Dans cette affaire, un agent de la collectivité ayant participé à la procédure de passation du contrat litigieux au stade des candidatures et des offres avait occupé, immédiatement avant son recrutement par la collectivité et seulement trois mois avant l’attribution du marché, des fonctions au sein de la société attributaire. Ses fonctions avaient en outre trait à un objet en relation directe avec l’objet du marché.
Le Conseil d’Etat a jugé que :
« eu égard au niveau et à la nature des responsabilités confiées à M. L... au sein de la société NXO France puis des services de la collectivité de Corse et au caractère très récent de son appartenance à cette société et alors même qu’il n’a pas signé le rapport d’analyse des offres, la cour n’a ni inexactement qualifié les faits de l’espèce ni commis d’erreur de droit en jugeant que sa participation à la procédure de sélection des candidatures et des offres pouvait légitimement faire naître un doute sur la persistance d’intérêts le liant à la société NXO France et par voie de conséquence sur l’impartialité de la procédure suivie par la collectivité. »
Il est acquis que la méconnaissance du principe d’impartialité, principe général du droit qui s’impose au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative, est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence [1].
Toutefois, rapporter l’existence d’un tel manquement n’ai pas chose aisée.
Ainsi le Conseil d’Etat a-t-il jugé que le fait que certains membres du conseil d’administration d’un port autonome soient également administrateurs d’une SEM attributaire d’une DSP n’est pas constitutif d’une situation de conflit d’intérêts dès lors que, lors de la réunion au cours de laquelle le conseil d’administration du port a approuvé l’attribution de la délégation de service public à la SEM, les deux membres du conseil également administrateurs de la SEM n’avaient participé ni aux débats ni aux votes sur ce point [2].
Dans une autre affaire, le juge des référés avait annulé une procédure de passation d’un marché public au seul motif qu’un doute était né sur l’impartialité de la procédure suivie par un syndicat. Selon le juge des référés, le doute était né du fait que pour l’accompagner dans la rédaction et la passation du marché litigieux, le syndicat avait confié une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage à une société dont le chef de projet affecté par cette société au projet du syndicat avait rejoint en cours de consultation, préalablement à la remise des offres, la société désignée attributaire du marché.
Le Conseil d’Etat avait alors censuré ce raisonnement en retenant que le juge avait inexactement qualifié les faits dans la mesure où, lorsqu’il était chef de projet de la mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage, M. A...n’avait pas participé à la rédaction du dossier de consultation des entreprises et que sa mission était cantonnée à la collecte des informations préalables à l’élaboration de ce dossier [3].
Dans l’affaire Société Corsica Networks, non seulement le doute sur la partialité de l’acheteur est reconnu mais surtout ce doute emporte l’anéantissement du contrat.
On retiendra que si l’existence d’une situation de conflit d’intérêts est de nature à justifier une annulation de contrat, sanction la plus lourde en contentieux des contrats administratifs, le seul doute légitime sur la partialité de l’acheteur public - sans donc que la preuve d’une partialité effective ne soit rapportée - suffit désormais pour annuler le contrat.
Crédit photo : Jean-Luc Mege photography (2019).