Innovation dans le droit : une grande étude pour s'interroger sur l'avenir de l'Avocat.

Innovation dans le droit : une grande étude pour s’interroger sur l’avenir de l’Avocat.

Simon Brenot
Rédaction du Village de la Justice

Le Village de la Justice se penche sur l’état de la mise en place des processus porteurs d’innovation dans les stratégies d’organisation et d’action des professionnels de ce secteur. Mercredi 9 octobre 2019, l’éditeur juridique Dalloz nous avait donné rendez-vous à l’Hôtel Renaissance Arc-de-Triomphe, pour faire la présentation de son "étude européenne sur l’innovation dans le secteur juridique", et notamment dans la profession d’avocat.

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Le Rapport sur l’avenir de la profession d’Avocat, remis au garde des Sceaux par Kami Haeri le 2 février 2017, débutait par cette phrase : « Jamais la profession d’Avocat n’aura été confrontée à une série de changements aussi nombreux, aussi profonds et aussi simultanés. » Un constat partagé par le groupe Lefebvre Sarrut qui a décidé de lancer une grande enquête pour déterminer les préoccupations et les attentes des professionnels face à cette vague d’innovations qui les touche.

Mesurer l’impact de l’innovation dans la stratégie des professionnels du droit.

La remise de l’étude européenne (le périmètre d’enquête portait sur cinq pays : France, Espagne, Pays-Bas, Belgique et Luxembourg) sur l’innovation dans le secteur juridique a été l’occasion pour les responsables du projet, Rémi Ramondou, directeur du marché praticiens du droit, et Marie Bernard, consultante et ancienne directrice de l’Innovation d’un cabinet d’avocat international, d’expliquer leur objectif et leurs méthodes devant des invités venus des différents horizons professionnels du droit. « Il nous a paru intéressant de voir en quoi la révolution numérique impactait le partenaire avocat et le partenaire directeur juridique.

Rémi Ramondou, directeur du marché des avocats chez Dalloz, présente l’étude sur l’innovation dans le droit et dans la profession d’avocat.

De la même façon, entre l’expert-comptable et le DRH ou le DAF dans l’entreprise. A partir de ce travail, nous avons décidé de réaliser une étude quantitative avec plus de 1500 sondages collectés de 580 juristes issus de cabinets d’avocats et de directions juridiques. »

L’étude se décompose en 4 chapitres : « Choisir les axes stratégiques de son évolution », « Organiser le travail au sein du cabinet de demain », « Gouverner et financer la transformation des cabinets », et enfin « Préparer l’avenir ». Une organisation avec un contenu éditorial pour « donner des pistes, quel que soit le type d’avocat et sa situation. »

Parmi les principaux enseignements

La dimension européenne de l’étude nous informe sur les différences de perception quant à l’importance donnée à l’innovation au sein des structures. Celle-ci est considérée comme capitale ou importante par 96,3% des sondés aux Pays-Bas, 79,6% aux Belux et 75,7% en Espagne, alors que la France arrive en queue de peloton avec 54%. Pour la mettre en place, 59,5% des répondants néerlandais indiquent avoir engagé du personnel dédié ; tandis qu’en France ils ne sont que 35,3%. Ces chiffres se reflètent dans le pourcentage de cabinets à avoir répondu oui ou non à la question sur la présence d’un budget annuel dédié à l’innovation : 23,5% des sondés hexagonaux sont positifs, contre 38,9% des néerlandais.

L’importance accordée aux nouvelles technologies sur le marché français diffère selon la taille du cabinet : ainsi, les plus gros ont des besoins plus élevés dans la gestion de leur organisation et de leur productivité (les data rooms sont considérées comme les outils les plus importants avec une note de 8,5/1, tout comme les logiciels de gestion intégrés avec 8,25/10). Mais ils ont également plus de moyens pour y parvenir. Alors que les plus petits accordent plus d’importance à la cybersécurité (6,88/10) et à l’assistance dans la production de documents (6,82/10). De manière générale, il ressort un « quasi désintérêt pour les solutions qui permettent d’identifier et de gérer les compétences » au sein du cabinet (3,25/10 pour les gros cabinets).

Ensuite en ce qui concerne l’impact des nouvelles technologies dans la transformation des cabinets, il apparait que « l’innovation est majoritairement le fait d’un individu ou d’un petit groupe » en France, et que « quatre cabinets sur cinq ne documentent pas leur stratégie d’innovation, ni leurs objectifs pour conduire l’innovation au sein de leur structure. » Un constat qui emmène les cabinets dans la mauvaise direction, à l’opposé de ce vers quoi tendent les changements de modèles économiques actuels. Néanmoins, des initiatives sont lancées çà et là avec entre autres les incubateurs, les nouvelles formes d’apprentissage, pour changer les habitudes. Mais la difficulté à faire des levées de fond pour les avocats complique le processus. Finalement, la solution ne viendrait-elle pas de la mutualisation des moyens ? Plusieurs experts interrogés le pensent mais l’Etat et les autres régulateurs restent des freins à une mise en place.

Il apparait que les besoins en compétences vont également se recentrer sur l’esprit collaboratif interne et interprofessionnel...sans que cette information ne soit partagée par l’ensemble des cabinets : « accéder à des talents composites, pluriels, devient impératif dès lors que l’on opère dans une moyenne ou grosse structure », mais pas pour les plus petites. L’émergence de la technologie dans certaines tâches va remodeler les profils des juristes recherchés, ce qui amène inévitablement aux soft skills qui prennent de plus en plus d’importance en tant que compétences clés du futur. Selon les avocats eux-mêmes, l’avocat du futur sera à 27% partenaire de ses clients, travaillant de manière collaborative, à 20% entrepreneur, à 14% digitalisé et communicant, et à 5% mobile.

Enfin, qui dit futur, dit nouvelle génération. Bien que l’on prophétise une vague submergeant toute la profession et révolutionnant ses modes et ses codes, les experts interrogés sont plus sceptiques sur ce changement. Ils conviennent que les aspirations des nouveaux venus seront différentes des anciens en termes de parcours de carrière (moins linéaire et balisé pour certains), mais pour autant l’inquiétude vient surtout de leur capacité à être autonomes en société et à prendre leur indépendance. Egalement, à respecter la confidentialité et le secret professionnel à l’ère du partage et de la mise en scène, avec notamment la géolocalisation.

Témoigner sur les changements dans la profession d’avocat.

Kami Haeri, qui a témoigné dans l’enquête, a été invité à donner ses impressions sur le support présenté et sur l’innovation : « Une erreur que la profession a pu faire est d’abord d’avoir toujours perçu la transition de manière verticale. Alors que c’est bien l’horizontalité, dans les rapports et usages avec le client, qui nous permettra d’avoir accès à des services de plus en plus sophistiqués. Ensuite, je constate que le rapport qu’on entretient au numérique est encore extraordinairement basé sur la technologie, le stockage, les relations avec les juridictions, le hardware ; alors que le terme « client » n’est quasiment jamais présent. L’objet de cette étude est donc de nous ramener vers le client, vers un usage du numérique qui transforme notre offre et la filière. »

Et effectivement, « la profession a changé » selon Jean Castelain, avocat, et qui a également participé à l’enquête, mais malgré ce constat encourageant, « nous avons le plus grand mal à appréhender le monde de demain. Le juriste est toujours très prudent mais l’étude montre la nécessité pour les avocats de s’obliger à investir dans les nouvelles technologies, l’humain, avec l’aide d’ingénieurs, et tout cela dans le dialogue avec le client lequel est de plus en plus compétent. »

Christiane Féral-Schuhl, Présidente du Conseil National des Barreaux, est également intervenue pour conclure cette soirée, en rappelant que face au développement rapide des nouvelles technologies et aux difficultés des avocats à s’adapter, « la part d’humanité doit rester au cœur du dispositif de l’innovation. Et ce sont les valeurs humaines qui permettront aux avocats de garantir aux citoyens d’avoir accès au droit et à la Justice. »

Ne pas oublier les freins...

Il serait illusoire de nier les freins existants à l’innovation. Il faut évidemment en tenir compte soit pour les traiter, soit pour rester réaliste sur les objectifs... L’étude les quantifie et les compare dans plusieurs pays européens :

Simon Brenot
Rédaction du Village de la Justice

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