Droit d’auteur : les droits sur les créations salariales en Allemagne.

Par Marie-Avril Roux Steinkühler, Avocat et Jeanne Pénicaut, Juriste.

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La grande majorité des auteurs ne créent pas d’œuvres en tant qu’artistes indépendants ou entrepreneurs, mais sont salariés.
L’employeur peut-il exploiter l’œuvre de son employé sans le rémunérer, même si l’œuvre va au-delà des obligations découlant du contrat de travail ? L’auteur conserve-t-il ses droits ou les cède-t-il implicitement en signant le contrat de travail ?
Eclairage sur les différentes situations des créations salariales en Allemagne.

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Les créations salariales en Allemagne : le transfert des droits d’utilisation à l’employeur.

Conformément à l’article 43 UrhG (Urhebergesetz - Loi allemande sur le droit d’auteur), si l’employé crée une œuvre protégée par le droit d’auteur pendant son temps de travail et dans le cadre de son activité contractuellement due, il en reste certes l’auteur, mais il doit accorder à l’employeur un droit d’exploitation de cette œuvre. Il est de même pour les créations de programmes informatiques selon l’article 69b de UrhG.

Pour les œuvres dites obligatoires « Pflichtwerke », soit pour les œuvres dont l’obligation contractuelle du salarié consiste précisément en leur réalisation (comme un ingénieur de construction, un codeur, un graphiste), la cession des droits d’exploitation tacite et implicite est présumée exclusive.

Pour les autres œuvres qui sont créées dans le cadre de la relation de travail mais qui ne sont pas réalisées en exécution d’une obligation contractuelle précise, la cession des droits d’exploitation simple au sens de l’article 31, paragraphe 2 de l’UrhG est tacite et implicite, contrairement au droit français, selon lequel, il n’y a pas de cession automatique au profit de l’employeur du seul fait de l’existence d’un contrat de travail (à l’exception des œuvres collectives et des logiciels qui sont confiés à l’employeur).

En cas de litige sur la portée de la cession (notamment la question de savoir si elle est simple ou exclusive), celle-ci doit être déterminée objectivement en fonction de la nature et des obligations du contrat, conformément à l’article §31 paragraphe 5 UrhG.

Le travail relevant du droit d’auteur doit toutefois avoir été réalisé sur la base d’instructions (comme en droit français pour les œuvres collectives), créé dans le cadre de la relation de travail selon l’article §43 UrhG (l’employeur n’a pas de droit sur l’œuvre créée avant ou après la relation contractuelle) ou être consigné dans le contrat de travail.

Il n’est pas nécessaire de conclure un accord écrit ou de verser une rémunération supplémentaire pour l’octroi du droit d’exploitation de l’œuvre. La rémunération salariale inclut donc la cession et la mise à disposition de l’œuvre du salarié.

L’étendue des droits d’exploitation de l’employeur.

Selon l’article 31, paragraphe 5, de l’UrhG, l’auteur ne doit accorder des droits d’exploitation de son œuvre que dans la mesure requise par l’objet du contrat spécifique et à défaut du contrat de travail. En pratique, l’auteur cède implicitement certains droits à son employeur. Il s’agit par exemple du droit de reproduction et de publication. Des modifications sur l’œuvre peuvent également être apportées conformément à l’article 39, paragraphe 2 de l’UrhG.

Par ailleurs, en vertu de l’article 43 de l’UrhG, l’employeur peut exiger un droit d’exploitation exclusif au sens de l’article 31, paragraphe 3, de l’UrhG, si celui-ci est nécessaire à la réalisation de l’objet du contrat. Toutefois, l’employeur nécessite l’accord de l’auteur conformément aux articles 34, paragraphe 1 et 35 paragraphe 1 de l’UrhG pour céder ou concéder les droits d’exploitation à des tiers.

Contrairement aux créations salariales, pour les inventions de salariés, l’article 26 ArbNErfG (Gesetz über Arbeitnehmererfindungen - loi allemande sur les inventions salariales) s’applique, selon lequel les droits et obligations des deux parties ne sont pas dissous à la fin de la relation de travail.

Les créations des travailleurs indépendants.

Si l’auteur a été engagé en tant que travailleur indépendant il peut exiger une rémunération appropriée conformément à l’article 32 de l’UrhG. Toutefois, si l’exploitation de ses œuvres est déjà déterminée par une convention collective (article 32, paragraphe 4, de l’UrhG), c’est la rémunération de ladite convention collective qui s’applique.

Les œuvres créées en dehors du cadre de la relation de travail.

En principe, les activités créés pendant les loisirs de l’employé dans des domaines étrangers à l’entreprise sont exclues du droit d’exploitation de l’employeur.

Lorsqu’un employé crée des œuvres dites « libres » à titre privé et sans utiliser les connaissances acquises au sein de l’entreprise, l’employeur et l’employé ont le choix de négocier une cession de droits et une rémunération correspondante.

Indépendamment de la répartition des droits sur une œuvre hors contrat de travail, l’auteur se doit de respecter son devoir de loyauté en vertu de l’article 241, paragraphe 2 du BGB (Code civil allemand) ainsi que la clause de non-concurrence des articles 60 et 61 du HGB (Code du commerce allemand) par analogie, ou de l’article 10, paragraphe 2 de la BBiG (Loi sur la formation professionnelle). L’auteur salarié n’a pas le droit de faire concurrence à son employeur pendant la durée du contrat de travail ou de formation, sous peine de risquer un licenciement extraordinaire en application de l’article 626 du BGB.

Conseil : cette obligation de loyauté et l’obligation de non-concurrence ne perdurent pas après la fin du contrat de travail, il est donc recommandé à l’entreprise de négocier des clauses de non-concurrence et d’obligations de confidentialité post-contractuelles.

Pas de droit de principe à une rémunération spécifique.

En principe, l’auteur salarié ne peut exiger une rémunération supplémentaire pour la cession des droits sur l’œuvre qu’il a créée dans le cadre de son contrat de travail. Par ailleurs, il ne peut demander un ajustement d’une rémunération convenue par convention collective, conformément à l’article 32, paragraphe 5 de l’UrhG.

L’employeur et le salarié sont toutefois libres de négocier un ajustement de rémunération dans le contrat de travail.

Toutefois, l’auteur peut exiger une modification de la rémunération conformément à l’article 32, paragraphe 1, phrase 3 de l’UrhG, en raison d’un changement de circonstances, la rémunération initialement versée s’avérant trop faible et donc inappropriée. C’est notamment le cas si de nouvelles possibilités d’utilisation rentables se présentent à l’avenir, alors qu’elles étaient encore totalement inconnues à l’époque de la conclusion du contrat de travail.

Concernant les travailleurs indépendants, l’adéquation du montant de la rémunération des travailleurs indépendants conformément à l’article 32, paragraphe 1, phrase 3 de l’UrhG peut être renégocié. Il n’existe cependant pas de valeur de comparaison fixe, ce qui laisse une grande marge de négociation.

Qu’en est-il des stagiaires ?

De nombreux contrats de stage contiennent des clauses dans lesquelles les entreprises s’accordent l’exploitation exclusive des résultats et des connaissances acquises dans le cadre du travail de bachelor ou de master.

Le principe reste le même. Une rémunération spécifique n’est requise que si celle convenue contractuellement n’est pas appropriée ou conforme à la pratique, conformément à l’article 32, paragraphe 3 de l’UrhG.

L’employeur doit-il mentionner le nom de l’auteur ?

En principe, l’employé a le droit d’être mentionné comme auteur de ses œuvres.

L’employeur ne peut pas se désigner comme auteur des œuvres d’autrui vis-à-vis de tiers.

Toutefois, dans certains cas, l’employeur est autorisé à ne pas mentionner l’auteur dans la mesure où la mention du nom de l’auteur affecte l’effet de l’œuvre sur le public ou son exploitation économique (par exemple dans le cas de graphiques publicitaires).

Nouvelle obligation d’information de l’employeur sur les droits d’auteur.

En droit allemand, l’employeur est désormais soumis à une obligation d’information envers l’auteur, au moins une fois par an, relative à l’étendue de l’exploitation de l’œuvre et sur les revenus et avantages qui en découlent, conformément à l’article §32d I UrhG.

Conseil.

La protection des droits d’auteur dans les relations de travail étant assez mal définie, il est recommandé de conclure à titre préventif des contrats qui détaillent précisément les droits d’exploitation des parties concernées. Par ailleurs, en France, il est recommandé d’insérer une clause de présomption d’œuvre collective ou de prévoir une clause de cession détaillant chaque droit cédé sur les œuvres individuelles.

Si, en tant qu’employeur ou employé, vous avez d’autres questions concernant l’exploitation des œuvres créées par les salariés en Allemagne ou en France, faites appel à un cabinet spécialisé.

Marie-Avril Roux Steinkühler - LL.M. Certified IP/IT Lawyer - Paris - Berlin
Jeanne Pénicaut - Juriste
Mars - IP
www.mars-ip.eu mars chez mars-ip.eu

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