Le sort des garanties personnelles dans l’ordonnance du 18 décembre 2008, par Bahar Soleimani

Bahar Soleimani

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Explorer : # procédure de sauvegarde # garanties personnelles # entreprises en difficulté # conciliation

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L’ordonnance du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, publiée le 19 décembre 2008, est entrée en vigueur le 15 février 2009.

Selon le rapport du Ministère de la Justice au Président de la République , l’objectif principal de l’ordonnance est de renforcer l’attractivité de la procédure de sauvegarde, qui n’a pas rencontré le succès escompté.

Sur le fond, l’ordonnance du 18 décembre 2008 s’inscrit dans une politique de faveur à l’égard des débiteurs en difficulté, dans la continuité de la loi du 25 janvier 1985.

Elaborée dans le contexte de la crise économique, l’ordonnance a pour objectif d’améliorer les chances de redressement de l’entreprise, en incitant le dirigeant social garant des dettes de celle-ci à demander rapidement l’ouverture d’une procédure de traitement de ses difficultés.

Dans cette logique, les mesures améliorant le sort du garant concernent essentiellement la procédure de sauvegarde et, dans une moindre mesure, la procédure de conciliation – c’est-à-dire la phase préventive de la procédure.

Nous examinerons donc successivement l’extension des avantages accordés au garant lors de la phase de conciliation, puis lors de la phase de sauvegarde.

Conciliation

1. Sous l’empire de la loi du 26 juillet 2005, seule l’homologation de l’accord suspendait, pendant la durée de son exécution, toute action en justice et toute poursuite individuelle tant sur les meubles que les immeubles du débiteur dans le but d’obtenir le paiement des créances qui en font l’objet.

Désormais, la constatation de l’accord produit les mêmes effets.

2. Avant l’Ordonnance, seuls les coobligés et les personnes ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome pouvaient se prévaloir des dispositions de l’accord.

Désormais, sont susceptibles de se prévaloir des dispositions de l’accord les personnes coobligées ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.

En outre, il n’est pas distingué suivant qu’il s’agit d’une personne physique ou d’une personne morale (distinction qui est utilisée dans le cadre des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire).

Enfin, ces personnes peuvent désormais se prévaloir aussi bien des dispositions de l’accord constaté que de celles de l’accord homologué.

Cette extension des effets de l’accord simplement constaté au garant des dettes de l’entreprise a pour objet de ne pas dissuader le dirigeant social à demander l’ouverture d’une procédure de conciliation.

En outre, l’élargissement du cercle des bénéficiaires pouvant se prévaloir des dispositions de l’accord a pour effet d’en renforcer l’efficacité.

On est ainsi assuré qu’un recours du garant ne viendra pas en compromettre l’exécution.

Sauvegarde

I. L’élargissement des personnes bénéficiaires des mesures accordées dans le cadre du plan de sauvegarde

1. Depuis la loi du 26 juillet 2005, les coobligés, cautions et garants autonomes personnes physiques peuvent se prévaloir des délais et remises susceptibles d’être accordés par les créanciers (art. L 626-11).

De même, ils bénéficient de l’arrêt du cours des intérêts et de la suspension des poursuites (art. L 622-28 ancien).

2. Désormais, bénéficient de ces avantages les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.

Les garants personnes morales restent exclus du bénéfice de ces mesures.

Le législateur entend ainsi prémunir les cautions personnes physiques contre tout risque de contournement du dispositif protecteur mis en place par le recours du créancier à d’autres formes de garantie.

Reste à savoir si la jurisprudence va adopter une conception extensive du concept de sûreté personnelle , permettant d’y englober tout engagement ayant un effet de garantie.

Indéniablement, l’efficacité du plan de sauvegarde s’en trouve amélioré.

Désormais, seuls les garants personnes morales seraient susceptibles d’en compromettre l’exécution en exerçant un recours contre le débiteur.

L’objectif de ce dispositif est de ne pas dissuader le dirigeant qui s’est porté garant des dettes de son entreprise de recourir à la procédure de sauvegarde.

II. La modification de la sanction du défaut de déclaration des créances

1. L’ordonnance modifie la sanction du défaut de déclaration des créances en temps utile en affirmant, pour la première fois, que celles-ci sont inopposables au débiteur pendant et après l’exécution du plan, lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus.

2. Les créances non déclarées en temps utile sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, mais seulement pendant l’exécution du plan.

Cet avantage est expressément refusé à ces derniers en cas d’ouverture d’un redressement judiciaire (mais non au débiteur).

Dès lors que l’exécution correcte du plan aura pris fin, en cas de sauvegarde (première hypothèse), soit immédiatement après le jugement d’ouverture d’un redressement judiciaire (seconde hypothèse), le créancier pourra agir en paiement contre le garant personne physique.

La créance n’étant plus éteinte depuis la loi du 26 juillet 2005, ce dernier pourra à son tour exercer un recours contre le débiteur.

Si d’un point de vue théorique, l’existence d’un recours du garant à l’encontre du débiteur est justifié, certains arguments militent en faveur de la dénégation d’un tel recours.

En premier lieu, d’un point de vue purement juridique, l’octroi d’un recours subrogatoire au garant serait contestable dans la mesure où ce dernier serait alors subrogé aux droits du créancier dont la créance est elle-même inopposable au débiteur (ce qui est notamment le cas lorsque le plan a été correctement exécuté par le débiteur).

En second lieu, la jurisprudence a dénié l’existence d’un recours personnel du garant ou, du moins, en a considérablement réduit la portée en considérant que « la créance de la caution qui a payé la dette et qui agit contre le débiteur principal sur le fondement de l’article 2305 du Code civil prend naissance à la date de l’engagement de la caution » (Cass.com., 30 sept. 2008, n° 07-18.479, F-D, Blériot, ès qual. c/ SA Banque populaire Rives de Paris : JurisData n° 2008-045257 ; Fasc. 2352), souscrit avant l’ouverture de la procédure collective du débiteur principal.

Or, s’agissant d’une créance née avant l’ouverture d’une procédure collective, le point de départ du délai de déclaration est la publication du jugement d’ouverture de la procédure.

En pratique, il y aura peu de chances que le garant soit dans les délais.

Enfin, l’admission d’un tel recours aurait pour effet de maintenir le droit au recouvrement de la créance dans les rapports entre le débiteur et le garant, là où son exécution est paralysée à l’égard du créancier, et de remettre ainsi en cause un avantage acquis au débiteur.

Dans ces conditions, il serait préférable d’admettre que le créancier ne pourra pas agir contre la caution dans tous les cas où sa créance serait inopposable au débiteur.

D’autant plus qu’avant l’ordonnance, les créanciers ne déclaraient pas leur créance dans le but de pouvoir reprendre leurs poursuites après clôture de la procédure.

Désormais, cette stratégie sera inefficace lorsque le plan de sauvegarde aura été correctement exécuté.

Conclusion

L’ordonnance du 18 décembre 2008 améliore globalement le sort du garant personne physique et accroît corrélativement la protection du débiteur en difficulté.

L’efficacité de l’accord amiable en ressort renforcée.

Mais si elle tend à aligner le sort du débiteur et celui du garant au cours de la phase préventive de la procédure, l’ordonnance créée de nouvelles discriminations en modulant la sanction du défaut de déclaration de créance.

Ainsi, en l’état actuel du droit positif, c’est le garant qui devra supporter la charge définitive de la dette dans les hypothèses où il ne peut se prévaloir de l’inopposabilité de la créance non déclarée à l’égard du créancier.

En tout état de cause, les améliorations apportées au sort du débiteur et des garants de l’entreprise dans la perspective d’accroître ses chances de redressement nous paraissent devoir être saluées.

Bahar SOLEIMANI

ATER à l’Université Paris I

Bahar Soleimani

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