La reconnaissance de l’imputabilité au service d’une maladie n’est pas sans incidence pour le fonctionnaire.
En effet, cette reconnaissance garantie notamment à ce dernier :
De maintenir un droit au versement d’un plein traitement durant son arrêt maladie ;
De disposer d’une prise en charge des frais médicaux (consultations, frais de déplacement, traitements, etc.) en lien avec cette maladie reconnue imputable au service.
En outre, au bénéfice de la jurisprudence dite Moya-Caville de 2003 le fonctionnaire pourra également, par le biais d’une demande distincte, solliciter l’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux qu’il a subi et liés à sa pathologie [1].
On pense ici notamment au préjudice moral, aux troubles dans les conditions d’existence de toutes natures ou encore aux souffrances endurées. Rappelons également qu’il s’agit d’un régime de responsabilité sans faute qui pèse sur l’administration et qui fait écho à l’obligation de protection pensant sur l’employeur public à l’égard de ses personnels.
L’esprit de cette jurisprudence est d’assurer une intégrale réparation des conséquences dommageables subies, tant sur le plan économique, que personnelles et physiques et/ou psychiques, par l’agent concerné.
Comme bien souvent, l’une des difficultés majeures que rencontre le fonctionnaire est liée à la charge de la preuve. En effet, sauf à ce que l’administration considère d’office que la pathologie de l’intéressé est en lien avec le service, il appartient à l’agent d’apporter les éléments permettant de démontrer que son arrêt maladie est imputable au service.
Dans la décision commentée, le Conseil a rappelé la règle applicable en la matière à savoir qu’ :
« (…) Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service (…) » [2].
Cette démonstration est particulière en matière d’affections mentales et psychiques. La décision du 22 octobre 2021 apporte un éclairage à ce titre.
En l’espèce, un ingénieur territorial avait été placé en congé maladie à raison d’un syndrome dépressif. L’imputabilité au service de cette maladie avait été refusé par l’administration ce qui avait notamment conduit à ce que l’agent ne perçoit plus qu’un demi-traitement au-delà du délai de trois mois suivants son arrêt.
A la suite d’un recours du fonctionnaire, le Tribunal administratif avait annulé les décisions de refus de l’administration et l’appel de cette dernière avait également été rejeté, conduisant à la saisine de la Haute Assemblée.
Pour fonder sa décision, le juge avait notamment relevé :
L’absence d’état axio-dépressif antérieur du fonctionnaire,
Une contestation de la manière de servir de l’agent à la suite du changement de Président et de la Directrice du syndicat mixte dont il relevait,
Que les éléments médicaux versés au débat allaient bien dans le sens d’une imputabilité au service de la dépression de l’intéressé.
La situation pouvait effectivement sembler favorable à l’agent ce qui n’a toutefois pas constitué un obstacle à la censure de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles pour erreur de droit.
En effet, en défense l’administration avait soutenu avoir constaté, dès le changement de direction, une modification de l’attitude de l’agent prenant la forme d’une opposition systématique.
Le Conseil estime qu’il appartenait en pareille circonstance au juge de rechercher si ce comportement était avéré d’une part, mais également s’il constituait la cause déterminante de la dégradation des conditions de l’exercice professionnel du fonctionnaire.
Dans l’affirmative, ce comportement serait de nature à constituer un fait personnel potentiellement détachable du service avec toutes les conséquences de droit s’agissant de la reconnaissance de sa maladie.
Pour être totalement imputable au service la pathologie doit être totalement extérieure à l’agent et en lien direct avec le service.
C’est donc l’analyse à laquelle le juge doit se livrer que le Conseil est notamment venu rappeler et préciser.
Le dossier a été renvoyé devant la même Cour autrement composée. Affaire à suivre donc.
Références : CE, 22 octobre 2021, n°437254 ; CE, ass. 4 juillet 2003, Moya-Caville, n°211106 ; CE, 13 mars 2019, n°407795.