1. Quand un permis de construire modificatif peut-il être déposé ?
A tout moment, sous deux conditions :
Le permis initial ne doit pas être périmé [1] (étant rappelé que le permis de construire modificatif ne prolonge pas la durée de validité du permis initial) ;
La déclaration d’achèvement des travaux ne doit pas être déposée [2].
2. Quelles modifications peuvent être envisagées dans le cadre d’un permis de construire modificatif ?
Le champ des modifications possibles est extrêmement large depuis un avis récent du Conseil d’Etat, exigeant seulement que le permis modificatif n’entraine pas la modification du projet « dans sa nature même » [3].
Avant 2020, le juge administratif considérait qu’un permis de construire modificatif ne devait pas avoir pour effet « d’affecter la conception générale du projet initial » [4], ce qui impliquait des modifications limitées par rapport au projet initialement autorisé [5] et ne bouleversant pas l’économie générale du projet [6].
Aussi, comme l’indiquait le rapporteur public dans ses conclusions, tout vice est désormais régularisable dès lors que « la régularisation n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même, au point de rompre le lien avec le permis initial » [7]
Ainsi, par exemple, un permis modificatif pourra désormais être accordé pour modifier sérieusement l’implantation des constructions si ces dernières ne sont pas modifiées dans leur nature même (en conservant notamment leur destination prévue par le permis initial) [8]
Il en irait également ainsi « si le projet est finalement réalisé dans une zone et sur une parcelle différente, si le bâtiment à usage de poulailler industriel se transforme en magasin de meubles ou si le chalet d’aspect montagnard devient une maison inspirée par l’architecture de Frank Lloyd Wright » [9]
3. Le permis de construire modificatif peut-il permettre de purger des irrégularités ?
Oui, et c’est l’un de ses atouts majeurs : Vice de compétence ou de procédure, illégalité par rapport au code de l’urbanisme ou du PLU, règle de hauteur, d’implantation ou erreur de calcul des aires de stationnement, le champ des vices susceptibles d’être régularisés par un permis de construire modificatif est désormais extrêmement vaste.
Récemment, le Conseil d’Etat a précisé qu’un permis de construire modificatif pouvait régulariser l’absence de mention sur le permis initial de l’obligation d’obtenir une autorisation d’ouverture d’un établissement recevant du public [10].
Une telle régularisation peut intervenir au cours d’une procédure engagée par un tiers, et peut être sollicitée directement par le juge administratif [11].
4. Le permis de construire modificatif peut-il valoir division ?
Oui, le permis de construire modificatif peut instituer une division parcellaire non prévue par le permis de construire initial, étant précisé que le respect des règles d’urbanisme doit être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière existant à la date à laquelle l’administration statue sur la demande, bien que cette dernière soit informée de la division à venir [12].
Une affaire jugée par la Cour administrative d’appel de Lyon est particulièrement instructive à ce sujet en ce qu’elle a validé cette option et admis qu’un permis de construire puisse faire l’objet d’un permis modificatif pour régulariser le vice tiré de l’absence de plan de division, et donc transformer le permis initial en permis de construire « valant division ».
Dans sa première décision avant-dire droit du 3 décembre 2019 [13], la Cour juge :
« 7. Les requérants font valoir que le projet autorise la construction de 40 logements distincts, qui seront vendus en l’état futur d’achèvement. En vertu de l’article L261-3 du code de la construction et de l’habitation, par un tel contrat, le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. La commune et le pétitionnaire n’ont produit au dossier de première instance ou en appel aucune pièce de nature à établir que les copropriétaires ne disposeront d’aucun droit exclusif en propriété sur une portion du terrain. Au demeurant, dès lors que les logements situés au rez-de-chaussée comportent un jardin privatif, leurs copropriétaires disposeront nécessairement d’un droit de jouissance privative exclusif sur cette portion de terrain attenant à leur logement. Il en résulte que les requérants sont fondés à soutenir qu’il sera procédé avant l’achèvement de l’ensemble du projet à une division en propriété ou en jouissance du terrain d’assiette des constructions projetées, de sorte que le dossier de demande de permis de construire devait comporter un plan de division en application des dispositions citées au point précédent ».
Dans son considérant n° 20, la Cour ajoute que « le vice relevé au point 7 du présent arrêt est susceptible d’être régularisé ».
Puis dans son second arrêt du 10 décembre 2020 (n° 19LY00681), la Cour confirme cette régularisation par un permis modificatif :
« 4. Il ressort des pièces du dossier que la SAS Excelys Habitat a produit un plan de division dans le cadre d’une demande de permis modificatif que le maire de Montélimar lui a délivré le 24 mars 2020. La circonstance que ce permis a été délivré après l’expiration du délai imparti par la cour lorsqu’elle a sursis à statuer en application de l’article L600-5-1 du Code de l’urbanisme n’est pas de nature à faire obstacle à la régularisation du vice constaté dans l’arrêt avant dire-droit [...] ».
Un raisonnement identique a été appliqué récemment par la Cour administrative d’appel de Marseille [14].
Il est donc possible de déposer une demande de permis de construire modificatif valant division.
5. Le permis de construire modificatif doit-il être affiché sur le terrain ?
Oui, et comme le permis initial, il peut faire l’objet d’un recours par les tiers dans un délai de deux mois à compter de son affichage. Ce recours ne peut porter que sur les modifications apportées au projet, et non permettre de contester le permis initial. En cas de recours déjà formé à l’encontre du permis initial par un tiers, le permis modificatif doit être notifié à ce tiers et ce dernier ne pourra le contester que dans le cadre du recours déjà introduit [15].