Quand ce régime est-il applicable ?
Date d’entrée en vigueur et d’application : immédiate, sauf exceptions ?
La loi SREN introduit un cadre juridique spécifique pour les jeux à objets numériques monétisables (JONUM) dans ses articles 40 et 41. L’article 64 de cette loi qui prévoit des dispositions spéciales transitoires ou finales, ne prévoit pas de disposition dérogatoire particulière. En principe, cela signifie que les entreprises concernées doivent se conformer à ces nouvelles obligations dès le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel, soit le 22 mai 2024, sauf si une date ultérieure est explicitement prévue dans les articles 40 et 41.
Toutefois, il est essentiel de distinguer l’entrée en vigueur de l’entrée en application.
En principe, la date d’entrée en vigueur correspond également à l’entrée en application des dispositions, sauf si cette application est conditionnée à l’adoption de textes réglementaires complémentaires. En l’occurrence, certaines modalités des articles 40 et 41 nécessitent un décret pour leur application effective. Cela concerne, par exemple, la fixation des plafonds de récompenses ou encore les détails techniques relatifs à la gestion des comptes joueurs. Les opérateurs pourront d’ailleurs justifier auprès de l’Autorité nationale des jeux (ANJ) de cette situation transitoire, tant que les décrets en question ne sont pas encore pris.
Certaines modalités d’application, comme celles relatives aux prêts en monnaie ou cryptoactifs, font toutefois l’objet d’une exception. En effet, l’article 41 précise que l’interdiction pour les entreprises de jeux à objets numériques monétisables de consentir des prêts entre joueurs, ou de mettre en place des mécanismes facilitant ces prêts, n’entrera en vigueur que le 30 décembre 2024. Cette date marque donc un délai spécifique pour l’adaptation des pratiques dans ce domaine.
Des décrets attendus pour préciser certains points.
Si l’entrée en vigueur du cadre général est immédiate, il convient donc de noter que certaines dispositions de la loi sont subordonnées à l’adoption de décrets pris en Conseil d’état, qui viendront préciser des points techniques et qui sont attendus pour la fin de l’année.
Ce délai laissé aux entreprises leur permettra de s’adapter progressivement, notamment en matière de conformité aux exigences en termes de sécurité des transactions, de protection des mineurs et de lutte contre le blanchiment. En conséquence, bien que les articles 40 et 41 soient déjà en vigueur, leur application complète sera conditionnée à l’adoption de ces textes réglementaires.
À qui s’applique ce régime ?
Les entreprises concernées : les émetteurs de JONUM.
Le nouveau cadre réglementaire s’applique principalement aux entreprises qui proposent des jeux en ligne permettant aux joueurs de recevoir des objets numériques monétisables (JONUM). Ces objets sont définis par la loi comme des éléments de jeu susceptibles d’être cédés à titre onéreux à des tiers. Pour entrer dans le champ d’application de la loi, ces jeux doivent fonctionner selon un mécanisme aléatoire et les joueurs doivent consentir un sacrifice financier pour acquérir ces objets numériques, mais sans jamais pouvoir obtenir de récompenses (ou « prix ») en monnaie ayant cours légal.
En revanche, la vente ou l’échange à titre onéreux entre joueurs est possible, sous certaines conditions.
Les entreprises souhaitant offrir ce type de jeux doivent impérativement déclarer leur activité auprès de l’Autorité nationale des jeux (ANJ), conformément à l’article 41 de la loi. Ce dépôt de déclaration vise à garantir que le jeu entre bien dans la catégorie des JONUM et que l’entreprise respecte toutes les obligations prévues par la loi, notamment en matière de protection des mineurs, de lutte contre le jeu excessif et de prévention du blanchiment de capitaux. L’ANJ fixe les modalités de dépôt et de gestion de cette déclaration et doit être informée sans délai de toute modification substantielle dans les opérations de jeu.
Pour que leur offre soit licite, les entreprises doivent également avoir leur siège social dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, sous réserve d’un accord de coopération fiscale avec la France. Elles sont tenues de désigner une ou plusieurs personnes responsables, domiciliées en France, pour assurer la conformité de leurs jeux avec la loi.
Les secteurs spécifiques : restrictions dans le sport et les courses hippiques.
La loi SREN introduit des règles particulières pour les jeux à objets numériques monétisables ayant un lien avec le sport ou les courses hippiques, deux secteurs particulièrement sensibles en raison des risques accrus de conflits d’intérêts, de manipulation des résultats et d’utilisation d’informations privilégiées.
- 1. Le secteur sportif : les jeux à objets numériques monétisables liés à des compétitions ou manifestations sportives doivent respecter des règles strictes. En vertu de l’article 41, il est interdit aux acteurs directs des compétitions, tels que les sportifs eux-mêmes, d’acquérir ou de céder des objets numériques associés à leurs propres événements, directement ou par personne interposée. De plus, la loi interdit la communication d’informations privilégiées obtenues dans le cadre de leur fonction, susceptibles d’être utilisées pour des jeux à objets numériques monétisables.
Les fédérations sportives délégataires sont également tenues d’adopter des règles interdisant à leurs membres (joueurs, entraîneurs, etc.) de participer à ces jeux, sous peine de sanctions. Cette régulation vise à éviter tout conflit d’intérêts et toute dérive spéculative pouvant affecter l’intégrité des compétitions sportives.
- 2. Les courses hippiques : les entreprises proposant des jeux à objets numériques monétisables basés sur des courses hippiques réelles sont soumises à des règles similaires. Elles ne peuvent organiser ces jeux qu’en lien avec des courses autorisées, figurant au calendrier des courses réglementées. De plus, avant d’utiliser les données des courses, elles doivent conclure un contrat avec la société organisatrice des courses ou son mandataire, excluant toute clause d’exclusivité. Ce contrat garantit que l’utilisation des données respecte les obligations de service public qui incombent aux sociétés mères des courses de chevaux.
Enfin, les jockeys et entraîneurs participant aux courses sont soumis à des interdictions similaires à celles des acteurs sportifs, notamment en ce qui concerne la participation aux jeux à objets numériques monétisables et la communication d’informations privilégiées.
Régulations périphériques.
Les opérateurs de jeux en ligne qui ne satisferont pas aux critères du régime des JONUM pourront être assujettis à d’autres régimes obligatoires, par effet de bord. Cet article évoque uniquement les deux principaux mais l’opérateur pourrait également être concerné, dans certains cas particuliers, par des agréments concernant le secteur bancaire (prestataire de services de paiement ou émetteur de monnaie électronique).
Le cadre réglementaire des opérateurs de jeux d’argent et de hasard.
Les entreprises qui ne sont pas soumises au régime des jeux à objets numériques monétisables (JONUM), mais qui opèrent dans le secteur des jeux d’argent et de hasard (JAH), doivent se conformer à un régime spécifique [1] encadré par l’Autorité nationale des jeux (ANJ). Cette autorité encadre les opérateurs de jeux sous monopole (comme la Française des Jeux) ainsi que ceux disposant d’une licence pour les paris sportifs et les casinos en ligne, avec des règles distinctes des jeux à objets numériques monétisables (JONUM).
Ce régime est en grande partie détaillé dans le Code de la sécurité intérieure (articles L320-1 à L324-16).
Le régime des JAH impose des obligations particulières en termes de prévention du jeu excessif et de protection des joueurs vulnérables. Par exemple, les opérateurs doivent proposer des outils de limitation du temps et des montants de jeu, et interdire l’accès aux mineurs. Ces dispositifs s’accompagnent d’un contrôle renforcé de la publicité pour les jeux d’argent, où l’objectif est d’éviter toute forme de promotion agressive pouvant encourager une addiction.
Un point important de la réglementation JAH réside dans le contrôle des flux financiers afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, en collaboration avec l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). En plus des obligations de transparence, les opérateurs sont tenus de mettre en place des mécanismes de vérification rigoureux des joueurs, et les sanctions en cas de manquement peuvent inclure des amendes substantielles ou la suspension de l’activité.
Ce régime distingue clairement les opérateurs de JAH des entreprises proposant des JONUM. Alors que ces dernières sont soumises à un simple régime déclaratif, les JAH doivent être autorisés à opérer et subissent des exigences spécifiques en matière de sécurité, de transparence et de responsabilité sociale (par exemple, l’obligation de soumettre chaque année à l’approbation de l’ANJ un plan d’action pour prévenir le jeu excessif).
Le cadre règlementaire des cryptoactifs en Europe.
Les entreprises qui opèrent en dehors du cadre des JONUM, mais qui sont impliquées dans le domaine des cryptoactifs, pourraient être concernées par les règles établies par le règlement européen sur les marchés de cryptoactifs [2] (MiCA). Ce règlement, qui entrera pleinement en application à partir du 30 décembre 2024, harmonise les cadres nationaux et instaure un système d’agrément obligatoire [3] pour les prestataires de services sur cryptoactifs (PSCA), afin de renforcer la sécurité des investisseurs et de prévenir les abus de marché.
MiCA couvre l’offre publique de jetons, les stablecoins et les services de conservation ou de gestion de cryptoactifs. Pour les entreprises déjà en activité sous le régime français, le texte prévoit une période de transition pour s’adapter aux nouvelles exigences européennes. En revanche, les services purement décentralisés (DeFi) et les jetons non fongibles (pour autant qu’ils répondent aux critères du Règlement !) ne sont, pour l’instant, pas couverts par MiCA, bien que la Commission européenne puisse évaluer à l’avenir la nécessité de réguler ces secteurs.
Par conséquent, l’opérateur qui émet et propose un actif qui, sans être un ONUM, demeure non fongible ne sera (a priori) pas concerné par ce dispositif.
Conclusion.
La loi SREN introduit un cadre réglementaire innovant pour les jeux à objets numériques monétisables (JONUM), offrant (comme ce fut le cas pour les PSAN) une opportunité de se développer dans un contexte clair et sécurisé, qui rassure toujours investisseurs et utilisateurs.
Toutefois, bien que le régime soit présenté de manière relativement simple, la réalité de sa mise en œuvre peut être plus complexe. La définition précise des mécaniques de jeu, du sous-jacent de l’ONUM, et des services proposés par l’entreprise doit être traitée avec rigueur. En effet, un jeu ou un actif numérique mal catégorisé pourrait facilement entraîner l’application de régimes plus difficiles à supporter pour des acteurs mal préparés.
Dans ce contexte, il est essentiel pour les entreprises concernées de s’assurer que leurs activités respectent pleinement les contours juridiques spécifiques à ces nouveaux jeux.