Genèse de l’arrêt.
Pour obtenir sa licence, la société Key Largo, agence de voyages, bénéficiait en tant qu’adhérent d’une garantie financière de la part de l’Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme (connue sous l’acronyme d’APST), d’un montant de 234.800 euros.
Pour garantir l’éventuelle défaillance de l’agence, les dirigeants de cette dernière ont chacun souscrit un contrat de cautionnement solidaire d’un montant de 235.000 euros le 6 septembre 2012, couvrant le principal, outre divers intérêts.
Suite au placement en liquidation judiciaire de l’agence Key Largo, l’APST a, après avoir exécuté sa garantie financière, assigné les cautions en exécution de leurs engagements.
Devant les juges du fond, l’APST a été déboutée. La cour d’appel en a conclu que l’APST agissait en qualité de créancier professionnel lorsqu’elle se faisait consentir un cautionnement dans le cadre de son activité.
Sans surprise, la Haute juridiction a approuvé le raisonnement des juges du fond et, par conséquent, rejeté le pourvoi initié par l’APST.
Selon la cour, la créance garantie par les cautionnements des co-dirigeants de la société Key Largo était en rapport direct avec l’activité qu’exerçait l’APST, et ce, peu importe qu’elle soit ou non lucrative.
Cette décision s’inscrit sur la position antérieure de la Cour de cassation (I), mais elle rajoute un élément intéressant qui est la lucrativité de l’activité exercée par le créancier (II).
I) Le rappel utile de la cour sur la notion de créancier professionnel.
La notion de créancier professionnel a été une source de débat de la part de la doctrine, mais aussi de la jurisprudence. Bien que l’article liminaire du Code de la consommation apporte une définition qui semble claire, la notion de créancier professionnel ne cesse de faire couler d’encre, et surtout, elle est source d’un contentieux important qui ne cesse de s’accroître.
On retrouve fréquemment l’évocation de cette notion en matière de cautionnement. Elle est indéniablement une arme de défense pour les cautions qui souhaitent échapper à leurs engagements, lorsqu’elles sont appelées.
En effet, le professionnel est défini par l’article liminaire du Code de la consommation comme toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel.
La jurisprudence a pour sa part défini le créancier professionnel comme étant celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en direct avec l’une de ses activités, qu’elle soit principale ou accessoire.
C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans de nombreuses décisions, à l’instar de l’arrêt du 08 septembre 2021 [1].
Dans le cas présent, la décision de la cour trouve son fondement sur les dispositions de l’article L341-4 du Code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016 [2].
C’est donc au sens de cet article que la cour s’est fondée pour qualifier l’APST de créancier professionnel, en ce sens que l’objectif visé par cette dernière est la fourniture d’une garantie financière aux clients et fournisseurs de ses adhérents, en cas de difficultés pour ceux-ci d’honorer leurs obligations.
Il convient de préciser que la Cour de cassation a toujours considéré l’APST comme étant un créancier professionnel. C’est ce qu’elle a décidé, par exemple, dans son arrêt du 27 septembre 2017 [3].
II) La qualification de créancier professionnel malgré l’absence d’un but lucratif.
Une erreur constamment répétée, ce n’est plus une erreur, c’est un choix - Disait Paulo Coelho.
A travers l’arrêt d’espèce, on peut en déduire que l’APST ne retient pas la leçon de ses erreurs. En effet, comme expliqué ci-dessus, la Cour de cassation a déjà jugé par le passé que l’APST doit être regardée comme étant un créancier professionnel.
Dans son pourvoi, l’APST arguait que la garantie financière qu’elle offrait à ses membres ne caractérisait pas une activité professionnelle. Elle s’appuyait surtout sur l’absence de profit tiré de cette fourniture de garantie.
Ce à quoi la Haute juridiction a rappelé qu’il n’est nullement besoin que l’activité exercée par l’APST soit lucrative pour qu’elle soit considérée comme étant un créancier professionnel. En d’autres termes, dès lors que les cautionnements litigieux ont été consentis dans le cadre de l’activité de l’APST, cela suffit à caractériser cette dernière, en tant que créancier professionnel.
Il s’agit d’un nouvel apport de la cour en la matière, qu’il conviendra aux associations poursuivant un but similaire à celui de l’APST, d’intégrer dans leur mode de fonctionnement.
Par ailleurs, ces associations peuvent recourir à différents types de sûretés, leur permettant de recouvrer leurs créances sans se heurter à cette arme de défense des cautions.