Le manque à gagner du concurrent évincé est calculé avant déduction de l'impot sur les sociétés. Par Hélène Leleu, Avocat.

Le manque à gagner du concurrent évincé est calculé avant déduction de l’impot sur les sociétés.

Par Hélène Leleu, Avocat.

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Explorer : # indemnisation # concurrence # marché public

Le Conseil d’Etat a précisé les modalités de calcul de l’indemnité due au concurrent évincé en cas de perte de chance de remporter un marché dans le cadre du recours « Tarn-et-Garonne » ou « Tropic II » (CE, 19 janvier 2015, Société Spie Est, req. n° 384653).

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Le concurrent évincé a la possibilité soit de présenter devant le juge du contrat des conclusions indemnitaires, à titre accessoire ou complémentaire à ses conclusions à fin d’annulation du contrat (recours « Tropic II »), soit d’engager un recours de pleine juridiction distinct, tendant exclusivement à une indemnisation du préjudice subi à raison de l’illégalité de la conclusion du contrat dont il a été évincé (CE, avis, 11 mai 2011, Société Rebillon Schmit Prevot, n° 347002).

Dans les deux cas, le concurrent évincé n’a pas de délai pour présenter ses conclusions indemnitaires (si ce n’est la prescription quadriennale classique).

Par ailleurs, et comme en droit commun, il doit lier le contentieux en sollicitant l’intervention d‘une décision préalable de l’administration (le cas échéant en cours d’instance), sauf en matière de travaux publics.

En outre, les conclusions indemnitaires doivent, à peine d’irrecevabilité, être motivées et chiffrées (CE, avis, 11 mai 2011, Société Rebillon Schmit Prevot, n° 347002).

Dans le cadre du recours « Tropic II », « tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles  » (CE, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994).

Le juge administratif peut, « s’il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu’il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice découlant de l’atteinte à des droits lésés ».

En effet, la violation des règles de procédure de mise en concurrence constitue une irrégularité de nature à caractériser une faute du pouvoir adjudicateur, et donc à engager sa responsabilité.

Mais la simple existence d’une irrégularité ne suffit pas à obtenir une indemnisation.

En réalité, le juge administratif distingue trois hypothèses.

Soit l’entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché et aucune indemnité ne sera accordée.

Soit l’entreprise n’était pas dépourvue de toute chance de remporter le marché et elle a droit au remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre.

Enfin, soit l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le marché, et a alors « droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre qui n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique » (CE, 18 juin 2003, Groupement d’entreprises solidaires ETPO de Guadeloupe, req. n° 249630).

La notion de manque à gagner a fait l’objet de nombreuses précisions par la jurisprudence.

Il faut d’abord noter que l’entreprise a droit à l’indemnisation de l’intégralité du manque à gagner. Cette indemnisation exclue le remboursement des frais généraux de l’entreprise qui seraient affectés à ce marché. En outre, ce manque à gagner doit être déterminé non en fonction du taux de marge brute constaté dans son activité mais en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si l’entreprise l’avait obtenu (CE, 8 février 2010, Cme de la Rochelle, req. n° 314075).

La Cour administrative d’appel de Lyon a en outre précisé que « pour déterminer le manque à gagner du requérant, il y a lieu toutefois de déduire l’ensemble des charges qu’il aurait dû supporter dans le cadre de l’exécution du contrat, qui incluent nécessairement la part de la masse salariale consacrée à cette dernière, alors même qu’elle n’aurait pas eu d’influence significative sur son activité » (CAA Lyon,
5 janvier 2012, Cabinet SEVE, req. n° 10LY02566).

Le Conseil d’Etat vient d’apporter une précision supplémentaire sur l’évaluation du manque à gagner d’un concurrent évincé (CE,19 janvier 2015, Société Spie Est, req. n° 384653).

Dans cette affaire, la Cour administrative d’appel de Nancy avait calculé le manque à gagner du candidat évincé à partir de son résultat d’exploitation, après déduction de l’impôt sur les sociétés.

En cassation, le Conseil d’Etat a estimé que «  l’entreprise candidate à l’attribution d’un marché public qui a été irrégulièrement évincée de ce marché qu’elle avait des chances sérieuses d’emporter a droit à être indemnisée de son manque à gagner ; que ce manque à gagner doit être déterminé en prenant en compte le bénéfice net qu’aurait procuré ce marché à l’entreprise ; que l’indemnité due à ce titre, qui ne constitue pas la contrepartie de la perte d’un élément d’actif mais est destinée à compenser une perte de recettes commerciales, doit être regardée comme un profit de l’exercice au cours duquel elle a été allouée et soumise, à ce titre, à l’impôt sur les sociétés ».

Ainsi, le juge administratif n’a pas à se préoccuper du montant de l’impôt sur les sociétés, le manque à gagner étant calculé sur le bénéfice net espéré par l’entreprise, avant déduction de cet impôt.

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