L'établissement de la filiation naturelle par la possession d'Etat : où va l'avant-projet camerounais du code des personnes et de la famille ?

Extrait de : Droit européen et international

L’établissement de la filiation naturelle par la possession d’Etat : où va l’avant-projet camerounais du code des personnes et de la famille ?

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Explorer : # filiation naturelle # possession d'état # Égalité des enfants # droit de la famille

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PAR TAMEKUE TAGNE JEAN NOEL
Doctorant en droit - Université de YAOUNDE II,
Avocat stagiaire au Barreau du Cameroun.

Pour reprendre un illustre auteur, la possession d’état est « une situation de fait constituée par la possession prolongée d’une qualité juridique déterminée, c’est-à-dire ouvrant droit à un statut d’égalité civile que le législateur présume parfois à titre irréfragable, être conforme à la réalité dans le but d’assurer la stabilité de l’état et le respect de la situation établie et consacrée par l’opinion publique » . Posséder un état, c’est en avoir l’apparence, se comporter et être considéré comme si l’on en était réellement titulaire. Dans le droit de la famille, la notion de « possession d’état » désigne une présomption légale permettant d’établir la filiation d’une personne sur la base de certains faits constatés par sa famille et par son entourage relativement aux relations ayant existé entre elle et la personne dont elle se dit être le fils ou la fille.

On appréhende généralement cette notion à partir de ses trois éléments constitutifs principaux : le nomen, le tractatus et la fama. L’article 324 de l’Avant-projet de code camerounais des personnes et de la famille fait ressortir nettement ces différents éléments. Il dispose que : « La possession d’état s’établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent les rapports de filiation et de parenté entre un enfant et la famille à laquelle il prétend appartenir, notamment :
a / l’enfant a toujours porté le nom du père qu’il prétend être le sien ;
b/ le père supposé l’a traité comme son enfant et a pourvu en cette qualité à son éducation, à son entretien, et à son établissement ;
c / l’enfant a été reconnu constamment pour tel dans la société ;
d / l’enfant a été reconnu pour tel par la famille ».
Si dans l’Avant-projet de code, la possession d’état est un mode d’établissement de la filiation de l’enfant conçu ou né dans le mariage, on ne peut dire de même de la filiation naturelle. Le futur code camerounais de la famille, comme l’ancien article 320 du code civil français ne considère la possession d’état que comme un moyen de preuve de la filiation de l’enfant légitime.

Il n’y a pourtant pas de raisons sérieuses justifiant le choix des rédacteurs de l’Avant-projet de code. La possession d’état n’est pas un mode singulier de preuve de la filiation légitime. L’enfant naturel peut pareillement en bénéficier, justement lorsque les modes normaux d’établissement de sa filiation seront défaillants.

Bien plus, « Le fait qu’aujourd’hui le concubinage émerge de plus en plus nettement des sphères ténébreuses du non droit, le fait encore que le droit de la filiation jette les bases d’un " vitalisme juridique" en reconnaissant le primat de la réalité vécue, invitent à placer la vieille idée de DEMOLOMBE dans une problématique nouvelle » .

Le silence de l’Avant-projet de code sur l’établissement de la filiation naturelle par la possession d’état semble s’interpréter plus comme une inadvertance que comme une volonté claire et non équivoque de ses rédacteurs.

C’est dans cette optique qu’un plaidoyer en faveur de l’établissement de la filiation naturelle par la possession d’état (I) débouchera sur un essai de systématisation (II).

I. LE PLAIDOYER EN FAVEUR DE L’ETABLISSEMENT DE LA FILIATION NATURELLE PAR LA POSSESSION D’ETAT

Il est indéniable que les arguments tirés de l’idée de justice et d’égalité en droit de la filiation (A) et l’exemple des droits étrangers proches du droit camerounais de la famille (B) sauront convaincre les rédacteurs du futur code à reconsidérer leur position.

A. Les arguments tirés de l’idée de justice et d’égalité en droit de la filiation

Le droit romain distinguait déjà les enfants naturels et les enfants légitimes. La paternité légitime était établie grâce au jeu de la présomption de paternité « pater is est … », présomption conçue alors à la fois comme un droit et comme une obligation pour le mari, seul qualifié pour agir en désaveu par tous moyens de preuve et sans condition de délai. La filiation naturelle ne produisait effet, à l’égard du père, que par l’effet de l’adrogation, donc avec le consentement du fils. Du côté maternel en revanche, elle produisait, du moins à l’origine, les mêmes effets que la maternité légitime . Sous l’influence du christianisme, la distinction évolua pour aboutir, au détriment des enfants naturels, à une véritable inégalité .

Sous l’ancien droit, si la filiation naturelle pouvait être facilement établie, elle ne conférait aux « bâtards » qu’un simple droit à aliments. Le droit intermédiaire, pourtant gagné par l’idée d’égalité, ne sut pas la consacrer dans la filiation : il accru les droits des enfants naturels mais rendit plus difficile l’établissement du lien . Inspiré par la conception patriarcale de la famille de Bonaparte, le code civil devait, tout en améliorant la condition des enfants naturels, renouer avec l’ancien droit, en manifestant à l’encontre de l’illégitimité une hostilité, plus ou moins profonde .

Ce rappel historique nous montre que, de tout temps, la filiation naturelle a toujours été traitée différemment de la filiation légitime. Le législateur préférant celle-ci à celle-là. La situation qui vient d’être décrite n’est pas différente de celle que vit les enfants naturels au Cameroun. La condition juridique de l’enfant né hors mariage est largement inférieure à celle de l’enfant conçu ou né dans le mariage. Au Cameroun, il y a une différence de traitement suivant la catégorie d’enfant. On peut ainsi opérer une hiérarchisation suivant l’importance : l’enfant légitime qui occupe le sommet de la pyramide, l’enfant adoptif (plénitude), l’enfant naturel reconnu, l’enfant naturel simple, l’enfant adultérin a patre, l’enfant adultérin a matre (qui ne peut être reconnu par le père naturel qu’après désaveu par le mari de la mère en justice), l’enfant incestueux qui ne peut être reconnu, l’enfant issu d’un viol qui lui-même ne peut pas être reconnu par son auteur . Sur le plan successoral, le droit camerounais est resté en retrait par rapport au droit français qui a renforcé la matière avec sa loi du 3 Janvier 1972. En effet, l’enfant naturel n’a de droit dans la succession de son père ou de sa mère que si la filiation a été établie . A considérer que la filiation soit établie, les droits successoraux de l’enfant naturel n’en demeure pas moins limités par rapport à ceux de l’enfant légitime. En présence d’enfant légitime, l’enfant naturel n’aura droit qu’à la moitié de ce qu’il aurait pu avoir s’il avait lui-même été légitime . L’enfant naturel représenterait une menace pour la famille légitime. Il faut limiter au maximum l’établissement de sa filiation . Il ne faudrait pas qu’il vienne concurrencer les enfants issus d’un ménage légitime. C’est la traduction même de l’ineffectivité en droit camerounais de la famille du principe d’égalité. Ce principe voulu par les textes fondateurs est en souffrance. Il est mis à mal en droit de la famille en général et en droit camerounais de la filiation en particulier .

Or, cette inégalité, cette discrimination, est critiquée comme inefficace, injuste et source d’incohérence . On conçoit mal que la défense de l’institution du mariage à la supposer nécessaire puisse reposer sur une injustice. La possession d’état d’enfant naturel, certes différente de la possession d’état d’enfant légitime, a elle aussi un effet probatoire. Elle peut être invoquée par l’enfant naturel dans les mêmes circonstances que le ferait l’enfant légitime.

Depuis la convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant , aucune différenciation ne devrait plus être opérée entre les enfants. Cette assimilation paraît d’autant plus normale que l’on imagine mal des raisons qui conduiraient à refuser à la possession d’état d’enfant naturel des effets reconnus à la possession d’état d’enfant légitime . Puisque la possession d’état est un mode d’établissement de la filiation légitime, pourquoi ne le serait-elle pas de la filiation naturelle ? Sans doute, une possession d’état d’enfant naturel ne peut-elle exactement se calquer sur une possession d’état d’enfant légitime puisqu’il n’existe alors aucune « famille » au sein de laquelle l’enfant pourrait prendre place. Mais il n’y a là qu’un obstacle technique. Les caractéristiques essentielles restent les mêmes. Donner à un enfant tout l’amour d’un père ou d’une mère sans que personne ne songe à nier la réalité du lien de filiation, n’est-ce pas manifester avec certitude l’existence de données biologiques ?

L’article 2 de la convention de 1989 interdit que l’enfant soit l’objet d’aucune forme de discrimination. Cet article, interdit notamment qu’un traitement différent soit réservé aux enfants légitimes et aux enfants naturels. On ne peut alors permettre à l’enfant légitime d’établir sa filiation par la possession d’état et le refuser à l’enfant naturel. Il s’agit d’un mode de preuve qui peut être utilisé indistinctement dans les deux types de filiation. L’article 7 de la même convention pose encore le principe selon lequel, l’enfant a dans la mesure du possible le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. On parle communément ici d’un droit pour l’enfant à la connaissance de ses origines. L’enfant naturel a donc le droit de connaître son père. A défaut d’une reconnaissance, ou de l’exercice d’une action en recherche de paternité, il doit pouvoir bénéficier des vertus de la possession d’état. Toute tentative du législateur de limiter les modes d’établissement de la filiation naturelle, conduirait à nier l’effectivité du droit pour l’enfant de connaître ses origines. Ce qui est en soi une injustice criarde et une violation de la convention de New York de 1989.
Cette situation d’injustice risque d’être réalisée si l’Avant-projet de code est finalement adopté dans ses dispositions actuelles. En réalité, une difficulté peut surgir après la mort du père naturel, lorsque l’enfant prétend venir à la succession. En effet, le « de cujus » a pu, par ignorance ou négligence, ne pas reconnaître son enfant. De plus, sa reconnaissance peut demeurer ignorée (hypothèse du testament non découvert) ou encore les registres de l’état civil ont pu disparaître dans une catastrophe . L’action en recherche de paternité naturelle n’étant plus possible, la situation de l’enfant naturel s’avère très précaire. Sans l’établissement du lien de filiation il ne peut venir à la succession. Comment remédier juridiquement à cette situation ? Les modes de preuve que constituent l’acte de reconnaissance et l’expédition du jugement sanctionnant l’action en recherche de paternité n’étant plus utilisables, une possession d’état continue de l’état d’enfant naturel devrait permettre à titre subsidiaire l’établissement de la filiation naturelle.

Certaines législations, ont consacré l’effet probatoire de la possession d’état à l’égard de la filiation naturelle. Le futur code de la famille pourrait s’en inspirer.

B. L’exemple des droits étrangers proches du droit camerounais de la famille

Le Cameroun, le Gabon, le Sénégal et la France se fondent dans ce que nous pouvons appeler le « cousinage juridique » . Les règles juridiques françaises se retrouvent peu ou prou dans les législations des pays africains ci-dessus. Pendant que ces pays posent avec de plus en plus de précision le principe de l’établissement de la filiation naturelle par la possession d’état, le Cameroun est encore à la traîne. La possession d’état permet d’établir la filiation de l’enfant naturel en France. Cet effet singulier de la possession d’état s’entrevoit également dans les législations du Sénégal et du Gabon .

L’évolution du droit français de la filiation en ce sens est allée de la non consécration à la consécration. La valeur probante de la possession d’état à l’égard de la filiation naturelle y a été acquise plus ou moins récemment . Au XIXe siècle, le rôle de la possession d’état en matière de filiation naturelle avait suscité une controverse. Contrairement à la thèse de DEMOLOMBE, qui soutenait qu’elle constituait en elle-même un mode d’établissement de cette filiation, la jurisprudence avait à ce propos adopté une attitude négative . Le fait est qu’à l’époque, l’idée et la notion de possession d’état s’accordaient mal à l’esprit et aux techniques du droit de la filiation naturelle . La reforme du 3 janvier 1972, et le rôle considérable conféré par elle à la possession d’état, incita divers auteurs à proposer d’admettre cette dernière comme mode de preuve autonome de la filiation naturelle . Cette opinion, satisfaisante, correspondait à un développement logique de l’orientation du droit de la filiation et se révélait fidèle à une évolution tendant à rapprocher celui-ci du réel et à améliorer la situation des enfants naturels . Mais en raison de l’état des textes issus de la reforme de 1972, et tout spécialement de l’article 334-8 du code civil qui prévoyait seulement l’établissement légal de la filiation naturelle « soit par reconnaissance volontaire, soit par déclaration judiciaire, à la suite d’une action en recherche de paternité ou de maternité », cette thèse évidemment liée à une conception dynamique, voire sociologique, de l’interprétation des lois nouvelles a suscité de solides résistances .

Les arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 8 mai 1979 et de l’Assemblée plénière en date du 9 juillet 1982 donnèrent l’occasion aux hauts juges français de se prononcer . En l’espèce, au décès du sieur Law King qui, originaire de Chine, s’était installé à la Réunion en 1927 et y était décédé en 1972, sa femme et ses enfants légitimes avaient contesté à un enfant naturel du défunt une vocation successorale à ce titre, faute de reconnaissance par le père et faute, pour l’enfant, de pouvoir agir en recherche de paternité naturelle, les délais de l’action étant expirés. Pourtant, adoptant une interprétation audacieuse, la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion accueillit, par un arrêt du 1er octobre 1976, l’action intentée par l’enfant en vue de faire constater qu’il justifiait d’une possession d’état continue d’enfant naturel. C’est cette décision que par le premier arrêt, la première chambre civile a cassé, en relevant que cette action était irrecevable. A nouveau saisie, mais sur renvoi et autrement composée, la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a résisté à la Cour de cassation. Et tandis qu’un nouveau pourvoi allait être tranché par la haute cour, le législateur est intervenu. C’était sans doute la voie la plus appropriée. Une proposition de loi de monsieur Jean foyer fut suivie du vote de la loi du 25 juin 1982, de sorte que l’article 334-8 du code civil est désormais rédigé en ces termes : « La filiation naturelle est légalement établie par reconnaissance volontaire » (alinéa 1er). Elle « peut aussi se trouver établie par la possession d’état ou par l’effet d’un jugement » (alinéa 2) .

Cela fait plus d’un quart de siècle que la possession d’état est considérée en France comme un mode de preuve de la filiation naturelle. Le législateur français, par la loi n° 82/536, en introduisant la possession d’état comme moyen de preuve de la filiation naturelle, maternelle ou paternelle, a confirmé l’expansion du principe d’égalité des filiations légitime et naturelle, sur le terrain de leurs modes d’établissement .

L’une des innovations majeures de certains droits africains nouveaux réside dans le fait que la possession d’état est devenue une preuve non judiciaire de la filiation naturelle . C’est une rupture avec la tradition léguée par le Code civil français et le Code belge qui, à l’origine, n’utilisait ce mode de preuve que pour établir la seule filiation légitime. Le réalisme qui domine certaines législations africaines a conduit à conférer à la possession d’état le même rôle probatoire en matière de filiation maternelle naturelle qu’en matière de maternité légitime. Les législations qui attribuent à la possession d’état un rôle probatoire le disent expressément dans les textes. C’est ainsi que l’article 199 du code de la famille sénégalais, dispose que : « Pour l’établissement de la filiation maternelle, la possession d’état est établie en prouvant que l’enfant, de façon constante, s’est comporté, a été traité par la famille et considéré par la société comme étant né de la femme qu’il prétend être sa mère ». Ce texte qui ne contient aucune distinction vise à la fois la maternité naturelle et la maternité légitime. Il établit sans contestation possible le rôle probatoire de la possession d’état en matière de maternité naturelle.
La même règle est aménagée dans l’article 424 du Code civil gabonais qui énonce que : « A défaut d’acte de naissance portant indication du nom de la mère ou de reconnaissance faite par la mère, la filiation maternelle d’un enfant naturel se prouve par la possession continue de l’état d’enfant … ». Certes, on constate à la lecture de ces textes que seule la maternité naturelle est visée, mais ces législations ont au moins le mérite d’admettre la preuve de la filiation hors mariage par la possession d’état. En réalité, la paternité naturelle peut et doit aussi s’établir par ce moyen.

L’admission de la possession d’état comme moyen de preuve de la filiation naturelle, peut également se prévaloir des enseignements du droit espagnol. Les articles 129 à 138 du Code civil de 1889 ne prévoient que deux modes d’établissement de la filiation naturelle : la reconnaissance, volontaire ou forcée. Cependant, les impérieuses nécessités de la pratique ont conduit le législateur à admettre, à côté de l’action traditionnelle en recherche de paternité naturelle simple, une action purement déclarative qui vise à obtenir une décision de juridiction gracieuse et qui doit être fondée sur l’existence d’écrits divers impliquant sans doute possible la volonté du père à reconnaître son enfant, soit, sur la preuve d’une possession d’état constante au bénéfice de celui-ci .

Au regard de tout ce qui précède, on ne peut que faire un effort dans la systématisation en droit camerounais de l’établissement de la filiation naturelle par la possession d’état.

II. L’ESSAI DE SYSTEMATISATION DE L’ETABLISSEMENT DE LA
FILIATION NATURELLE PAR LA POSSESSION D’ETAT

L’établissement de la filiation naturelle par la possession d’état peut être institutionnalisée (A). Cet effort d’institutionnalisation sera suivi de l’analyse des modalités de preuve de la filiation hors mariage par la possession d’état (B).

A. L’institutionnalisation de la preuve de la filiation naturelle par la possession d’état

Dans le projet de code camerounais des personnes et de la famille, la filiation de l’enfant naturel s’établit par reconnaissance de son père géniteur ou par une action en recherche de paternité. L’enfant naturel n’a pas d’autres moyens que ceux-là. Il peut cependant arriver des cas où l’enfant n’a pas été reconnu ou alors qu’il ne soit plus dans les délais pour agir en recherche de paternité. Faute d’acte de naissance, ce dernier se trouvera dans l’incapacité de prouver son lien de filiation. C’est à ce moment que peut intervenir la possession d’état. Comment d’ailleurs attribuer un rôle probatoire à l’acte de reconnaissance, aveu d’un moment, et le refuser à la possession d’état, aveu permanent manifesté par des liens affectifs et matériels ?

L’article 341 de l’Avant-projet de code dispose que :
« (1) La filiation naturelle résulte à l’égard de la mère du seul fait de l’accouchement.
(2) À l’égard du père, elle est établie conformément aux dispositions des articles 342 et suivants du présent code ». Les articles 342 et suivants de l’Avant-projet de code sont relatifs à la reconnaissance devant l’officier d’état civil, à la reconnaissance judiciaire et à l’action en recherche de paternité naturelle.
Dans l’optique d’intégrer la possession d’état au rang des modes de preuve de la filiation hors mariage, nous suggérons que les articles 341et 342 du code en préparation soient rédigés ainsi qu’il suit :
Article 341 nouveau : « La filiation naturelle résulte :
(1) À l’égard de la mère du seul fait de l’accouchement ;
(2) À l’égard du père, elle est légalement établie par reconnaissance volontaire ou par une action judiciaire en recherche de paternité ;
(3) A défaut, la filiation naturelle peut aussi se trouver légalement établie par la possession d’état ».
Article 342 nouveau : « (1) Pour l’établissement de la filiation maternelle, la possession d’état est établie en prouvant que l’enfant, de façon constante, s’est comporté, a été traité par la famille et considéré par la société comme étant né de la femme qu’il prétend être sa mère ;
(2) La possession d’état à l’égard du père naturel est établie en prouvant que, constamment :
-l’enfant a porté le nom du père dont il prétend descendre ;
- Le père l’a traité comme son enfant et a pourvu, en cette qualité, à son éducation, à son entretien et à son établissement ;
- il a été reconnu pour tel par la société ;
- il a été traité comme tel par la famille ;
-l’autorité publique le considère comme tel ».

Attendu que les modalités de mise en œuvre de la possession d’état d’enfant naturel ne sont pas totalement identiques à celles de la possession d’état d’enfant légitime, il s’avère nécessaire de faire quelques précisions.

B. Les modalités de preuve de la filiation naturelle par la possession d’état

Les éléments constitutifs de la possession d’état d’enfant naturel n’ont rien d’original. Il s’agit pour l’essentiel de la trilogie classique : le nomen, le tractatus et la fama. Pour l’établissement de la possession d’état, l’enfant naturel doit avoir porté, selon les cas, le nom de la mère ou de son père géniteur. Ses prétendus parents doivent l’avoir traité comme leur enfant. Et bien entendu, l’image externe du lien de filiation ne sera pas négligeable. La possession d’état doit encore s’inscrire dans la durée. Autrement dit, une possession d’état qui n’a pas une certaine permanence, ne pourra servir de preuve à la filiation naturelle.

Grâce à la sécurité qu’elle confère à son titulaire, le titre de naissance, reste le principal moyen de preuve de la filiation. L’effet probatoire de la possession d’état d’enfant naturel ne peut être invoqué qu’en l’absence de ce dernier. Comme dans la filiation légitime, il y aura une subsidiarité qui conditionnera l’établissement de la filiation naturelle par la possession d’état.

À la différence cependant de la possession d’état d’enfant légitime qui est indivisible et rattache l’enfant à ses deux parents, la possession d’état d’enfant naturel est caractérisée par une divisibilité essentielle. C’est dire que la possession d’état d’enfant naturel n’établit pas en même temps la filiation maternelle et la filiation paternelle. Celles-ci s’établissent séparément.

CONCLUSION

Au lendemain des indépendances, le Cameroun, comme bon nombres de pays africains, soucieux de conforter l’unité politique ne s’est pas immédiatement engagé dans le chantier de la construction juridique. Il a dans un souci de stabilité fait application des règles juridiques héritées de la colonisation . C’est peu à peu que le législateur camerounais va lancer de vastes chantiers de réglementation de la vie juridique. L’Avant-projet de code des personnes et de la famille s’inscrit dans cette logique.
Ce futur code si important pour le Cameroun se doit de corriger certaines imperfections et incorrections observées jusqu’ici dans le droit positif camerounais. Nous avons voulu à travers cet article attirer l’attention du législateur sur la nécessité de supprimer si non de diminuer le net fossé qui existe aujourd’hui entre les enfants légitime et naturel.
Nous disons que l’enfant naturel et l’enfant légitime sont égaux. Et, cette égalité doit nécessairement se poursuivre sur le terrain des modes d’établissement des deux types de filiation.
Le futur code camerounais des personnes et de la famille, dans lequel jaillit des idées d’égalité, jadis niées et inavouées, devrait, à notre avis, être conséquent et admettre comme en matière de filiation légitime, l’établissement de la filiation naturelle par la possession d’état ٪

TAMEKUE TAGNE JEAN NOEL
Doctorant en droit
Avocat stagiaire AU BARREAU DU CAMEROUN.

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE

I – OUVRAGES GENERAUX

CORNU (Gérard), Droit civil. La famille, Paris, Montchrestien, 8e éd., 2003.
FENOUILLET (Dominique) et TERRE (François), Droit civil : Les personnes, la famille, les incapacités, Paris, Dalloz, 6e éd., 1996 ; 7e éd., 2005.
HAUSER (Jean) et HUET-WEILLER (Danielle), La famille, fondation et vie de la famille, Paris, LGDJ, 2e éd., 1993.

II – OUVRAGES SPECIALISEES

GEBLER (Marie-josèphe), Le droit français de la filiation et la vérité, thèse publiée, Paris, LGDJ, 1970, 455 p.
LEFRANC (D.), La renommée en droit privé, éd., Défrénois, collection Doctorat & Notariat, tome 8, 2004.
PIZZIO (L.), La constatation de la possession d’état, Paris, publié par l’auteur, 1996.

IV – THESES ET MEMOIRE

ELOMO NTONGA (Lisette), L’enfant naturel en droit camerounais, étude de jurisprudence des tribunaux de l’ex-Cameroun oriental, mémoire de master’s degree, Université de Yaoundé, 1979.
LAUTOUR (Jean), La possession d’état, thèse de doctorat en droit, Université de Paris II, 1973.
MORGAND CANTEGRIT (V.), La possession d’état d’enfant, université de Lille II, 1993.

V - ARTICLES DE DOCTRINE

AGOSTINI (Eric), « Note sous Tribunal de grande instance de paris, 25 mars 1975 », Dalloz 1976, pp. 126 et ss.
ANOUKAHA (François), « La filiation naturelle au Cameroun après l’ordonnance n° 81/02 du 29 juin 1981 », RCD n° 30-1985, p. 25 à 50 ; PENANT n° 793-1987, p. 7 et ss.
ATANGANA-MALONGUE (Thérèse), « Le principe d’égalité en droit de la famille », Revue Africaine de Sciences Juridiques, n° 3, vol. 1, 2003.
CAPITANT (H.), TERRE (F.), LEQUETTE (Y.), « Note sous Cass. Civ. 1re 8 mai 1979 et Ass. Plén. 9 juillet 1982 », Les Grands arrêts de la jurisprudence civil, n° 43-44, Dalloz, 11e éd., tome 1, 2000, pp. 233 à 239.
HUET-WEILLER (Danielle), « L’établissement de la filiation naturelle par la possession d’état », Dalloz 1982, chronique, pp. 185 à 192.
JEANDIDIER (Wilfrid), « L’établissement de la filiation naturelle par la possession d’état. Les deux aspects d’un arrêt dissident », Dalloz 1981, chronique, 41.
JESTAZ (Philippe), « Commentaire de la loi du 25 juin 1982 », RTD civ. 1982, p. 670
MASSIP (Jacques), « La preuve de la filiation naturelle par la possession d’état », Défrénois 1982, pp. 1265 et ss.
- « Note sous Cass. Civ. 1ere, 8 mai 1979 », Gaz. Pal. 1979, 2, pp. 426 à 428.
SIDIME (Lamine), « La filiation hors mariage », Encyclopédie juridique de l’Afrique, Droit des personnes et de la famille, N.E.A 1982, pp. 363 et ss.

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