Les ententes faussant le jeu de la concurrence au Maroc.

Par Ahmed Benattou.

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Explorer : # entente anticoncurrentielle # concurrence # conseil de la concurrence # sanctions

La concurrence suppose la confrontation entre deux ou plusieurs entreprises, confrontation aboutissant à la fixation des prix et à l’échange de biens et de services. La loi marocaine permet une concurrence loyale et vise à améliorer son efficacité sur des marchés ouverts et dynamiques, favorisant la compétitivité et l’innovation, dans l’intérêt du consommateur et de l’économie du pays en général. Cependant, certaines pratiques anticoncurrentielles telles que l’entente peuvent porter atteinte à cette concurrence.

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L’entente est une action collective réunissant deux ou plusieurs entreprises souhaitant contribuer au progrès économique et technique d’un pays donné. En vertu de la loi 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence, l’entente est légale tant qu’elle ne fausse pas le jeu de la concurrence sur le marché de produits ou de services. Sinon, elle devient une pratique anticoncurrentielle interdite par la loi [1].

Cette coopération informelle peut avoir pour but de faire obstacle à la fixation des prix en favorisant leur hausse ou leur baisse, de limiter la production et de répartir les marchés et les clients entre les concurrents.

L’entente anticoncurrentielle peut prendre deux formes : horizontale et verticale.

L’entente horizontale est un accord effectué entre des entreprises qui se placent au même niveau du marché. Par exemple : une entente entre l’entreprise A et l’entreprise B ou bien entre le distributeur de l’entreprise A et le distributeur de l’entreprise B.

Tandis que l’entente verticale concerne deux acteurs économiques qui ne se placent pas au même niveau du marché. Par exemple : une entente entre l’entreprise A et ses distributeurs ou bien entre l’entreprise A et ses fournisseurs.

Cependant, les ententes ne doivent pas être confondues avec l’abus de position dominante puisque cette dernière est le fait d’une seule entreprise. Quelle est donc l’autorité chargée de réguler les ententes anticoncurrentielles ?

En vertu de la constitution et de la loi 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence, l’autorité chargée de réguler les ententes anticoncurrentielles est le conseil de la concurrence [2]. C’est une institution indépendante qui a pour but d’assurer une concurrence libre et équilibrée entre les entreprises concurrentes sur le marché.

Après l’avènement de la constitution de 2011, le conseil de la concurrence, qui était autrefois un organe consultatif, a acquis un statut décisionnel en 2014. En plus des recommandations qu’il fait au ministre chargé du secteur afin d’améliorer le fonctionnement concurrentiel des marchés, le conseil de la concurrence est doté de trois pouvoirs principaux.

Le premier pouvoir est le pouvoir d’enquête qui lui permet d’enquêter sur toute pratique anticoncurrentielle et de contrôler les opérations de concentration économique. En tant que professionnels, les enquêteurs et les rapporteurs peuvent effectuer les enquêtes nécessaires après autorisation de l’autorité chargée de la concurrence [3]. La loi 104-12 interdit à toute entreprise ou personne physique de s’opposer à l’enquête initiée par le conseil de la concurrence, de communiquer ou falsifier des documents ou de fournir de fausses informations audit conseil. À défaut d’abstention, le fautif risque une peine d’emprisonnement de 2 mois à 2 ans et d’une amende de 5 000 à 20 000 DHS ou l’une de ces deux peines seulement [4].

Le conseil de la concurrence a également le pouvoir de prendre une décision sur toute pratique anticoncurrentielle au Maroc, sans attendre la plainte d’une entreprise quelconque. Même si les parties plaignantes se désistent, le conseil de la concurrence peut s’autosaisir et poursuivre l’affaire [5]. Il s’agit du pouvoir d’auto-saisine.

Et enfin le pouvoir de sanction en vertu duquel le conseil de la concurrence a le pouvoir de prononcer des sanctions [6] dont le montant peut atteindre 10% du chiffre d’affaires mondial ou national de l’entreprise fautive. Quand le contrevenant n’est pas une entreprise, la sanction ne dépasse pas 4 millions de dirhams. Si au bout de 5 ans, il y a eu récidive, la sanction est portée au double [7]. La question qui se pose toutefois est celle de savoir comment l’existence de telles ententes peut-elle être prouvée ?

L’existence d’une entente anticoncurrentielle peut être prouvée de deux manières : soit au moyen d’une enquête effectuée par le conseil de la concurrence, soit au moyen d’une dénonciation à l’initiative d’une des entreprises participant à l’entente.

Dans le premier cas, les enquêteurs du conseil de la concurrence peuvent, afin de prouver l’existence d’une entente et après autorisation du procureur du Roi, recueillir des renseignements ou des justifications et saisir des documents en accédant à tout lieu ou en examinant toute marchandise ou produit [8].

Dans le deuxième cas, l’entente peut être prouvée si l’une des entreprises participant à une entente confirme l’existence de cette pratique en venant dénoncer les autres entreprises au conseil de la concurrence. L’entreprise qui dénonce l’entente bénéficie d’une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires pouvant être prononcées à son encontre [9].

Si l’entente vient à être prouvée par le conseil de la concurrence après l’établissement de procès-verbaux ou de rapports d’enquête, avant qu’une entreprise vienne dénoncer l’entente, toutes les entreprises formant le cartel seront condamnées à verser une amende allant jusqu’à 10% de leur chiffre d’affaires annuel mondial. Une fois l’entente établie, l’affaire est transmise au procureur du Roi [10].

Ahmed Benattou
Cadre administratif au Ministère Marocain de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation
Email : ahmedbenattou166 chez gmail.com

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[1Art 6 de la loi 104-12.

[2Loi 20-13.

[3Art 28 et 68 de la loi 104-12.

[4Art 83.

[5Art 26 de la loi 104-12.

[6Art 24 de la loi 104-12.

[7Art 39 de la loi 104-12.

[8Art 71 et 72 de la loi 104-12.

[9Art 36 et 41 de la loi 104-12.

[10Art 69 de la loi 104-12.

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