Les travaux non rémunérés à l’aune de la loi du 8 avril 2021.

Par Simon Takoudju, Avocat et Clémence Vassard, Etudiante.

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Explorer : # travaux non rémunérés # composition pénale # alternative aux poursuites # justice

De nombreuses confusions sont faites entre TNR (travaux non rémunérés) et TIG (travail d’intérêt général). Bien que leur régime soit similaire, il demeure une différence fondamentale entre les deux quant à leur nature. En effet, le TIG est une peine. Mais alors qu’est-ce qu’un TNR ? Quelles sont ses modalités et quelles différences présente-t-il avec les TIG ?

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Qu’est-ce qu’un TNR ?

Les travaux non rémunérés (TNR) sont une des mesures de la composition pénale.

Ils ont été introduits dans notre droit par la loi organisant la composition pénale, c’est-à-dire la loi n°99-515 du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale.

La composition pénale est une des modalités d’alternative aux poursuites, elle permet au ministère public de proposer une sanction à l’auteur de faits délictuels ou contraventionnels, lorsque celui-ci reconnaît sa culpabilité, en évitant un procès. L’autorité judiciaire peut ainsi apporter une réponse à la délinquance sans pour autant saisir une juridiction répressive. Toutefois, la possibilité de recourir à une composition pénale est subordonnée à la reconnaissance de l’infraction reprochée par le délinquant. L’article 41-2 du Code de procédure pénale liste l’ensemble des mesures à la disposition du procureur de la République lorsqu’il propose une composition pénale.

Le travail non rémunéré est inscrit au 6° de cet article de la façon suivante :

« Le procureur de la République, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, peut proposer, directement ou par l’intermédiaire d’une personne habilitée, une composition pénale à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes qui consiste en une ou plusieurs des mesures suivantes : 6° Accomplir au profit de la collectivité, notamment au sein d’une personne morale de droit public ou d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public ou d’une association habilitées, un travail non rémunéré pour une durée maximale de cent heures, dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois  ».

Le travail non rémunéré est donc un travail effectué par le délinquant au profit de la collectivité afin d’échapper à la tenue d’un jugement devant une juridiction répressive et donc au potentiel prononcé d’une peine.

Quelles sont les différences entre un TNR et un TIG ?

Le TIG est une peine prononcée par une juridiction pénale ou un aménagement de peine décidé par le juge de l’application des peines (JAP). (C’était le cas aussi de l’ancien sursis-TIG, que la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié en sursis probatoire à partir du 24 mars 2020). A la différence des TIG, les TNR sont une mesure alternative aux poursuites de composition pénale.

Pour autant, TNR et TIG s’appliquent à l’auteur d’une infraction et sont une réponse judiciaire à l’infraction. Ces deux mesures sont effectuées au profit de la collectivité et sans rémunération. En revanche, les missions proposées sont les mêmes.

Pour les TIG, la décision appartient au juge de l’application des peines. Mais, le TNR n’étant pas une peine, le JAP n’est pas compétent, la décision d’affectation relève du procureur de la République ou d’une personne qu’il aura spécialement désignée (délégué du procureur de la république ou médiateur). C’est cette personne qui va ensuite saisir le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). La décision est notifiée par le parquet au condamné et à l’organisme d’accueil.

Quelles sont les modalités du TNR ?

Un travail non rémunéré peut être prononcé pour les infractions permettant une composition pénale, c’est-à-dire pour les délits punis d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement dont la durée n’excède pas 5 ans ainsi que pour les contraventions connexes à ces délits ainsi que pour les contraventions de 5e classe.

Ces dispositions ne sont pas applicables pour les délits de presse, l’homicide involontaire ou les délits politiques.

Le prononcé du TNR, en plus d’exiger la reconnaissance des faits pour envisager une composition pénale, nécessite l’acceptation de l’auteur des faits à un TNR. La mesure proposée par le ministère public et acceptée par le délinquant doit ensuite être validée par le président du Tribunal judiciaire. La potentielle victime de l’infraction est avisée et peut être entendue sur l’opportunité de la composition pénale. L’ordonnance de validation ou de refus du président du tribunal n’est susceptible d’aucun recours.

Les établissements acceptant les TNR sont les mêmes que les établissements acceptant les TIG, c’est-à-dire que ce sont les personnes morales de droit public, les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public et les associations habilitées.

Le TNR est applicable tant aux majeurs qu’aux mineurs. Pour autant, bien que le TNR soit prévu pour les mineurs âgés d’au moins 13 ans lorsque la mesure parait adaptée à sa personnalité, le Code du travail n’autorise pas le travail des moins de 14 ans. L’application du TNR est plutôt réservée aux mineurs de 16 à 18 ans. Pour les mineurs, la procédure inclue le service de protection judiciaire de la jeunesse ; les représentants légaux du mineur et le juge des enfants.

La durée du travail non rémunéré a été étendue par la loi du 8 avril 2021 n°2021-401améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.

Auparavant, la durée maximale pouvant être prononcée était de 60 heures et elle est désormais de 100 heures en matière délictuelle. Elle reste limitée à 30 heures en matière contraventionnelle.

Le délai d’exécution est différent selon que le TNR est appliqué à un majeur ou à un mineur. Pour les majeurs, le TNR doit être accompli dans un délai limité à 6 mois en matière délictuelle et 3 mois en matière contraventionnelle. Les mineurs disposent d’un délai plus long, qui ne peut excéder 12 mois. Le délai part du jour où la décision de validation de la composition pénale a été notifiée. Ce délai d’exécution ne peut être étendu à moins que le procureur de la République ne prolonge ce délai en cas de motifs graves d’ordre médical, professionnel, familial ou social empêchant l’exécution de la mesure.

Quels sont les effets du TNR ?

L’exécution du TNR, et donc d’une composition pénale, éteint l’action publique.

Cela signifie que le délinquant ne pourra plus être jugé pour ces faits devant une juridiction répressive.

Toutefois, si la personne n’exécute pas intégralement son TNR, le procureur de la République pourra alors mettre en mouvement l’action publique.

Simon Takoudju, Avocat
Barreau de Bordeaux
Canopia Avocats
mail : st chez canopia-avocats.com
site web : https://www.stakoudju-avocat.fr
Et
Clémence Vassard, Stagiaire
M2 Université de Bordeaux

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Discussion en cours :

  • par tailhades , Le 3 octobre 2022 à 21:45

    bonjour,

    vous précisez dans votre article pour le TNR chez l’enfant" Les mineurs disposent d’un délai plus long, qui ne peut excéder 12 mois." vous précisez donc un plus grand délai pour les mineurs cependant l’Article L422-4 précise La durée d’exécution des mesures proposées aux mineurs ne peut excéder six mois. pouvez-vous m’expliquer la différence des délais est ce dans l’exécution, dans toute la procédure........?

    je vous remercie par avance de l’intérêt que vous porterez à ma question

    Cordialement Céline

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