À travers des normes juridiques visant à protéger les écosystèmes et à réguler l’utilisation des ressources naturelles, le droit joue un rôle essentiel dans le maintien des conditions nécessaires à la production alimentaire. Il y a donc une réelle synergie entre le droit et la sécurité alimentaire, ces deux domaines étant profondément interconnectés à travers des obligations juridiques tant internationales que nationales, ainsi que par les défis liés à leur mise en œuvre.
La crise alimentaire mondiale, étant un phénomène récurrent aux conséquences désastreuses, pousse les états à envisager la mise en place d’un cadre juridique adapté pour la production et la commercialisation des produits agricoles.
Le cadre juridique international garantissant la sécurité alimentaire.
En droit international, le droit à l’alimentation fait partie intégrante des droits fondamentaux de l’individu, et de ce fait, participe au fondement même de la sécurité alimentaire.
En effet, plusieurs conventions internationales ont vu le jour dans le but de protéger l’environnement, et par ricochet, garantir une sécurité alimentaire optimale, sachant que les accords internationaux sur le climat ont un impact considérable sur la sécurité alimentaire.
En vertu de l’accord de Paris (2015), les états se sont engagés à limiter les émissions de gaz à effet de serre et à promouvoir des pratiques agricoles durables. En 1966, plusieurs états ont signé le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en vertu duquel ils ont l’obligation de respecter le droit à une alimentation adéquate en tant que composante du droit à un niveau de vie suffisant.
Ceci implique indirectement la protection des ressources naturelles nécessaires à la production alimentaire. La convention sur la diversité biologique (1992) est une autre convention qui oblige les états à protéger la biodiversité, essentielle pour la résilience des systèmes alimentaires, notamment à travers la conservation des variétés de plantes et d’animaux.
L’Etat est la personnification juridique de la nation [1]. De ce fait, il a la responsabilité de penser des politiques environnementales qui vont dans le sens de l’amélioration de son bien-être. En même temps, il est naturel que l’adaptation des lois et politiques nationales suive l’adhésion d’un état au cadre juridique international. Mais, quand ce même état, par le biais des conventions qu’il signe avec plusieurs partenaires, exporte à d’autres pays des denrées et ressources alimentaires vitales, la plupart du temps de qualité supérieure, laissant uniquement « les restes » à des prix forts, notamment à cause de la rareté et de la multiplication des médiateurs, pourrait-on affirmer qu’il nuit à l’un des droits fondamentaux de l’être humain ?
L’influence du droit sur la sécurité alimentaire.
La notion de sécurité alimentaire comporte une double dimension : d’une part, une dimension quantitative (assurer un apport nutritionnel suffisant), et d’autre part, une dimension qualitative (garantir une alimentation saine et appropriée). Contrairement au volet quantitatif, le volet qualitatif de la sécurité alimentaire bénéficie d’un encadrement juridique particulièrement rigoureux, étant soutenu par des textes normatifs spécifiques, une jurisprudence établie, ainsi que des positions doctrinales reconnues.
Le droit joue indéniablement un rôle dans la sécurité alimentaire, influençant à la fois les processus de production et de distribution des denrées alimentaires, ainsi que les conditions de cette sécurité alimentaire, telles que la disponibilité, l’accessibilité et la consommation de la nourriture, déterminées par la politique gouvernementale en vigueur [2].
Le droit est la discipline qui concrétise et exécute les décisions politiques [3]. Par conséquent, la disponibilité ou la non-disponibilité de la nourriture dépend fortement de ce droit. Autrement dit, le droit peut soit conforter la sécurité alimentaire d’une population donnée, soit lui nuire complètement en ignorant ses exigences les plus essentielles, ou encore en favorisant des intérêts opposés.
L’influence du Droit sur la sécurité alimentaire découle des engagements des Etats, notamment pour assumer la mise en œuvre du droit d’être à l’abri de la faim, ou encore du droit à une nourriture suffisante. C’est ce qui ressort de l’article 11 du PIDESC qui dispose que :
« Les Etats parties au présent Pacte, reconnaissant le droit fondamental qu’a toute personne d’être à l’abri de la faim, adopteront, individuellement et au moyen de la coopération internationale, les mesures nécessaires, y compris des programmes concrets ».
Les Etats-parties, en adoptant « les mesures nécessaires », assument non seulement une obligation de moyen, mais également une obligation de résultat. C’est ce qui explique qu’une politique qui prône une exportation excessive des denrées alimentaires à plusieurs partenaires par exemple, est une politique qui va à l’encontre des objectifs prévus dans le pacte susmentionné.
Le cas de la politique alimentaire au Maroc.
Malgré un climat sec qui impacte l’une des plus importantes ressources naturelles qui est l’eau, le gouvernement s’est engagé dans un projet ambitieux appelé « le plan Maroc vert » qui s’est soldé par une politique désastreuse dont les résultats phares sont la disparition et la rareté de certains produits alimentaires, et plus important, la destruction de la nappe phréatique censée sauver les récoltes lorsque les jours pluvieux se font rares. Le Maroc cumule donc deux circonstances aggravantes, l’une naturelle et l’autre humaine.
À cause de cette politique irréfléchie, certaines plantations vitales nécessaires au quotidien des personnes, ont été remplacées par d’autres de moindre importance. Le plan Maroc vert, prône la plantation de forêts d’avocat dans plusieurs régions du pays, au détriment d’autres cultures plus importantes et plus demandées telles que les pommes de terre et le blé, sachant que l’avocat de par sa nature, consomme des tonnes d’eau. En plus de la rareté des pluies, la nappe phréatique est agressivement mise à mal. Une telle crise débouche sur autre crise d’ordre social, qui est l’équité d’accès aux eaux souterraines.
Cette politique ne nuit pas uniquement à la sécurité alimentaire, mais elle aggrave également l’état déjà compromis de l’environnement, notamment en convertissant des forêts en terres agricoles et en accélérant le processus de la pénurie d’eau. En outre, elle va à l’encontre des engagements auxquels le Maroc a adhéré aux termes du PIDESC qu’il a signé et ratifié entre 1977 et 1979.
Conclusion.
La convergence entre le droit de l’environnement et la sécurité alimentaire est essentielle pour relever les défis mondiaux actuels. Les cadres juridiques internationaux et nationaux doivent évoluer vers une intégration plus étroite de ces deux domaines, afin de promouvoir une agriculture durable qui protège à la fois les écosystèmes et le droit humain à une alimentation adéquate.
Le renforcement de la gouvernance environnementale, associé à des politiques agricoles responsables, est la clé pour garantir un avenir où la sécurité alimentaire est assurée pour tous, tout en préservant la santé de la planète.