Les vertus de la norme : pourquoi nous devons nous battre pour les entreprises européennes.

Par Christian Renaud.

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Explorer : # normes # concurrence # protection des entreprises # fiscalité

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Les entreprises européennes, confrontées à une concurrence étrangère, bénéficient de normes et de mesures fiscales pour assurer leur survie. L'Union européenne met en place des outils de protection comme des droits de douane et des dispositifs fiscaux spécifiques, favorisant l'innovation et la création d'emplois tout en réglementant le secteur numérique.
Description rédigée par l'IA du Village

En termes de concurrence et de « bonnes pratiques », l’Union européenne se veut le bon élève de la classe à l’échelle mondiale. Pour cela, elle impose des normes contraignantes et différents systèmes de fiscalité à ses entreprises, et fait de même envers les entreprises étrangères désirant accéder au marché européen. Un cercle qui se veut vertueux.

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Industrie, numérique, transports… Tous les secteurs de pointe sont concernés. Pour affronter la concurrence étrangère, les entreprises européennes doivent pouvoir le faire en étant sur un pied d’égalité. Les normes et les dispositifs fiscaux spéciaux sont là pour ça, même s’ils ne sont parfois pas faciles à comprendre pour le citoyen lambda. A Bruxelles, ces sujets sont pris très au sérieux. Les récents bras-de-fer entre l’Union européenne et les géants américains du numérique - les fameux GAFAM - sont là pour le prouver. La Commission [1] estime être pleinement dans son rôle :

« Si l’activité des GAFAM a transformé positivement la vie des Européens, elle doit aussi être régulée pour répondre aux nouveaux enjeux et éviter les abus : protection de la vie privée, protection des droits d’auteur, protection contre la concurrence déloyale, et des règles renforcées sur la fiscalité des acteurs du numérique. L’Union européenne se mobilise sur ce sujet et fait avancer le droit et la protection des Européens ».

En mars dernier par exemple, Bruxelles a ainsi imposé une amende record de 1,8 milliard d’euros à Apple.

Les 3 instruments de protection.

Les pays européens ont compris depuis longtemps - avec plus ou moins de réussite - que de nombreux secteurs économiques sont à protéger face à la concurrence internationale. Il en va principalement de la survie des entreprises, surtout des PME et des ETI, et du maintien de l’emploi. L’Union européenne utilise ainsi trois instruments de défense commerciale (IDC) pour affirmer sa souveraineté économique : des mesures antidumping, des mesures antisubventions et des mesures de sauvegarde. Ainsi, fin 2023, on pouvait compter 156 mesures antidumping et 25 mesures antisubventions en place, encadrant des produits en provenance de 19 pays.

Et tous les secteurs sont concernés, manufacturiers, industriels ou autres.

L’exemple de l’industrie européenne de fabrication de vélos électriques - en plein boom - est révélatrice du bienfondé de la stratégie européenne. En 2019, l’UE a imposé des droits de douane antidumping, faisant presque immédiatement plonger les importations de vélos chinois de 80%. Aux Pays-Bas par exemple, cette mesure a préservé de nombreux fabricants de la faillite.

« Les vélos subissent beaucoup de tests en amont pour être sûrs qu’ils vont tenir dans la durée, avance Jeroen Beumer [2], directeur commercial de Cargo Cycling.
Il faut avoir de bons produits et une haute qualité, le renforcement de normes et de standards sera donc protecteur et essentiel pour l’avenir de notre industrie. Et pour les emplois, c’est l’autre conséquence - bénéfique -, quand nous pouvons fabriquer ces produits ici, dans notre propre pays, c’est très favorable à la création d’emplois pour la population », CQFD.

Les bienfaits de l’harmonisation des normes.

Les instances européennes sont réellement en pointe dans les domaines des « bonnes pratiques » (best practices, pour nos amis anglo-saxons), avec plusieurs textes réglementaires [3] liés à la concurrence :

« La réglementation de l’Union européenne (UE) dans le domaine de la concurrence vise à assurer des conditions justes et équitables aux entreprises, tout en favorisant l’innovation, l’harmonisation des normes et le développement des petites et moyennes entreprises (PME). L’UE est par ailleurs à l’avant-garde de la coopération internationale dans le domaine de la concurrence en vue de proposer et de promouvoir les meilleures pratiques. Elle est l’un des membres fondateurs du Réseau international de la concurrence (RIC) et coopère avec des instances mondiales et nationales pour examiner d’éventuelles infractions aux règles de concurrence ».

L’harmonisation des normes, imposée par les acteurs européens à leurs partenaires internationaux, a donc du bon. Et ses effets se font ressentir assez rapidement.

« Si l’on compare le taux de croissance des flux commerciaux des produits harmonisés et non harmonisés avant et après une opération d’harmonisation, on peut constater que les exportations bilatérales de produits commercialisés augmentent au cours de la deuxième année suivant l’opération, estime Julia Schmidt [4], cheffe de pôle au Service d’études macroéconomiques et de synthèses internationales de la Banque de France. Les harmonisations de normes permettent de réduire les coûts fixes et variables de l’exportation, notamment en facilitant l’accès aux marchés d’exportation et en réduisant les coûts de mise en conformité. La normalisation peut entraîner des économies d’échelle et d’envergure lorsque des biens intermédiaires complémentaires sont utilisés pour un large éventail de produits finis ».

Tout le monde a donc à y gagner en jouant avec les mêmes règles.

Des dispositifs sur-mesure.

Mais en matière de lutte contre la concurrence déloyale, le diable se cache parfois dans les détails. Dans le secteur du transport maritime par exemple, l’Europe compte quelques géants comme le danois Maersk (nº1 mondial), le français CMA CGM ou l’allemand Hapag-Lloyd. Face à eux, la concurrence n’est pas toujours loyale, avec de nombreux cargos naviguant avec des pavillons de complaisance - Panama, Bahamas, Barbade, etc. - ou faisant partie de flottes fantômes et souvent dangereuses, en particulier battant pavillon russe. Le Rhosus, dont la cargaison de nitrate d’ammonium avait été déchargée au port de Beyrouth au Liban, en faisait partie. La suite de l’histoire est sans commentaire, avec une explosion, le 4 août 2020, qui a défiguré la capitale libanaise.

Pour maintenir à flots les armateurs - petits et grands -, l’Union européenne applique une fiscalité spéciale, dite de la « taxe au tonnage », contrairement aux autres entreprises soumises à la taxe sur les bénéfices. Ce dispositif particulier s’apparente donc à un tarif fixe, calculé en fonction des quantités transportées, et non sur la rentabilité des armateurs. Ces derniers connaissent parfois des années fastes - comme 2022 et 2023 - mais aussi des années beaucoup moins porteuses. Ce dispositif leur permet donc de se maintenir à flot quelle que soit la conjoncture. Sans lui, de nombreux armateurs - la France compte par exemple une cinquantaine de petits opérateurs représentant des milliers d’emplois directs - mettraient la clé sous la porte.

« La taxe dite "au tonnage" fait l’objet d’une incompréhension, déploraient les armateurs européens dans une tribune commune [5] fin juin. C’est en réalité, depuis plus de vingt ans, l’impôt des armateurs à travers le monde : il répond aux contraintes spécifiques d’une filière qui exige des investissements massifs et qui est soumise aux aléas internationaux. En témoignent les nombreuses années de pertes abyssales qu’a connues le secteur. Elle n’est en rien un singularisme français, au contraire : dans le monde, elle s’applique à 86% de la flotte maritime. Au sein de l’Union européenne, vingt-deux Etats membres l’appliquent, permettant à leurs entreprises maritimes de lutter à armes égales, entre Européens d’abord, avec le reste du monde ensuite ».

En ne regardant que les années exceptionnelles des plus gros armateurs, certains y voient une manne qui échapperait à l’Etat. En France, Bercy s’est penché la question : entre 2003 et 2018, la taxe au tonnage a rapporté davantage aux caisses de l’Etat que ne l’aurait fait le régime de l’impôt sur les sociétés (IS). Entre 2010 et 2020, le différentiel est inférieur à 50 millions d’euros [6] pour la totalité des armateurs français. Une goutte d’eau en termes de recettes fiscales qui évite un raz de marée de délocalisations ou de faillites. L’Europe - et la France - n’ont donc pas intérêt à y toucher, sans quoi certains de ses fleurons pourraient disparaître.

On le voit, les questions de normes et de fiscalité peuvent prendre des formes très diverses. Les législateurs européens sont donc obligés de s’adapter à chaque situation spécifique, afin de conserver le juste équilibre entre protection des entreprises du Vieux continent et croissance du commerce et des échanges. Un jeu d’équilibriste certes, mais qui se veut surtout gagnant-gagnant.

Christian Renaud
Spécialiste consommation, communication, concurrence

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