Monsieur Macron a présenté le 22 juillet 2015 en Conseil des Ministres la nouvelle Ordonnance, publiée le 24 juillet au Journal Officiel de la République Française :
« Nous passons de 17 textes qui régissent les marchés publics à 3, dont cette ordonnance […]. Cela représente 196 pages de réglementation en moins, soit une baisse de 40% du nombre d’articles existants ».
Cette réforme était très attendue depuis l’annonce de simplification faite par l’Etat en fin d’année dernière.
Prise sur le fondement de l’article 42 de la Loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives, l’Ordonnance transpose en droit français les 2 Directives européennes du 26 février 2014 relatives aux marchés publics dits « secteurs classiques » et « secteurs spéciaux ».
Elle a notamment pour objectifs principaux de :
favoriser l’accès des PME aux marchés publics,
promouvoir l’achat responsable,
encadrer les anciens contrats de partenariat.
Désormais le gouvernement se lance dans le chantier de l’Ordonnance « Concessions de services et de travaux ».
Un titre préliminaire vient rappeler et renforcer les principes fondamentaux de la commande publique :
Principe de liberté d’accès à la commande publique,
Principe d’égalité de traitement des candidats,
Principe de transparence des procédures.
La mise en œuvre de ces principes permet d’atteindre les objectifs suivant :
Efficacité de la commande publique,
Bonne utilisation des deniers publics.
Le titre Ier de la Première Partie de l’Ordonnance vient en 21 articles préciser le champ d’application de ce texte en listant précisément les cas d’exclusions.
Ne sont pas des marchés publics :
Les transferts de compétences ou de responsabilités entre acheteurs soumis à l’ordonnance en vue de l’exercice de missions d’intérêt général sans rémunération de prestations contractuelles,
Les subventions,
Les contrats de travail.
Définition des Pouvoirs Adjudicateurs et Entité Adjudicatrices : Intégration de l’ancienne définition de l’Ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.
L’article 12 vient lister de façon exhaustive la définition des activités d’opérateur de réseaux permettant de qualifier une « entité adjudicatrice ».
Les articles 14 et 15 concernent les exclusions applicables aux marchés publics : on y trouve notamment la transposition « partielle » de la Directive Européenne « secteur classique » de Février 2014 concernant les services juridiques et les actes notariés. L’Ordonnance n’exclut de son champ d’application que les services de certification et d’authentification devant notaire, les services fournis pas des administrateurs, tuteurs ou prestataires de services désignés par une juridiction ou par la Loi, ainsi que les services liés, même occasionnellement, à l’exercice de la puissance publique. Ce qui signifie que les prestations de conseil et d’assistance d’un avocat demeurent soumises à une mise en concurrence.
L’article 16 présente les exclusions propres aux marchés publics de défense ou de sécurité.
Précision sur les prestations in-house ou quasi-régies / la coopération intercommunale.
Les articles 17 à 20 viennent rappeler ces anciennes exclusions et préciser, à l’instar des Directives Européennes, les notions de contrôle strict des PA / EA, en reprenant les jurisprudences de la CJUE, notamment en clarifiant le taux de pourcentage de contrôle exigé (80%).
Soumission des contrats passés par des personnes privées, mais subventionnés à plus de 50% par des pouvoirs adjudicateurs.
Contrats mixtes.
Les articles 22 à 25 prévoient les spécificités des contrats mixtes :
Contrats ayant pour objet de répondre à des besoins relevant de la présente Ordonnance et d’autres n’y relevant pas,
Contrats destinés à satisfaire un besoin concernant à la fois les activités de PA et d’EA.
La passation des marchés publics.
Le Titre II de la première partie vient préciser :
Les conditions de recours possible aux centrales d’achat,
Les groupements de commandes,
Les entités communes transnationales.
Il est surtout rappelé les obligations suivantes incombant aux PA / EA :
Une définition préalable des besoins, et ce avant tout lancement de consultation
Consécration du principe de l’allotissement pour tous les contrats soumis à la commande publique. Les Directives Européennes laissaient libres les Etats membres d’imposer le recours obligatoire à l’allotissement ; la France a choisi un compromis allant dans le sens d’un renforcement.
Les articles 36 et 37 viennent préciser les conditions de mise en œuvre des marchés réservés à des opérateurs économiques qui emploient des travailleurs handicapés ou défavorisés, ou à des entreprises de l’économie sociale et solidaire (pour ces derniers, la durée est limitée à 3 ans).
L’Ordonnance impose un minima concernant le contenu des marchés publics :
Les conditions d’exécution (intégration des décisions jurisprudentielles concernant le lien entre l’objet du marché et des considérations relatives à l’économie, l’innovation, l’environnement, le domaine social ou l’emploi, ainsi que de la notion jurisprudentielle du « cycle de vie » intégrée dans les Directives Européennes) ;
La possibilité d’imposer une localisation sur le territoire des Etats membres de l’Union Européenne ;
La durée d’exécution ;
La détermination des prix.
Dispositions concernant les procédures de passations.
Attente de plusieurs décrets d’application.
Instauration d’une étape préalable : l’évaluation préalable du mode de réalisation du projet, obligatoire au-delà d’un certain seuil – dans la ligne droite des Directives européennes introduisant la notion de « Sourcing ».
Maintien de l’obligation de publicité permettant de « susciter la plus large concurrence ».
Les procédures :
o Marchés supérieurs aux seuils européens.
Appel d’offres ouvert / restreint.
Nouveauté : Procédure concurrentielle avec négociation : retranscription des Directives Européennes (principe selon lequel la négociation doit toujours être possible dans les cas de solutions innovantes).
Procédure négociée avec mise en concurrence préalable.
Dialogue compétitif.
o Marchés inférieurs aux seuils européens.
MAPA.
o Sous conditions : procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalables.
Les interdictions de soumissionner.
Reprise des conditions réglementaires antérieures, mais l’article 48 de l’Ordonnance liste les cas « d’interdictions de soumissionner facultatives » auxquelles les acheteurs peuvent recourir.
Les acheteurs pourront ainsi interdire à des entreprises ayant été défaillantes dans le passé de soumissionner, mais bien évidemment sous conditions strictes tenant notamment en la résiliation d’un marché antérieur, et sous réserve de la mise en œuvre d’une procédure contradictoire permettant à l’entreprise de répliquer à une décision aussi radicale !
Cette disposition est dans la ligne droite des Directives européennes.
Sélection des candidats et critères d’attribution, le lien avec l’objet du marché est confirmé.
Les articles 51 et 52 de l’Ordonnance sont plus succincts que ceux du Code des Marchés Publics et de l’Ordonnance de 2005, ce qui laisse supposer une grande place à l’interprétation jurisprudentielle.
Toutefois les principes d’ores et déjà bien établis, depuis plusieurs années, demeurent :
Les acheteurs ne peuvent imposer aux candidats que des conditions de participation à la procédure propres à garantir qu’ils disposent de l’aptitude à exercer l’activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l’exécution du marché, ces conditions doivent être liées à l’objet du marché ;
Le marché sera attribué au soumissionnaire ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution ;
Nouveauté : Apparition de la notion de « critères objectifs », la jurisprudence devra là encore intervenir pour circonscrire la frontière entre les notions d’objectivité et de subjectivité !
Un décret d’application est attendu pour la mise en oeuvre de la fin de procédure de passation.
La notion d’offre anormalement basse est rappelée et un décret doit intervenir pour préciser la procédure à suivre par l’acheteur.
De même les conditions d’information des rejets et la transmission de certaines informations aux candidats évincés devront être précisées par voie réglementaire.
La fin de la Première partie de l’Ordonnance concerne le régime financier des marchés publics, la sous-traitance ainsi que les avenants ; là-encore des renvois à des décrets d’application sont prévus.
Voici les titres des autres parties de l’Ordonnance :
Deuxième partie : Dispositions spécifiques aux marchés de partenariat.
Troisième partie : Dispositions relatives à l’Outre-Mer.
Quatrième partie : Dispositions diverses.
Incidences de la présente Ordonnance sur d’autres textes et notamment le Code Général de la Propriété des Personnes Publiques, le CGCT et autres...
Cinquième partie : Dispositions finales.
La date d’entrée en vigueur de la présente Ordonnance sera fixée par un décret à venir, mais au plus tard le 1er avril 2016, en conséquence, et sous réserve du respect de ce calendrier, ses dispositions devraient pouvoir s’appliquer pour les consultations publiées à compter du 1er janvier 2016.