L’on cherchait en revanche à connaître selon la Chambre sociale de la Cour de cassation, ce qu’il pourrait en être de la caractérisation de cette "intention de nuire" : soit dans quels cas un salarié pouvait valablement être licencié pour avoir fomenté des accusations injustes de harcèlement moral.
Une réponse vient avec l’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 28/01/2015 [1].
Dans cette espèce, l’attendu de la Chambre sociale est clair, net et précis :
« Mais attendu que la cour d’appel, qui a estimé que le harcèlement allégué n’était pas constitué, relève, pour retenir la faute grave de la salariée et rejeter ses demandes, que celle-ci a dénoncé à l’encontre de son supérieur hiérarchique, de façon réitérée, de multiples faits inexistants de harcèlement moral ne reposant, pour la grande majorité d’entre eux, sur aucun élément et dont elle s’est d’ailleurs avérée incapable de préciser la teneur, qu’il s’agisse des faits ou des propos dénoncés, s’en tenant à des accusations formulées pour la plupart en termes généraux, et précisé qu’il ne s’agissait pas d’accusations ayant pu être portées par simple légèreté ou désinvolture mais d’accusations graves, réitérées, voire calomnieuses et objectivement de nature à nuire à leur destinataire ainsi qu’à l’employeur, accusé de laisser la salariée en proie à ce prétendu harcèlement en méconnaissance de son obligation d’assurer sa sécurité et de préserver sa santé ; qu’elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; »
Dès lors, et avant toute dénonciation auprès de son employeur d’une situation de harcèlement moral, il appartiendra à tout salarié de décrire des faits précis et circonstanciés.
Mais cela suffira-t-il ?
Si le salarié n’a que sa parole pour lui, et que les faits dénoncés sont graves, risquera-t-il la sanction de cette jurisprudence ?
Avec ce type de décision, la question peut être posée, et bien grand clerc celui qui peut par avance y répondre.
Dès lors, il y a fort à craindre que dénoncer ce type de situation, devienne pour le salarié un exercice périlleux.
Discussions en cours :
Bonjour,
Certes on parle souvent des victimes de harcèlement et des diffamateurs, mais qu’en est il du manageur faussement accusé ?
Ma question est motivée par un cas atypique ; faussement accusé de harcèlement sexuel (fausses accusations prouvées par enquête de l’entreprise). Mais là, le responsable de cette diffamation n’a rien eu, et surtout ladite entreprise a strictement rien fait pour le manager victime de ces fausses accusations (ni changement de poste à sa demande, ni sanction contre le coupable de ces fausses accusations) cette entreprise a préféré le recevoir pour lui demander de déposer une rupture conventionnelle ou bien aux dire du RH, je cite "soit c’est ça soit on trouvera bien le moyen de te virer".
Qu’est ce que le manager doit faire dans ce cas ? Quelle serait le résultat d’un procès dans le cas où il démissionnerait et demandant des dommages et intérêts et que cette démission soit changée en licenciement ?
ce problème d’intention de nuire me parait encore plus aigu avec les dénonciations de harcèlement sexuel, tant il est malaisé de savoir distinguer du harcèlement sexuel caractérisé ce qui relève d’une simple tentative de séduction mal appréciée et non découragée explicitement, d’une dégradation orageuse de relations intimes auparavant consenties, d’une interprétation paranoïaque, d’une manipulation malveillante... source : http://www.officiel-prevention.com/protections-collectives-organisation-ergonomie/psychologie-du-travail/detail_dossier_CHSCT.php?rub=38&ssrub=163&dossid=394
J’ai du mal à voir dans cet arrêt un "frein" pour les salariés quant aux possibilités de dénoncer des comportements qui selon eux pourraient relever de harcèlement. Ce qui semble se dégager de la solution finale c’est une exigence de précision de la part des juges de la Cour de cassation. Il convient de dénoncer des faits précis, vérifiables, objectifs. Difficile pour l’employeur de vérifier (ou de tenter de le faire) si les faits décrits constituent un ensemble "vague". Il me semble qu’un salarié qui voudrait se positionner face à du potentiel harcèlement devrait à minima et assez rapidement soumettre des griefs très précis, circonstanciés, datés à son employeur. Même s’il peut sembler compliqué de décrire méthodiquement quelque chose de ressenti comme inacceptable, c’est la condition pour que les vérifications puissent se faire avec sérieux dans des dossiers toujours délicats, tant pour la supposée victime que pour le prétendu harceleur.