1/ Historique.
Les agents de contrôle de l’inspection du travail sont chargés de veiller à l’application des dispositions légales et conventionnelles du droit du travail.
A cet effet, ils disposent de différents moyens d’actions (visite, enquête, demande de documents, etc.) pour constater d’éventuelles infractions et décider des suites à y donner, eu égard au pouvoir d’appréciation dont ils disposent.
L’ordonnance du 7 avril 2016 (n°2016-413) relative au contrôle de l’application du droit du travail a introduit dans le Code du travail un nouveau titre intitulé « amendes administratives ».
Si les autres types de mesures et sanctions administratives mises en place par cette ordonnance ont reçu une certaine publicité (on pense notamment à la transaction pénale), c’est un peu moins vrai pour les amendes administratives. A tort selon nous, puisque ce dispositif est en réalité redoutable.
La création de ces nouvelles sanctions n’est pas due au hasard mais résulte de la constatation par les autorités de la lenteur et de la lourdeur du processus de sanction pénale mené par le parquet, déjà surchargé par ailleurs.
L’idée était donc de garantir une meilleure effectivité du droit du travail en permettant à l’administration de sanctionner elle-même un certain nombre de manquements au Code du travail et aux dispositions conventionnelles applicables.
2/ Domaine de l’amende administrative.
L’article L8115-1 du Code du travail fixe le domaine d’application de l’amende administrative.
Les manquements pouvant faire l’objet de cette mesure sont les suivants :
non-respect des durées maximales (quotidienne ou hebdomadaire) du travail,
non-respect des durées minimales de repos (quotidien et hebdomadaire),
absence d’établissement de décomptes de la durée du travail et des repos compensateurs,
non-respect du smic et des salaires minima conventionnels,
manquements relatifs aux installations sanitaires, à la restauration, à l’hébergement des travailleurs dans les entreprises et sur les chantiers de bâtiment et de génie civil.
Tous les employeurs et tous les secteurs d’activité sont donc concernés par ces sujets. Le décompte du temps de travail notamment est un thème récurrent dans le contentieux prud’homal, de même que les durées maximales de travail dont le non-respect peut avoir des origines structurelles ou conjoncturelles.
Si la gestion des risques en matière est plus ou moins maitrisée pour le volet prud’homal, il l’est beaucoup moins pour le volet « administratif », les employeurs n’ayant la plupart du temps pas conscience d’encourir de tels risques.
Le montant des amendes pouvant très vite atteindre un chiffre important, il y a véritablement un intérêt à s’attarder sur le sujet.
3/ Procédure de prononcé de l’amende administrative.
En cas de manquements dans les domaines précités, sur rapport de l’agent de contrôle de l’inspection du travail, et surtout sous réserve de l’absence de poursuites pénales, le DREETS a la possibilité :
soit d’adresser à l’employeur un avertissement,
soit de prononcer à son encontre une amende administrative.
L’article L8115-3 du Code du travail précise que :
« le montant maximal de l’amende est de 4.000 euros et peut être appliqué autant de fois qu’il y a de travailleurs concernés par le manquement ».
Des majorations sont classiquement prévues en cas de récidive.
Les chiffres peuvent vite s’envoler avec 4 000 euros par salarié et par infraction.
Le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail étant rarement ponctuel, il est généralement associé à un dépassement de la durée maximale hebdomadaire sur la même période et, de fait, à un non-respect des durées minimales de repos quotidien et/ou hebdomadaire.
Lorsque plusieurs salariés sont concernés, et c’est souvent le cas, par une situation de manquement durant plusieurs semaines, il n’est ainsi pas rare que le montant encouru de l’amende atteigne les 500 000 euros.
De manière tout aussi classique, le respect du contradictoire est prévu avant le prononcé de l’amende administrative définitive.
Ainsi, l’administration informe par écrit l’employeur de la sanction envisagée et l’invite à présenter ses observations dans un délai de 15 jours ou 1 mois, prorogeable selon les cas.
L’employeur doit absolument user de cette possibilité qui lui est offerte car de ses observations dépendra le prononcé ou non de l’amende, et surtout son montant.
Pour fixer ce dernier, l’administration prend en compte un certain nombre d’éléments de contexte qu’il convient de développer et d’étayer :
les circonstances et la gravité du manquement,
le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi,
ses ressources et ses charges [1].
D’une manière générale, pour peu que l’entreprise apporte des éléments, l’administration tend à réduire considérablement le montant de l’amende.
L’administration prononcera au final, le cas échéant, l’amende par décision motivée, qui peut faire l’objet d’un recours gracieux (présentant peu d’intérêt si l’employeur a déjà fait ses observations auparavant) ou contentieux devant le tribunal administratif dans un délai de 2 mois.
4/ Conclusion.
Les amendes administratives connaissent, de fait, une montée en puissance bien réelle, même si elle reste discrète.
Réelle car, bien que le montant final des amendes soit relativement faible, il est toujours plus élevé que ce qui était prononcé par le juge pénal.
Discrète parce que les décisions d’amende administrative sont adressées aux seuls employeurs et ne connaissent donc pas de diffusion ou de publication.
Il faut aussi préciser que les recours contentieux devant la juridiction administrative, assez sévère il est vrai, sont rares [2].
Il y a fort à parier que le domaine d’application des amendes administratives va s’étendre dans les années à venir à d’autres types de manquement : motif de recours au CDD par exemple, etc.
Les employeurs ont donc d’autant plus de raisons d’être vigilants sur l’application des dispositions du droit du travail.