentielle des pratiques de gestion des plaintes de harcèlement sexuel au sein de la société Y [33] Cette décision marque un tournant dans la lutte contre le harcèlement au travail en affirmant que la protection des victimes et la responsabilisation des employeurs doivent primer sur des pratiques d’enquête défaillantes et des mesures de représailles inacceptables. La société Y doit désormais se réformer pour prévenir de tels abus et garantir un environnement de travail sûr et respectueux pour tous ses collaborateurs.
Il est également démontré que lorsque l’on mène une enquête en interne, impliquant des personnes issues de l’entreprise, il existe toujours une suspicion quant à la neutralité, l’impartialité et l’indépendance des enquêteurs, même si ces qualités sont sincèrement recherchées. En effet, il est légitime, même si ce n’est pas toujours fondé, de penser que la direction des ressources humaines ou un délégué syndical chargé de l’enquête pourrait favoriser une partie au détriment de l’autre.
D’où l’importance cruciale, dans ce type de dossier particulièrement sensible, de recourir à des enquêteurs externes, capables de garantir une objectivité réelle et perçue. La décision de le Défenseur des droits s’inscrit donc dans cette logique de[ professionnalisation des enquêtes, où l’expertise et l’indépendance des enquêteurs deviennent non seulement des atouts, mais des nécessités [34].
Si le recours à des enquêteurs externes [35] peut représenter un certain coût, on peut légitimement se demander quel sera le coût réel pour la société Y d’avoir mené une enquête biaisée, ignoré les alertes et négligé la plainte de la salariée. Au-delà des enjeux financiers, l’aspect moral et éthique qui doit gouverner les structures syndicales et les entreprises est gravement compromis dans cette affaire. La décision du Défenseur des droits met en lumière les conséquences d’un manque de professionnalisme dans la gestion de tels dossiers, et impose une réflexion sur les moyens à déployer pour éviter que de telles situations ne se reproduisent.