1/ L’interdiction des stupéfiants au travail.
Le Code du travail ne contient pas d’interdiction des drogues et stupéfiants sur le lieu de travail.
En revanche, l’article L3421-1 du Code de la santé publique prohibe l’usage illicite des substances et plantes classées comme stupéfiants et prévoit que, si l’infraction est commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, ou par le personnel d’une entreprise de transport routier, ferroviaire, maritime ou aérien, de marchandises ou de voyageurs exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport, les peines sont portées à 5 ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.
Selon la jurisprudence, la consommation et la détention de stupéfiants au travail sont généralement constitutives d’une faute grave.
Tel est le cas, notamment, des comportements suivants :
- Le fait, par un cuisinier, de consommer du cannabis sur son lieu de travail et de le conserver dans le réfrigérateur de la cuisine [1].
- Le fait, pour un chauffeur-livreur, d’entreposer du cannabis dans le fourgon d’un camion de l’entreprise [2].
La même solution s’applique au trafic de stupéfiants sur le lieu de travail.
À titre d’exemple, est justifié le licenciement pour faute grave du salarié ayant participé à un trafic de stupéfiants sur le lieu du travail, cette infraction ayant d’ailleurs donné lieu à une condamnation à 6 mois de prison avec sursis [3].
La consommation de drogue en dehors du temps de travail peut également, selon les cas, justifier le licenciement du salarié.
Il en va ainsi du personnel navigant commercial d’une compagnie aérienne ayant consommé des drogues dures pendant des escales entre deux vols et se trouvant sous l’influence de ces produits stupéfiants pendant l’exercice de ses fonctions [4].
Pour la Cour de cassation, ce motif tiré de la vie personnelle du salarié peut, en effet, justifier un licenciement disciplinaire (faute grave, en l’espèce), dès lors que l’intéressé n’a pas respecté les obligations prévues par son contrat de travail et fait courir un risque aux passagers.
2/ La formalisation des règles par l’employeur.
Dans les entreprises de 50 salariés et plus, les règles relatives aux drogues et stupéfiants doivent être intégrées dans le règlement intérieur.
En effet, ce document doit contenir [5] :
- Les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement ;
- Les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur.
NB. L’employeur peut estimer préférable de rédiger un document distinct sur le sujet. En ce cas, il doit être considéré comme une adjonction au règlement intérieur et soumis aux dispositions légales et d’entrée en vigueur qui lui sont applicables (C. trav. art. L1321-5).
Dans les entreprises qui ne sont pas assujetties à l’obligation de mettre en place un règlement intérieur, les règles relatives aux drogues et stupéfiants peuvent faire l’objet d’une note de service.
Si un CSE existe au sein de l’entreprise, il est recommandé de l’informer (et même de l’associer) sur le sujet, compte tenu des prérogatives dont il dispose en matière de santé et de sécurité.
En effet, dans les entreprises de moins de 50 salariés, les membres du CSE ont pour mission de promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise [6].
3/ L’enjeu de la santé et de la sécurité.
L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs [7].
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur est tenu de veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’article L4121-2 du Code du travail liste, par ailleurs, des principes généraux de prévention sur lesquels l’employeur doit se fonder pour respecter effectivement son obligation de santé et de sécurité.
Parmi ces fondements figurent les principes suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source.
La lutte contre les drogues et les stupéfiants fait partie intégrante des obligations de l’employeur dans le cadre de ces dispositions.
Le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), établi en application de l’article L4121-3 du Code du travail, peut utilement envisager l’ensemble des risques liés aux consommations éventuelles de substances psychoactives.
Enfin, le rôle des services de prévention et de santé au travail est essentiel et vise notamment à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail.
A cet effet, le Code du travail leur confère notamment pour mission
« de prévenir la consommation d’alcool et de drogue » sur le lieu de travail [8].
4/ Les possibilités de dépistage par l’employeur.
Pour le Conseil d’Etat [9], les dispositions d’un règlement intérieur permettant à l’employeur d’effectuer lui-même des tests salivaires de dépistage de la consommation de stupéfiants et de sanctionner le salarié en cas de résultat positif ne portent pas aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives une atteinte disproportionnée par rapport au but recherché, et sont licites, dès lors :
- Que les contrôles aléatoires qu’elles prévoient sont réservés aux postes pour lesquels l’emprise de la drogue constitue un danger particulièrement élevé pour le salarié et pour les tiers ;
* Que l’employeur ou le supérieur hiérarchique effectuant le test est tenu de respecter le secret professionnel sur son résultat ; - Et que ledit règlement intérieur reconnaît au salarié ayant fait l’objet d’un test positif le droit d’obtenir une contre-expertise médicale, laquelle doit être à la charge de l’employeur.
Cette décision est fondée sur l’article L1121-1 du Code du travail selon lequel :
« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Selon le Comité national constitutif d’éthique [10], une généralisation du dépistage des drogues en milieu de travail serait contraire au respect de la liberté individuelle.
Toutefois, le CCNE estime le dépistage médical de l’usage de produits illicites, d’alcool ou de médicaments psychotropes en milieu de travail souhaitable pour les postes de sûreté et de sécurité, en raison de l’existence de dangers encourus par les tiers.
Dans un arrêt du 27 janvier 2021 [11], la Cour d’appel d’Amiens a jugé, à l’instar du Conseil d’Etat, que le recours à un test urinaire de dépistage de drogue est possible si le règlement intérieur le prévoit, si les fonctions du salarié le justifient, et ce même s’il est pratiqué par le supérieur hiérarchique ou l’employeur dès lors que ceux-ci sont tenus de respecter le secret professionnel sur les résultats obtenus, et à condition que le salarié ait la possibilité de contester les résultats par un autre test ou une contre-expertise.
Enfin, selon le Conseil national de l’Ordre des médecins, le dépistage de la consommation de stupéfiants ne fait pas partie des missions du médecin du travail, même si ce dernier joue un rôle de conseil dans la prévention de l’usage de drogues ou d’alcool sur le lieu de travail [12].
Discussion en cours :
Bonjour,
La médecine préventive en SST peut être très vulnérable dans des cas bien précis : non abordés dans cet article.
Les agressions par soumission chimique sont sous-déclarées partout en France.
L’ANSM reste le relais essentiel par sa cellule d’alerte pour répertorier les cas et méfaits de ce type d’agressions.
Cela se passe aussi au travail et sont malheureusement très difficile à détecter pour les cibles de de protocole d’ingéniérie sociale.
En vous remerciant de ne pas oublier le sort réservé à ces victimes qui peuvent être fichées à tort depuis la création du FNOS en 2012.
La violation du secret professionnel, les faits de compérages entre médecins et l’intrusion d’experts de compagnies d’assurances pourront se terminer également en sanction pour l’assureur par l’ACPR au titre de solvabilité 2 en lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT).
A défaut de prévention, la sanction au chapitre corruption est un très bon outil de régulation.
A bon entendeur.
Bien à vous
NB