Le nouveau divorce par consentement mutuel conventionnel. Par Maripierre Massou dit Labaquère, Avocat.

Le nouveau divorce par consentement mutuel conventionnel.

Par Maripierre Massou dit Labaquère, Avocat.

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Explorer : # divorce par consentement mutuel # réforme juridique # rôle des avocats # protection des enfants

Le changement majeur est l’absence totale d’audience et de contrôle du juge, dans le but affiché de désengorger les tribunaux. Suite au passage en commission des lois du projet de loi sur la Justice du XXIème siècle, les députés ont adopté un amendement le 30 avril 2016 présenté par le gouvernement autorisant le divorce par consentement mutuel sans juge, amendement n°CL186 passé en catimini prévoyant : « les époux peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire » nommé « divorce par consentement mutuel par acte d’avocat enregistré par notaire ». Était envisagé l’octroi d’un temps de réflexion, d’écarter ce divorce en présence d’un enfant mineur demandant à être entendu, et un enregistrement de l’acte chez le notaire selon projet de loi adopté en première lecture par le sénat le 5 novembre 2015, débattu ensuite à l’assemblée nationale à compter du 17 mai 2016.

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Malgré les nombreuses réserves faites, par les magistrats, par la défenderesse des enfants lors des auditions par la commission des lois du sénat le 8 juin 2016 sur le sort des enfants, par les notaires sur le délai de réflexion de 15 jours jugé trop court et sur l’absence d’information des enfants mineurs issus d’une union précédente, outre par certains confrères qui dénonçaient un effacement statistique de la moitié des divorces pour désengorger les tribunaux, ou le double délai de 15 jours de chaque avocat envers son client, la modernité étant de devoir prendre deux avocats au lieu d’un, ou l’étrange situation faite aux majeurs protégés, la question de déterminer la responsabilité professionnelle ou le surcout de ce divorce et le sur contentieux après divorce, les représentants des avocats indiquaient pour leur part être favorables à cette réforme.

C’est ainsi avec une rapidité étonnante que cette réforme majeure fait son entrée dans le droit positif au terme d’une procédure parlementaire accélérée. Le Conseil constitutionnel a jugé le 17 novembre 2016 qu’elle n’était pas contraire à la Constitution. A été ainsi promulguée la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la Justice du XXIe siècle dont l’article 50 instituant ce nouveau divorce, qui entre en vigueur dès le 1er janvier 2017 alors que la publication du décret d’application, promise pour le 31 décembre 2016 au plus tard, est attendue. Se posent donc de très nombreuses questions qui ne peuvent pas encore avoir une réponse, malgré une application imminente de la loi.

Ce nouveau divorce n’est plus prononcé par qui que ce soit : ni par le juge qui disparaît purement et simplement de son champ d’application, ni par les avocats dont le rôle est de rédiger la convention par laquelle les époux recourent à ce type de divorce, ni par le notaire dont le rôle est de recevoir le dépôt de cette convention au rang de ses minutes. Ce sont donc les époux qui se divorcent l’un et l’autre par consentement mutuel. Il est certain qu’il n’existe donc plus de procédure dans ce nouveau divorce. C’est en ce sens une véritable révolution du droit du divorce.

Les praticiens doivent ainsi voir ce nouveau divorce dans des conditions totalement différentes de celles qu’ils appliquent au divorce par consentement mutuel d’aujourd’hui dans lequel l’homologation du juge continue d’en faire un acte juridictionnel. En effet, le nouveau divorce par consentement mutuel sort totalement des tribunaux. Il relève du droit des contrats. Il est un contrat parmi d’autres. Le nouveau droit des contrats lui sera applicable, à l’exception des dispositions qui seront par nature jugées inconciliables avec le divorce, étant citées ainsi l’exception d’inexécution ou la clause résolutoire sur le divorce lui-même. Mais contractualiser le divorce en respectant l’ensemble des textes applicables n’est pas aussi simple que les clients peuvent le penser.

La particularité du divorce par consentement mutuel conventionnel est qu’il se définit d’abord et avant tout par référence aux cas dans lesquels il est impossible d’y avoir recours. Autrement dit, il nécessite des conditions négatives tout aussi importantes que les conditions positives auxquelles il est subordonné. Mais, dès lors que toutes ces conditions sont remplies, les époux qui souhaitent divorcer par consentement mutuel sont obligés de faire un divorce par consentement mutuel conventionnel qui n’a donc rien d’un divorce optionnel. Cette nouvelle catégorie de divorce, par acte d’avocats, a ainsi vocation, selon l’exposé des motifs de la loi, à s’ajouter aux cas actuels de divorce et à se substituer à la majorité des cas de divorce par consentement mutuel. S’opposeront bien dans les faits le divorce par consentement mutuel conventionnel et le divorce par consentement mutuel judiciaire.

D’abord, les conditions négatives du nouveau divorce sont l’absence de demande d’audition de l’enfant et l’absence de régime de protection pour l’un ou l’autre des époux. Le texte indique que ce nouveau cas de divorce ne sera pas possible dans les cas où un mineur demandera au juge à être entendu, ainsi que pour les époux faisant l’objet d’une mesure de protection. La nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel sans recours au juge sera ainsi exclue lorsque l’enfant mineur du couple demande à être entendu par le juge. Cette audition est de droit dès lors que le mineur le demande.

Au cas où la nouvelle procédure ne pourra donc pas être engagée lorsque l’enfant mineur demandera à être entendu, c’est la procédure actuelle devant le JAF qui continuera à s’appliquer. La condition essentielle du recours au divorce par consentement mutuel conventionnel est ainsi liée à l’absence de toute demande d’audition d’enfant (C. civ. art. 229-2, 1°). Elle est par hypothèse remplie lorsque les époux n’ont pas d’enfant commun et en présence d’enfant commun, il faudra que le mineur soit informé par ses parents de son droit d’être entendu par le juge, dans les conditions prévues à l’art. 3881 du Code civil, étant aux parents d’informer leur enfant de son droit d’être entendu et de prendre en compte sa réponse.

Il est vraiment regrettable que l’exercice du droit de l’enfant à être entendu, droit issu de la Convention Internationale des Droits des enfants, ait un tel impact procédural mais dès qu’un enfant demandera à être entendu, les époux devront choisir la procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire et ceci que la demande émane d’un seul enfant ou de plusieurs enfants. L’énoncé de la loi est clair. La convention de divorce doit d’ailleurs expressément mentionner le fait que l’enfant a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge. À défaut, la convention sera nulle (art. 229-3 du Code civil).

Cependant, il se pose de nombreuses interrogations sur la simplicité supposée d’un tel mécanisme.
L’audition de l’enfant est subordonnée à son discernement. Seuls les parents apprécieront ce discernement. Mais comment fera l’enfant qui, en dehors de toute procédure ne peut pas demander son audition à un juge, pour se faire entendre s’il le souhaitait quand même malgré le choix de ses parents ? Après saisine du juge, que se passera-t-il si le juge estime qu’il y a absence de discernement et qu’il n’y a pas lieu à l’audition de l’enfant, la procédure restera-t-elle judiciaire ou, au contraire cela obligera-t-il les époux à recommencer leur divorce conventionnellement ?
La rédaction de l’art. 229-2, 1° du Code civil parait pencher vers la solution que le divorce par consentement mutuel se poursuive quand même vu que c’est la demande d’audition de l’enfant, et non la réponse faite par le juge, qui conditionnerait la procédure, mais rien ne dit que les JAF suivront cela.

Ce nouveau cas de divorce d’autre part ne sera pas possible pour les époux faisant l’objet d’une mesure de protection. Le législateur a d’ailleurs curieusement prévu que le divorce par consentement mutuel conventionnel n’est pas ouvert aux époux si l’un d’eux se trouve placé sous un régime de protection (C. civ., art. 229-2, 2°). Au contraire de cela, le Défenseur des droits recommandait d’ouvrir aux majeurs protégés le divorce par consentement mutuel, comme le divorce pour acceptation du principe de la rupture (Rapport « Protection juridique des majeurs vulnérables », sept. 2016). Il a certainement été choisi d’éviter un débat après divorce sur la capacité de l’un ou de l’autre des époux de consentir au divorce même si le droit des majeurs protégés comportait par ailleurs déjà un certain nombre de règles protectrices.

Cette disposition a été surtout critiquée car le divorce à l’amiable judiciaire n’est déjà pas possible lorsque l’un des époux se trouve placé sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice. De nombreux commentaires ont donc souligné la mauvaise rédaction du nouveau texte dont la condition négative crée l’illusion que, lorsque l’un des époux est placé sous un régime de protection, le consentement mutuel devrait se faire judiciairement. L’art. 249-4 du Code civil sur le divorce judiciaire est maintenu et interdit aux époux de divorcer par consentement mutuel judiciaire ou d’accepter le principe de la rupture du mariage dès que l’un d’eux est placé sous un régime de protection. Ainsi lorsque l’un des époux se trouve placé sous un régime de protection, les époux ne peuvent pas divorcer par consentement mutuel, ni conventionnellement ni judiciairement, ceci étant impossible tout simplement (cas de sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, mandat de protection future et habilitation familiale). On ne peut donc qu’être consterné par un tel texte qui reste mal écrit.

Les conditions positives du nouveau divorce d’autre part consistent en un accord sur la rupture du mariage et ses effets. Le divorce par consentement mutuel conventionnel, comme le divorce par consentement mutuel judiciaire, suppose évidemment un accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets (C. civil, art. 229-1, al. 1er). Le propre du divorce par consentement mutuel est que les époux s’entendent à la fois sur le principe de la rupture et ses conséquences et sur ce point, le nouveau divorce n’a rien de nouveau. La rupture conventionnelle du mariage est amiable, chaque époux devant être d’accord sur l’ensemble des dispositions y prévues.

La mise en œuvre simplifiée concerne aussi bien le divorce par consentement mutuel conventionnel que les époux mettent en place dès le départ, que la « passerelle » pour laquelle ils optent lorsque, étant en procédure contentieuse (divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage ou divorce pour faute), ils décident de divorcer par consentement mutuel et qu’aucun enfant ne demande son audition par le juge (art. 247 du Code civil).

Le dispositif nouveau enfin ne parait pas s’appliquer à la séparation de corps qui parait rester judiciaire (art. 296 du Code civil). Les interprétations sont divergentes. Le texte précise que la séparation de corps peut être prononcée à la demande de l’un des époux dans les mêmes cas et aux mêmes conditions que le divorce judiciaire, pouvant être interprété dans le sens que les époux ne peuvent pas du tout conjointement demander le prononcé d’une séparation de corps par consentement mutuel conventionnel, ou que les époux pourraient demander le prononcé d’une séparation de corps conventionnellement si l’enfant ne demande pas son audition.
Les époux constatent ainsi leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats. Il faut donc procéder à l’établissement d’une convention.

Sur le contenu de la convention, l’art. 229-3 dispose qu’elle comporte expressément à peine de nullité : 1° Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux, la date et le lieu de mariage, ainsi que les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leurs enfants ; 2° Le nom, l’adresse professionnelle et la structure d’exercice professionnel des avocats chargés d’assister les époux ainsi que le barreau auquel ils sont inscrits ; 3° La mention de l’accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets dans les termes énoncés par la convention ; 4° Les modalités du règlement complet des effets du divorce, notamment s’il y a lieu au versement d’une prestation compensatoire ; 5° L’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation ; 6° La mention que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’art. 388-1 et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté.

Sur la forme de la convention, la convention par laquelle les époux constatent leur accord sur la rupture du mariage et ses effets prend la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l’art. 1374 du Code civil (C. civil art. 229-1, al. 1er). L’acte ne renvoie pas à une catégorie juridique d’acte à part entière puisqu’il reste un acte sous signature privée mais il est contresigné par les deux avocats des parties. Le contreseing de l’avocat fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers (C. civil art. 1374, al. 1er). Il dispense de toute mention manuscrite exigée par la loi (C. civil art. 1374, al. 3). Il rend applicable la procédure de faux (C. civil art. 1374, al. 2).

Sur le fond, l’organisation pratique ne parait pas si simple. Un époux doit prendre un avocat qui rédige un projet de convention de divorce sur les conséquences du divorce (répartition des biens communs, garde des enfants, paiement des impôts...), projet qu’il peut envoyer à son confrère avocat. Une fois que les conjoints sont d’accord sur les termes de la convention dite « acte sous signature privée contresignée par avocats » (à déposer chez un notaire si l’acte est conforme à la loi), chacun des avocats en adressera copie à l’époux qu’il représente par une lettre recommandée avec accusé de réception. Les conjoints ont ensuite un délai de réflexion de 15 jours avant de signer ladite convention. Une fois ce laps de temps passé pour chacun, les époux n’auront plus qu’à signer l’acte pour que leur divorce devienne effectif et opposable à tous. Mais certains avocats relèvent que l’avocat qui rédige un projet de convention de divorce et l’adresse d’abord en LRAR à son client, fait courir le délai obligatoire de rétractation de 15 jours, puis qu’il adressera le projet signé à l’autre avocat, qui l’adressera en LRAR à son client qui aura aussi ledit délai de 15 jours.

Des avocats supposent qu’il faudra aussi des rendez-vous contradictoires avec chacune des parties assistées par son avocat, qui pourront aussi être indispensables pour discuter des modalités de la convention. Cela dépendra évidement des difficultés et de l’importance des questions à régler. Une fois que les parties se seront accordées sur les modalités du divorce (enfants, biens, logement) il appartiendra en tous cas aux avocats de rédiger la convention de divorce puis de l’adresser en recommandé avec AR à chacun de leurs clients respectifs pour que cet envoi en AR fasse courir le délai de réflexion de 15 jours permettant aux parties de revenir sur les modalités prévues dans la convention.

La convention ne peut pas en effet être signée des époux sans le respect d’un délai de réflexion. Chaque époux dispose d’un délai de 15 jours. L’avocat doit adresser à l’époux qu’il assiste, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, un projet de convention, qui ne peut être signé, à peine de nullité, avant l’expiration d’un délai de réflexion d’une durée de quinze jours à compter de la réception (art. 229-4, al. 1er du Code. civil). Les avocats devront veiller à conserver précieusement tous les éléments de nature à prouver que ce délai de réflexion a bien été respecté.

En contresignant un acte sous seing privé, l’avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte (L. n° 71-1130 du 31 déc. 1971, art. 66-3-1). L’avocat en sa qualité de rédacteur de la convention devra bien sûr solliciter de son client toutes les pièces utiles à la rédaction de la convention et vérifier que les conditions du recours au divorce par consentement mutuel conventionnel sont réunies, connaitre de l’ensemble des éléments indispensables sur l’état civil, les revenus et charges des époux, les éléments permettant de procéder à la liquidation du régime matrimonial, le régime matrimonial, le patrimoine, la loi applicable. La rédaction de la convention engage la responsabilité des avocats.

Une différence importante par rapport au divorce par consentement mutuel judiciaire, et le nouveau divorce, est l’obligation qui est faite à chaque époux d’être assisté de son propre avocat (C. civil art. 229-1, al. 1er). Il n’y a plus de possibilité pour les époux de divorcer avec un avocat commun. Est imposée la nécessité de deux avocats distincts. Le législateur a remplacé le contrôle du juge par un autocontrôle des avocats des époux. Certains ont soulevé que l’art. 229-1, al. 1er du Code civil renvoyait à l’article 1374 du Code civil qui lui-même fait référence à l’acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l’avocat de toutes les parties, mais il est clair que le texte nouveau est un texte spécial qui déroge nécessairement au second texte général.

Le Conseil constitutionnel a jugé que le fait d’imposer le recours à deux avocats ne créait pas une rupture d’égalité entre les couples pour l’accès au divorce par consentement mutuel conventionnel selon leur fortune (décision n° 2016-739 du 17 nov. 2016). Cependant, la crainte est forte que vu le maintien de l’article 250 du Code civil d’un seul avocat dans le divorce par consentement mutuel judiciaire, ne se fasse un détournement de procédure auxquels pourraient être tentés certains époux soucieux de ne rémunérer qu’un seul avocat. Il suffirait donc de prétendre artificiellement que l’enfant demande son audition par le juge et que ce dernier reste compétent même en l’absence d’audition effective, pour divorcer par consentement mutuel avec un seul avocat. On mesure le risque d’instrumentalisation de l’enfant ou du juge. Il aurait pu être prévu la nécessité pour les époux d’avoir recours à deux avocats différents en cas de divorce par consentement mutuel judiciaire comme conventionnel, ceci pour éviter ces détournements procéduraux possibles.

Une autre différence de taille, qui est un changement considérable pour l’avocat, est qu’il n’existe plus aucune limitation territoriale de l’avocat qui peut être rattaché à n’importe quel barreau. Si la rédaction de la convention relève du monopole de l’avocat, dès lors que le nouveau divorce par consentement mutuel intervient en dehors de toute procédure, il n’existe alors aucune limitation territoriale à l’intervention de l’avocat, qui n’est plus du ressort du tribunal. Le contreseing de l’avocat ne s’apparente pas au pouvoir d’homologation du juge dans le divorce par consentement mutuel judiciaire. Une telle ouverture peut ainsi impacter considérablement les petits barreaux.

On imagine aussi facilement les risques d’une telle perte de territorialité au regard des offres déjà présentes sur internet, notamment venant de sites racoleurs vendant du droit comme un produit ménager, et de la possibilité de pouvoir conclure un « acte d’avocat » 100 % numérique. La profession d’avocat devra se mobiliser pour rappeler la responsabilité particulière encourue par le rédacteur de la convention et souhaiter que la signature des parties se passe en présence de l’avocat, même si elle est dématérialisée. Rien de pire que le client qui n’aura jamais vu son avocat.

Le principe est ainsi que lorsque les deux époux se seront entendus sur les modalités de leur rupture, l’accord contresigné par l’avocat de chacune des parties, sera enregistré chez un notaire. Le notaire devra vérifier que le délai de réflexion a été respecté, que le formalisme est correct, et enregistrera la convention au rang des minutes afin de donner date certaine et force exécutoire. Le rôle du notaire devra être précisé par la pratique dans la suite de la convention.

Dans le divorce par consentement mutuel conventionnel, le notaire peut tenir deux rôles. Le premier rôle consiste à liquider le régime matrimonial comme il le fait déjà aujourd’hui. Lorsque la liquidation du régime matrimonial porte sur des biens soumis à publicité foncière, son intervention est obligatoire dans la mesure où la liquidation se fait en la forme authentique (art. 229-3, 5° du Code civil). Il n’y a pas de raison de penser que le décret d’application remettra en question ce rôle. Le second et nouveau rôle du notaire consistera à enregistrer la convention de divorce. Cette formalité prend la forme d’un dépôt de la convention au rang de ses minutes. Le notaire exerce un contrôle du respect des exigences formelles prévues au 1° à 6° de l’art. 2293 du Code civil. Il s’assure que le projet de convention n’a pas été signé avant l’expiration du délai de réflexion de quinze jours (art. 229-1, al. 2 du Code civil). Mais il ne contrôle pas sur le fond, ni n’a de pouvoir d’homologation, que seul le juge détient dans le seul divorce par consentement mutuel judiciaire.

Il faudra savoir comment s’articuleront l’état liquidatif du notaire et la convention de divorce dans le divorce par consentement mutuel conventionnel. Ils forment deux documents matériellement distincts qui peuvent au demeurant être signés à des dates différentes. Il sera probablement fait usage de la condition suspensive. Cependant l’art. 1304-6 relatif à l’obligation conditionnelle, tel qu’il est issu de l’ord. N° 2016131 du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016, ne reprendrait pas le principe de l’effet rétroactif de la réalisation de la condition suspensive qui était prévue jusqu’alors et il faudrait prévoir dans l’état liquidatif et dans la convention que l’accomplissement de la condition rétroagira comme l’art. 1304-6, al. 2 du Code civil le permet.

Dans ses deux fonctions, le notaire agit là encore comme l’avocat sans contrainte de territorialité. Les époux peuvent donc avoir recours au notaire de leur choix. Vu les travaux parlementaires, il n’y aura pas d’incompatibilité et le même notaire pourra se charger de l’état liquidatif et de l’enregistrement de la convention de divorce.

Pour les effets de la convention, la convention de divorce ne produit pas ses effets au jour de sa signature. Seul le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire lui procure ses effets en lui conférant date certaine et force exécutoire (art. 229-1, al. 3 du Code civil). C’est donc à la date de ce dépôt que la convention de divorce va recevoir application. C’est à cette date que le mariage sera dissous (art. 260, 1° du Code civil), même s’il est toujours possible aux époux de faire rétroagir la date des effets de leur divorce, en ce qui concerne leurs biens, à une date antérieure (art. 262-1 du Code civil). À l’égard des tiers, le divorce continuera à ne produire ses effets qu’à compter de sa transcription sur les registres d’état civil (art. 262 du Code civil). Pour certains commentateurs, ce sont les avocats qui continueront de se charger de cette transcription, pour d’autres ce sont les notaires qui le feront, les avis divergeant sur ce point qui n’est pas fixé.

Plusieurs articles du Code civil ont été modifiés relatifs aux libéralités et avantages matrimoniaux entre époux, à la prestation compensatoire conventionnelle, à la révision de la prestation compensatoire, pour faire produire au divorce par consentement mutuel conventionnel les mêmes effets qu’au divorce par consentement mutuel judiciaire. Pour assurer l’efficacité de la convention, notamment au niveau de son exécution, diverses mesures de coordination ont été prévues et des articles du Code des procédures civiles d’exécution, de la loi relative au recouvrement public des pensions alimentaires, du Code de la sécurité sociale, du Code général des impôts et du Code pénal sont aussi modifiés.

Ces modifications entrent en vigueur à partir du 1er janvier 2017.

Pour les conventions déposées au greffe avant le premier janvier 2017, c’est la procédure ancienne qui continue

La loi J21 précise qu’en cas de divorce à l’amiable et sans juge, les ex-conjoints peuvent demander à être déchargés de leur solidarité de paiement de l’impôt sur le revenu, de taxe d’habitation et d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), lorsqu’à la date de la demande, la convention de divorce contresignée par des avocats a été déposée au rang des minutes d’un notaire (CGI, art. 1691 bis), le gouvernement déposant un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2016 proposant « d’appliquer aux divorces résultant de cette procédure l’ensemble des règles fiscales applicables actuellement relatives aux pensions alimentaires versées entre ex-époux et au partage des demi-parts supplémentaires de quotient familial en cas de garde partagée des enfants ».

Pour les avocats, il s’agit évidement d’une réforme majeure. En 2014, le divorce amiable judiciaire représentait 54 % des divorces. De nombreuses questions sur la mise en en œuvre du divorce par consentement mutuel conventionnel se posent. Les époux qui souhaitent divorcer par consentement mutuel et à partir du moment où l’enfant ne demande pas à être entendu, n’ont pas le choix. Il a été affirmé que les époux s’engageant dans cette voie bénéficient comme les autres d’une prise en charge possible de leurs frais d’avocats au titre de l’aide juridictionnelle, mais aucun texte sur l’AJ n’est connu à ce jour.

De nombreuses questions se posent évidement par rapport à l’absence de tout contrôle juridictionnel sur le fond et sur le rôle du notaire pour les biens immobiliers à partager. Présenter dans la presse ce nouveau divorce comme réalisé en 15 jours pour 50 euros de frais de notaire, n’est pas réaliste.
La loi nouvelle est aussi quasiment muette sur l’après-divorce conventionnel. Les inquiétudes sont fortes. Dans sa décision le Conseil constitutionnel, au visa de l’article 373-2-13 du Code civil, retient que même après divorce, les parties pourront demander une modification des dispositions de la convention relatives à l’exercice de l’autorité parentale. Il n’est pas certain que si les parents saisissent le juge d’une demande de modification des mesures relatives aux enfants, ils devront comme aujourd’hui rapporter la preuve de l’existence d’un fait nouveau justifiant la modification. En ce dernier cas, les JAF seront certainement submergés d’instances modificatives après divorce.

Un important contentieux sur la modification ou la contestation des mesures relatives aux époux et de la convention de divorce en elle-même n’est pas non plus à exclure. L’homologation disparaissant du divorce par consentement mutuel conventionnel entrainant que le principe d’indivisibilité du jugement et de la convention ne jouera plus. La convention de divorce est attaquable sous tous ses aspects : irrégularités, vices, absence ou insuffisance du consentement, atteinte à l’ordre public, disparition d’un élément essentiel, etc. Se pose la question de la portée d’une nullité, si elle remettra en cause la dissolution du mariage et les droits des tiers, notamment au travers de l’action paulienne. Cela peut créer une totale insécurité juridique.

La loi ne répond pas à toutes les craintes et il faudra voir dans le décret d’application qui doit sortir avant le 31 décembre2016. Et il faudra attendre la jurisprudence qui ferra le divorce sans juge.

Maripierre Massou dit Labaquère avocat à la Cour d’Appel de PAU Docteur en Droit

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  • par Franck , Le 12 janvier 2017 à 15:19

    Bonjour
    L’aide juridictionnelle est elle envisageable maintenant ? Il est vrai qu’il existe un flou dans le texte et j’aurais souhaité en savoir plus car c’est une dépense importante si AJ n’est pas possible.
    Merci de votre prochaine réponse

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