Afin de favoriser la célérité du processus d’indemnisation des victimes de dommage corporel dans un accident de la circulation, le législateur a prévu une obligation d’offre d’indemnisation de la part du régleur de l’indemnisation, qui, dans la majorité des cas, est une compagnie d’assurance. La sanction en l’absence d’offre est une condamnation au paiement des intérêts au double du taux légal.
1. Récapitulatif de la législation et la jurisprudence en matière d’offre d’indemnisation.
Il sera rappelé que les dispositions de l’article L211-9 du Code des assurances font notamment obligation à l’assureur garantissant la responsabilité d’un véhicule terrestre à moteur de présenter, dans un délai de 8 mois à compter de l’accident, une offre d’indemnité à la victime directe.
Si l’assureur n’est pas informé de la consolidation de l’état de la victime dans un délai de 3 mois à compter de l’accident, il doit présenter une offre provisionnelle. L’offre définitive d’indemnisation devant alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.
Le délai le plus favorable s’applique à la victime [1].
Sans consolidation, l’assureur est donc dans l’obligation de formuler une offre provisionnelle dans les 8 mois de l’accident [2].
Pour être valable, une offre doit revêtir des conditions de forme et de fond.
En application des articles L211-16 et R211-40 du Code des assurances, quatre critères de validité formelle existent :
- L’évaluation de chaque poste de préjudice, même pour l’offre provisionnelle [3],
- La mention des créances de chaque tiers payeurs et le reliquat au bénéfice de la victime dans l’offre définitive,
- La copie des décomptes des tiers payeurs annexée à l’offre définitive,
- La faculté de rétractation en caractères très apparents dans l’offre définitive.
Sur le fond, pour être valable, l’offre d’indemnisation provisionnelle ou définitive doit être complète et ne doit pas être manifestement insuffisante. Une offre incomplète est assimilée à une offre manifestement insuffisante [4].
L’offre manifestement insuffisante doit être considérée comme une absence d’offre sanctionnée par l’article L.211-13 du code des assurances [5].
Le point de départ de la pénalité est la date à laquelle l’assureur aurait dû présenter une offre provisionnelle ou définitive.
La date d’arrêt de la pénalité peut-être, la date de l’offre complète et suffisante de l’assureur ou la date de la décision rendue par le juge à défaut d’offre manifestement suffisante.
L’assiette de la pénalité de l’article L211-13 du Code des assurances est :
- En cas d’absence d’offre ou d’offre reconnue comme non validé : le montant de l’indemnisation allouée par le juge,
- En cas d’offre tardive : la somme offerte par l’assureur.
Dans les deux cas, l’assiette inclue les créances des tiers payeurs et les provisions déjà versées.
La capitalisation de la pénalité des intérêts majorés trouve à s’appliquer au regard de l’article 1343-2 du Code civil [6].
2. Un rappel utile des délais encadrant cette offre par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation.
La Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 24 octobre 2023 (pourvoi n°22-85.682), est venue rappeler l’articulation des délais encadrant cette offre et par conséquent encadrant la condamnation de l’assureur au doublement des intérêts au taux légal.
Dans ce dossier, Madame C. avait été victime d’un accident de la circulation le 4 juin 2015. Elle avait reçu une offre d’indemnisation le 19 juin 2017.
- 4 juin 2015 : accident,
- 4 février 2016 : 8 mois post accident,
- 30 mai 2016 : assureur du tiers responsable informé de la consolidation,
- 19 juin 2017 : offre d’indemnisation définitive formulée par l’assureur et ne portant pas sur le préjudice professionnel de la victime.
La Cour d’appel avait limité la condamnation de l’assureur au doublement des intérêts au taux légal du 30 octobre 2016 (5 mois après que l’assureur ait été informé de la date de consolidation) au 19 juin 2017 (date de l’offre formulée par l’assureur).
La Cour de cassation a cassé l’arrêt, rappelant que l’assureur devait, conformément aux articles L211-9 et L211-13 du Code des assurances, formuler une offre :
- dans le délai de huit mois à compter de la date de l’accident,
- dans celui de cinq mois à compter de la connaissance de la date de consolidation,
En l’espèce, l’assureur n’avait :
- ni formulé d’offre d’indemnisation dans les 8 mois de l’accident,
- ni formulé d’offre d’indemnisation définitive dans le délai de 5 mois de la date à laquelle il avait été informé de la consolidation.
L’arrêt d’appel est donc, fort logiquement, cassé et l’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel autrement composée.
Il est utile de se souvenir que l’alinéa 4 de l’article L211-9 du Code des assurances précise bien qu’entre le délai de huit mois à compter de l’accident et celui de cinq mois à compter de la connaissance de la consolidation, c’est le délai le plus favorable à la victime qui s’applique pour déterminer le point de départ de la pénalité ! [7].
Discussions en cours :
Merci confrère pour ces rappels toujours utiles.
J’ai sollicité dans le cadre d’une assignation au fond la liquidation de divers préjudices de mon client ainsi que le doublement des intérêts.
Accident de 2012, consolidation en 2014 et assignation en 2023.
On m’oppose par voie d’incident une prescription quinquennale de ma demande de doublement des intérêts au motif que celle-ci serait autonome de l’action en réparation des préjudices corporels.
N’ayant jamais été confronté à cette problématique, je me permets de vous interroger.
Qu’en pensez-vous ?
Votre bien dévoué
Dominique Alric
Cher Confrère,
Je n’ai pas été confrontée à cette problématique dans des dossiers, néanmoins, après quelques recherches il apparait que les juridictions du fond sont unanimes sur le sujet, la prescription applicable est en lien avec la demande principale de réparation du dommage corporel soit 10 ans à compter de la consolidation et pas la prescription quinquennale. L’inverse n’aurait aucun sens étant donné que l’un des délais de l’article L.211-9 du code des assurances est en lien avec la consolidation et que celle-ci peut intervenir plus de 5 ans après l’accident dans certaines situations.
Votre bien dévouée.
Sarah Sicard