La Loi LOM élargit le champ d’ouverture au public des données relatives aux services de transport et de mobilité.
Comme exposé précédemment (Voir la fiche dédiée à la mobilité intelligente [1] et l’article publié le 25 novembre 2020 Loi d’orientation des mobilités (LOM) : Open data et développement des services numériques de transport (MaaS)), une telle ouverture s’inscrit dans l’objectif de voir se développer des services numériques de type Mobility as a Services (MaaS), regroupant notamment service d’information des usagers sur l’offre disponible de transports et une billetterie en ligne, par les opérateurs publics (collectivités territoriales) et les opérateurs privés (entreprises innovantes, startups).
Pour ces derniers, les données constituent ainsi la matière première nécessaire à la création de ce type de services.
1. Le versement d’une compensation financière en contrepartie de la fourniture importante de données.
Cependant, sans pour autant que cela constitue une barrière à l’entrée pour les petits opérateurs et entreprises [2], il est prévu qu’une compensation financière pourra être demandée, par l’autorité administrative, à l’utilisateur lorsque la communication des données sollicitées nécessitera le service de fourniture des données de façon importante.
Le décret n°2020-1753 du 28 décembre 2020 relatif à certaines conditions de mise à disposition des données numériques destinées à faciliter les déplacements vient préciser le montant de la compensation financière pouvant être demandée à ces opérateurs en contrepartie de la fourniture de ces données.
Pour mémoire, rappelons que :
L’article 8 du règlement européen 2017/1926 du 31 mai 2017 prévoit la possibilité pour l’autorité administrative, de demander aux utilisateurs des données une compensation financière visant à couvrir les coûts légitimes de fourniture et de diffusion des données pertinentes encourus par les fournisseurs de données ;
L’article L1111-3 du code des transports dispose qu’une compensation financière peut être demandée dès lors que la transmission des données à l’utilisateur sollicite le service de fourniture de données au-delà de seuils dont les caractéristiques et niveaux sont définis par décret.
C’est à cette fin qu’intervient le présent décret n°2020-1753.
2. Versement d’une compensation financière : pour qui ? pour quoi ?
Le nouvel article R1115-3 du code des transports, résultant de ce décret, dispose que :
« Une compensation financière peut être demandée à l’utilisateur, en vertu de l’article L1115-3, pour les services mentionnés au présent article, lorsque la fréquence des requêtes de cet utilisateur est supérieure, pour chacune des catégories de données dynamiques sur les déplacements mentionnées à l’article L1115-1 ou au paragraphe 2 de l’annexe au règlement délégué (UE) 2017/1926 de la Commission européenne du 31 mai 2017 complétant la directive 2010/40/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la mise à disposition, dans l’ensemble de l’Union, de services d’informations sur les déplacements multimodaux, aux seuils déterminés par le présent article.
Si le service de fourniture de données concerné permet à l’utilisateur d’effectuer une requête unique pour obtenir, à un instant donné, la totalité des informations d’une catégorie de données dynamiques, sur l’ensemble du service de mobilité, une compensation peut être exigée de cet utilisateur lorsque le nombre de ses requêtes est supérieur à l’un ou l’autre des seuils (…) »
Plusieurs observations s’imposent alors.
Quels sont les modes de déplacement concernés par le versement d’une telle compensation financière ?
Cette compensation financière ne concerne que les données relatives aux modes de déplacement énumérés par l’article L1115-1 du code des transports à savoir notamment : les services de transports (métro, bus, tramway), les services de partage de véhicules, cycles et engins de déplacement personnel (vélo en libre-service, trottinette), les services de recharge publics pour les véhicules électriques/hybrides rechargeables, ou encore les services de mise en relation facilitant la pratique du covoiturage. Apparaissent également concernés les services réguliers de transport aérien.
Quelles sont les données concernées par le versement d’une compensation financière ?
Cette compensation ne peut être demandée que s’agissant des demandes de fournitures des données « dynamiques », c’est-à-dire « les données relatives aux différents modes de transport, qui changent souvent ou régulièrement » [3].
Autrement dit, les données statiques (recherche de lieu, calcul d’itinéraire, demande de prix de billet) et historiques sont donc exclues.
Quel service est concerné par le versement d’une compensation financière ?
Ne semble ici concerné, à la lecture stricte des dispositions du décret, que le service de fourniture de données permettant à l’utilisateur d’effectuer une requête unique pour obtenir la totalité des informations en cause ;
Quels sont les utilisateurs concernés par le versement d’une compensation financière ?
Ne sont concernés que les utilisateurs dont le nombre de requêtes est supérieur aux seuils définis par le décret n°2020-1753 et par l’article R1115-3 du code des transports.
En dessous de ces seuils, il ne peut donc pas être exigé à l’utilisateur en cause une compensation financière en contrepartie de la fourniture des données demandées.
3. Quels sont les seuils permettant d’exiger une compensation financière ?
Le décret n°2020-1753 et le nouvel article R1115-3 du code des transports prévoient les seuils au-delà desquels une compensation financière pourra être demandée à l’utilisateur des données.
Ces seuils sont déterminés par catégorie de services et selon le nombre de requêtes par jour ou par heure.
Schématiquement, ces seuils sont les suivants :
Catégorie de service | Nombre de requêtes par jour | Nombre de requêtes par heure |
---|---|---|
Véhicules, cycles et engins de déplacement personnel en libre- service | 1 500 | 600 |
Véhicules, cycles et engins de déplacement personnel devant être restitués au point d’origine | 100 | 10 |
Service de mise en relation facilitant la pratique du covoiturage | 500 | 60 |
Stationnement en ouvrage ou sur voirie | 720 | 30 |
Points de recharge publics pour véhicules électriques ou hybrides rechargeables | 100 | 10 |
Service régulier de transport aérien | 100 | 10 |
Autres services réguliers de transport | 720 | 30 |
4. Quel est le montant de cette compensation financière ?
Le décret n°2020-1753 introduit un nouvel article R1115-4 du code des transports.
Aux termes de cet article, il est prévu que le produit total du montant de la compensation financière ne pourra pas excéder les coûts d’investissement et de fonctionnement résultant directement de la mise à disposition des données nécessaires à l’information des voyageurs.
Le produit total des compensations potentiellement exigées ne devra donc pas être supérieur aux coûts relatifs à la mise à disposition des données.
De fait, ce montant sera déterminé au cas par cas, en fonction des coûts supportés par l’autorité administrative.
En pratique, il pourrait alors s’avérer délicat d’évaluer et de déterminer le montant de la compensation exigée à un opérateur déterminé, sans connaître le nombre d’opérateurs concernées. Il s’agirait en effet d’éviter qu’un seul opérateur, parce qu’il est un « consommateur » plus important de données, soit le seul à assumer les coûts de la mise à disposition des données, a contrario de multiples petits consommateurs de données, dont les requêtes demeurent sous les seuils.
Il reste que le décret n°2020-1753 prévoit que le montant de cette compensation financière devra être fixé selon des critères « objectifs, transparents, vérifiables et non discriminatoires ».
Et, dans ce cadre, les modalités de calcul de cette compensation financière devront être publiées sous forme électronique par notamment les autorités compétentes en matière de mobilité.