Indemnisation des accidents de la circulation : qui y a droit et qui paye ?

Par Joëlle Marteau-Péretié, Avocate.

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Explorer : # indemnisation # victimes d'accidents # assurance # profession d'avocat

Depuis 1985, la très protectrice loi Badinter prévoit que n’importe quelle victime d’un accident de la route se doit d’être indemnisée de l’intégralité des préjudices qu’elle subit à la suite de son accident. Cette loi confie ainsi aux compagnies d’assurances le soin d’organiser l’expertise médicale nécessaire à l’indemnisation de chaque victime, et ce le plus rapidement possible, c’est-à-dire dans des délais légaux contraignants pour les assureurs.
La loi Badinter s’applique à tout accident de la circulation ayant entraîné des dommages corporels, sous réserve qu’il implique un véhicule terrestre à moteur.

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La loi distingue plusieurs catégories de victimes

1 - Le cas des victimes piétons ou passagers d’un véhicule motorisé

À leur égard, la loi Badinter est incontestablement très protectrice. Car passagers et piétons accidentés bénéficient mécaniquement, c’est-à-dire sans condition, de la réparation de leurs préjudices. Même une faute avérée qui leur serait imputable n’empêchera généralement pas leur indemnisation. Seules les situations où la victime a consciemment provoqué l’accident ou bien s’est rendue auteur d’une faute inexcusable (qui serait la cause exclusive de l’accident) dérogeront à l’automaticité de l’indemnisation à l’endroit des victimes piétons et passagers.
Par ailleurs, il y a aussi indemnisation automatique pour toute victime âgée de moins de 16 ans ou de plus de 70 ans. Dans les deux cas, aucune faute en effet ne pourra leur être opposée qui surseoirait la réparation de leurs préjudices corporels.

2 - Le cas des conducteurs victimes d’accidents non responsables

En principe, comme le prévoit la loi Badinter, tout conducteur accidenté d’un véhicule terrestre à moteur voit ses dommages indemnisés s’il est victime. L’assureur de l’auteur des dommages sera par conséquent en charge de la réparation des préjudices corporels de la victime. A contrario, un conducteur responsable de l’accident ne pourra prétendre à une indemnisation de ses dommages qu’à la condition d’avoir souscrit une « garantie individuelle conducteur ». On comprend ainsi pourquoi, si souvent, les compagnies d’assurance cherchent à faire endosser au conducteur accidenté une part de responsabilité dans ce qui lui arrive. On parle alors communément de « responsabilité partagée ». Ce n’est donc rien de moins que la condition de victime qu’on tente ici de remettre en question... Pour se soustraire aux contraintes indemnitaires dévolues à la compagnie d’assurance. Les avocats en droit du dommage corporel sont régulièrement témoins de telles pratiques. Leur rôle est dans ce cas de rétablir la vérité en contestant de façon méthodique la version de la compagnie d’assurance et en faisant la preuve du statut de victime de leur client. La responsabilité partagée ou totale permet en effet à l’assureur de réduire significativement les montants indemnitaires, voire de refuser purement et simplement à la victime d’être indemnisée.

3 - Le cas des conducteurs victime d’accidents responsables

Mais nombre d’accidents graves ont lieu sans qu’un tiers soit directement impliqué. C’est par exemple le cas dans 39% des accidents de moto ou de 2 roues motorisées, accidents pouvant donner lieu à des traumatismes crâniens aux conséquences gravissimes. Le conducteur ou le pilote d’un véhicule terrestre à moteur se retrouve dans ce cas responsable des dommages qu’il subit du fait qu’il ait dérapé, ou percuté un arbre, une glissière de sécurité, ou n’importe quel autre obstacle. À ce titre, la victime d’un accident responsable ne pourra prétendre à la réparation de ses dommages corporels que si elle a souscrit une garantie spécifique la protégeant : une garantie « accident responsable ». En général, même quand la victime a pris cette précaution, l’indemnisation sera plafonnée selon le limites d’indemnisation prévues par ce type de contrat d’assurance.

4 - Le cas des victimes indirectes, autrement appelées les victimes par ricochet

On appelle victimes par ricochet les victimes indirectes de l’accident, par opposition à la victime directe qui subit l’accident de plein fouet. Concrètement, on parle ici de la famille de la victime, c’est-à-dire de ses parents ou de ses enfants, de son conjoint, possiblement des petits-enfants et des grands-parents. Mais cela peut également être le concubin sous certaines conditions. En effet, aucun lien de parenté biologique n’est exigible.
Reste que les proches voient eux aussi leur vie bouleversée et peuvent donc à ce titre être indemnisés. Il s’agira simplement d’établir que les préjudices revendiqués sont « personnels, directs, certains et licites ».

Qui est en charge de l’indemnisation des victimes d’accidents corporels ?

1 - Les compagnies d’assurances

Parce que les véhicules terrestres à moteur sont des véhicules assurés, les compagnies d’assurances ont prioritairement et logiquement la responsabilité de la réparation des préjudices corporels en cas d’accident. Il n’est pas anodin de relever ici que la loi introduit une ambiguïté et par voie de conséquences une source d’iniquités. En effet, en formulant les obligations et le calendrier indemnitaire dévolus aux compagnies d’assurances, le législateur place entre les mains de ces dernières le sort des victimes et de leur indemnisation. Or, on entendra facilement que les compagnies d’assurances n’ont pas pour unique objectif la défense des intérêts des victimes d’accidents. Leurs intérêts économiques pèsent sur tout le processus indemnitaire et évidemment sur les montants proposés aux victimes...

La règle en matière d’indemnisation du préjudice corporel est qu’intervient en direction de la victime la compagnie d’assurance du véhicule responsable. Néanmoins quand le taux de déficit fonctionnel ne dépasse pas 5 %, c’est parfois le propre assureur de la victime qui prendra en charge l’indemnisation, cela en vertu d’accords passés entre les différentes compagnies d’assurance.
On notera avec intérêt que, quand il est question de l’indemnisation des passagers accidentés, c’est la compagnie d’assurance du conducteur victime ou bien celle du conducteur responsable qui peut être saisie dans le cadre de l’indemnisation. L’avocat en droit du dommage corporel, après un examen attentif des 2 contrats, saura conseiller son client sur la stratégie la plus profitable.

2 - Le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, ou FGAO

Le fonds de garantie intervient notamment quand il est question d’accidents impliquant un conducteur responsable non solvable ou non identifié. On évalue à à peu près 1 million le nombre de conducteurs sans permis et sans assurance. On comprend mieux dans ces conditions l’importance qu’a le fonds de garantie auprès des victimes de ces chauffards. Deux conditions président toutefois à l’intervention du fonds de garantie :
- l’accident doit avoir eu lieu en France, ou dans certains pays de l’Union européenne avec lesquels la France a des accords,
- l’accident doit avoir eu lieu dans un espace ouvert où la circulation est publique.

3 - La CIVI : commission d’indemnisation des victimes d’infractions

Le rôle dévolu à la CIVI consiste à prendre en charge l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation lorsque ces accidents surviennent à l’étranger et que la France n’a pas contracté avec le pays concerné des accords de réciprocité. Soulignons que la victime a trois ans pour saisir la CIVI (trois ans à partir de la date de l’infraction). Lorsque des actions en justice sont engagées et en attente de décisions, ce délai légal peut éventuellement être rallongé d’un an.

4 - L’avocat en droit du dommage corporel, un acteur salutaire pour les victimes

Lorsque les séquelles consécutives à l’accident sont d’une importance modérée, il n’est pas déraisonnable de s’en remettre à la compagnie d’assurance. La victime n’aura ainsi aucun frais à avancer. Il conviendra toutefois de veiller à ce que l’ensemble des préjudices soit pris en compte, que les obligations de l’assureur soient respectées, et à ce que les sommes proposées par la compagnie d’assurance soient adaptées la situation.

En revanche, dès que les dommages subis se révèlent invalidants pour la victime, qu’ils ont des conséquences définitives sur la vie de l’accidenté, la sagesse commande à toute victime de recourir à un avocat rompu aux subtilités de la réparation des dommages corporels. L’avocat assistera la victime en négociant directement avec la compagnie d’assurance dans une première phase amiable. Il veillera notamment à ce que l’ensemble des préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux soient bel et bien réparés. Avec l’aide d’un médecin pro-victime il établira la liste exhaustive des préjudices pouvant faire l’objet d’une indemnisation par la compagnie d’assurance. Rien ne sera alors minoré ni oublié. Ce médecin de recours mis à la disposition la victime va permettre à celle-ci de se préparer à l’expertise médicale, étape déterminante en matière d’évaluation et de chiffrage des dommages indemnisés. Le médecin de recours dont s’entoure l’avocat au service de son client est un professionnel de santé libre de toute attache (vis-à-vis des compagnies d’assurances). Le rôle du médecin de recours est de faire contrepoids au médecin de la compagnie d’assurance, en particulier le jour de l’expertise médicale. Il ne manquera donc pas de se prononcer à l’occasion de cette expertise à laquelle il prend directement part. Il pourra notamment discuter la notation des préjudices, les conclusions de l’expert de l’assurance. Il pèsera de tout son poids sur les conclusions de l’expertise médicale. À cet égard, son rôle est fondamental.

Il n’est pas inutile de rappeler qu’empiriquement seuls 10 % des victimes d’accidents corporels se trouvent correctement indemnisés. Ces 10 % ont presque toujours pris soin de confier leur défense à un avocat rompu à l’indemnisation des dommages corporels. À bien considérer l’importance de la réparation des préjudices corporels sur toutes les années qu’il lui reste à vivre, on ne pourrait raisonnablement douter de l’opportunité pour la victime de s’entourer d’un bon juriste en la matière. Concrètement, on observe que les montants d’indemnisation obtenus par le biais d’un bon avocat sont souvent entre une fois et demie à trois fois supérieurs à ceux que la compagnie d’assurance propose initialement et spontanément.

Joëlle Marteau-Péretié
Avocate en Droit du Travail et Droit du Dommage Corporel :
https://jmp-avocat-indemnisation.fr
https://www.marteau-peretie-avocat.eu

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