Infractions aux règles d'urbanisme et droit de se taire. Par Olivier Cheminet, Avocat.

Infractions aux règles d’urbanisme et droit de se taire.

Par Olivier Cheminet, Avocat.

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Le procès-verbal dressé pour le constat d’une infraction en droit pénal de l’urbanisme n’implique pas une information au droit de se taire.
Conseil d’État, 10ème - 9ème chambres réunies, 29/11/2024, 498358 Mentionné dans les tables du recueil Lebon.

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En droit pénal de l’urbanisme, les infractions sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’urbanisme suivant l’autorité dont ils relèvent et assermentés [1].

Dans la pratique, il arrive que les procès-verbaux dressés par ces agents reprennent les déclarations de personnes présentes sur le site : utilisateurs du sol, bénéficiaires des travaux, architectes, entrepreneurs ou autres personnes responsables de l’exécution desdits travaux.

Il arrive également que ces mêmes déclarations concourent à ce que ces personnes s’auto-incriminent, ce qui peut être porté ultérieurement à la connaissance de la juridiction de jugement.

Par un arrêt du 29 novembre 2024 [2], le Conseil d’État a examiné la question de savoir si l’article L480-1 du Code de l’urbanisme est conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution, en tant que cet article ne prévoit pas la notification aux intéressés du droit de garder le silence.

Pour y répondre, le Conseil d’État relève tout d’abord que le premier alinéa de l’article L480-1 du Code de l’urbanisme a :

« pour seul objet de déterminer les catégories d’agents publics habilités (…) à procéder au constat matériel de certaines infractions en matière d’urbanisme, ainsi que de prévoir que les procès-verbaux qu’ils sont amenés à dresser font foi jusqu’à preuve du contraire ».

En outre, ces procès-verbaux ont vocation à être transmis au ministère public, qui appréciera l’opportunité des poursuites.

Autrement dit, l’article L480-1 du Code de l’urbanisme n’organise pas, de manière systématique et obligatoire, une audition de la personne faisant l’objet du constat d’infraction aux règles d’urbanisme.

Cette absence d’audition doit être prise en considération dans la mesure où :
« (…) dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les dispositions censurées pour méconnaissance du « droit de se taire » sont celles qui, sans prévoir l’information de la personne intéressée de ce droit, organisaient son audition – soit directement par un juge (…) – soit par une autre personne (…), – mais dans tous les cas alors que ses déclarations sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement. Or en l’espèce, les dispositions en cause de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme ne prévoient aucun « formalisme particulier » (Cass. Crim. 10 oct. 2006, n° 06.81.841). En particulier, elles ne prévoient pas expressément l’audition de la personne concernée » [3].

Aussi, en l’absence d’audition organisée par l’article L480-1 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’État juge que la mise en œuvre de cet article n’implique pas d’information au droit de se taire.

Cette solution illustre, le nécessaire équilibre à trouver entre, d’une part la protection des droits et libertés garantis par la Constitution et, d’autre part, l’effectivité de la constatation des infractions, cela dans une logique de préservation de l’intérêt général de l’urbanisme.

Olivier Cheminet, Avocat,
Barreau de Strasbourg.

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Notes de l'article:

[1Premier alinéa de l’article L480-1 du Code de l’urbanisme.

[2Conseil d’État, 29 novembre 2024, 498358, Mentionné dans les tables du recueil Lebon

[3Conclusions de Monsieur Frédéric Puigserver, Rapporteur public sur l’affaire n°498358

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