Nu propriétaire et usufruitier : mode d’emploi de la copropriété.

Par Yasmine Azi, Élève-avocate.

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Explorer : # usufruit # nu-propriété # copropriété # assemblée générale

Dans la majorité des cas, on devient usufruitier ou nu-propriétaire d’un bien par succession ou donation.

La transmission du patrimoine de la personne étant permise de son vivant, de façon anticipée, de plus en plus de personnes y ont recours. Pour cette raison, il semble utile de dessiner les contours de la répartition entre les droits et obligations de chacun (1) afin de s’intéresser ensuite à leur représentation lors de la tenue de l’assemblée générale des copropriétaires (2).

-

1. Les droits et obligations du nu-propriétaire et de l’usufruitier

Si la nue-propriété désigne le droit de disposer à sa guise de son bien (abusus), l’article 578 du Code civil dispose que " l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance".

L’usufruit, droit réel, correspond donc au droit de se servir du bien (usus) et d’en recueillir les revenus (fructus) mais sans en avoir pleine propriété. L’usufruitier peut également mettre le bien à la location mais pour les baux ruraux et commerciaux, l’accord du nu-propriétaire est obligatoire.

En ce qui concerne les travaux au sein de la copropriété, le Code civil a apporté les réponses concernant leur répartition entre nu-propriétaire et usufruitier.

En effet, l’article 605 du Code civil dispose que " l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien. Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu".

L’article 606 du même Code précise que " les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien."

Aux termes de cet article, il apparaît que c’est au nu-propriétaire qu’il incombe de réaliser les grosses réparations qui touchent l’immeuble dans sa solidité générale et sa structure (réfection de la toiture, murs porteurs…). Toutefois, il n’existe aucun moyen pour l’usufruitier d’imposer leur réalisation au nu-propriétaire.

L’usufruitier a l’obligation de jouir du bien en bon père de famille. Il doit prendre en charge les travaux d’entretien nécessaires à la conservation du bien (entretien de la chaudière, ramonage…). Notons d’ailleurs que ce dernier peut bénéficier d’un crédit d’impôts pour les travaux d’économie d’énergie (panneaux photovoltaïques, chaudière à condensation…).

Dans une copropriété, l’autre question épineuse qui peut se poser est celle de la représentation du nu-propriétaire et de l’usufruitier lors de la tenue de l’assemblée générale annuelle.

2. La convocation de l’assemblée générale des copropriétaires et la répartition du droit de vote :

L’article 7 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 dispose que «  dans tout syndicat de copropriété, il est tenu, au moins une fois chaque année, une assemblée générale des copropriétaires ». Cette disposition étant d’ordre public (article 43 de la loi du 10 juillet 1965) on ne peut y déroger.

Le règlement de copropriété, véritable journal de bord de la copropriété posant les règles de fonctionnement de l’immeuble et précisant les droits et obligations des copropriétaires, peut prévoir deux ou même plusieurs réunions de l’assemblée par an qu’il faudra respecter.

En principe, c’est au syndic qu’il revient de convoquer l’assemblée (article 7 du décret n°67-223 du 17 mars 1967). D’ailleurs, si la convocation est faite par une personne qui n’en a pas la qualité, l’assemblée pourra être annulée (CA Paris, 23 ème chambre, 2 juin 1988).

Par ailleurs, pour que la convocation à l’assemblée soit valable, il est obligatoire que le syndic soit toujours en fonction au moment où elle a été faite.
Tous les copropriétaires doivent être convoqués et l’omission de convocation de l’un d’entre eux peut entrainer la nullité de l’assemblée (Cass. 3ème civile, 9 novembre 1994). Cette nullité peut être invoquée par le copropriétaire oublié pendant dix ans (article 42 de la loi du 10 juillet 1965). Dans ce cas, c’est au syndic qu’il incombe de rapporter la preuve de la régularité de la convocation (Cass. 3ème civile, 9 novembre 1994).

La convocation qui se fait soit par lettre recommandée avec accusé de réception soit par remise contre récépissé ou émargement (article 63 du décret du 17 mars 1967) doit contenir à peine de nullité (article 9 du décret du 17 mars 1967) les indications suivantes :
- le lieu de la réunion,
- la date et l’heure de la réunion,
- l’ordre du jour de la réunion,
- les modalités de consultation des pièces justificatives des charges telles qu’arrêtées par l’assemblée générale en application de l’article 18-1 de la loi du 10 juillet 1965.

Il est important de souligner que l’usufruitier possède les mêmes droits de vote que le nu-propriétaire lors de l’assemblée générale. Il leur revient de s’entendre sur celui qui assistera aux réunions pour voter les décisions.

Parfois, le règlement de copropriété prévoit les règles de répartition à ce sujet, pour cette raison, il est essentiel de toujours bien le lire.
En cas de désaccord entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, le président du tribunal de grande instance désignera un représentant commun.

Enfin, pour éviter ce genre de déconvenue, la convention d’usufruit peut être une bonne solution permettant de régler le mode de gestion de l’immeuble entre nu-propriétaire et usufruitier.

AZI Yasmine, Élève-avocate

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Discussions en cours :

  • par Sylvain LAROSE , Le 21 décembre 2022 à 10:29

    Chère Consoeur,

    Je vous remercie pour cette publication très complète et qui m’a été très utile

    Votre bien dévoué confrère

    Sylvain LAROSE
    Barreau de Tarbes

  • Bonjour,
    1) Est-ce qu’un(e) et/ ou que plusieurs donataires ont légalement l’interdiction de demander une convocation d’une nouvelle Assemblée Générale de copropriétaires ?
    2) Est-ce le/la/les donateurs qui doivent être présents aux AG d’un syndic, ou est-ce le/la/les donataires, ou est- l’ensemble donateur(s)-donataire(s) ?
    merci

    • par Comptable copro , Le 15 novembre 2022 à 00:16

      Bonjour,

      2) Le syndic reçoit une notification de transfert de la part du notaire stipulant une date à laquelle la donation prend effet.
      Si une convocation a été envoyée avant, le syndic ne peut en être tenu responsable et ne pouvait en faire autrement.
      Il convient donc d’établir un arrangement entre donateur-donataire, par le moyen d’un pouvoir par exemple.

      1) Il n’est pas légalement interdit de "demander". Cependant le syndic comme la copropriété ne va pas se réunir par égoïsme d’un nouveau copropriétaire, même si celui-ci accepte de payer les frais de timbre ainsi que l’AG supplémentaire. Il convient donc d’avoir une autre approche :
      Pour qu’elle ordre du jour ? Si ce n’est pas urgent, il est préférable d’envoyer un recommandé avec AR contenant la/les résolutions à ajouter à la prochaine AG.

  • Dernière réponse : 15 novembre 2022 à 00:04
    par Barras , Le 26 mai 2022 à 10:34

    Petite copropriété de 1970 n’ayant jamais réalisé de gros travaux < 10 lots ayant voté un audit par un MO dans le cadre d’un projet de rénovation. L’1 des copropriétaires ayant voté contre cette résolution invoque l’art.33 n°65_557 du 10 juillet 1965 pour demander un payement de la dite résolution en 10 annuités.
    1/ cet article est il applicable dans le cas du vote d’un MO pour diagnostic et étude de projet ?
    2/ s’agissant d’un lot démembré, l’appel de fond pour cette résolution est il imputable à l’usufruitier ou au nu proprietaire ?
    Avec mes remerciements pour votre éclairage

    • par Comptable copro , Le 15 novembre 2022 à 00:04

      Bonjour,

      1) L’article 33 du 10/07/1965 fait référence au montant des travaux et charges y afférentes. Cependant la définition peut-être floue... En tout cas cela fait référence à des travaux avec un degré certain d’avancement.
      Je pense que le simple audit d’un projet (qui ne pourrait en rester là) y est pour l’instant exclu.

      2) Quoi qu’il en soit, étude/audit ou gros travaux, cela ne relève pas de l’entretien de la copropriété (ménage, petites réparations), ces charges sont donc imputables au nu-copropriétaire.

  • Je suis usufruitier de six appartements dans une résidence et mes trois enfants sont nu-propriétaires à part égales, 2 appartements à chacun. Dans la même résidence je suis plein-propriétaire de 3 autres appartements.J’estime que chacun de mes enfants peut voter pour ses tantièmes. Le syndic le refuse. Je pense qu’il est dans l’erreur car il n’y a pas d’indivision.

    • par Comptable copro , Le 15 novembre 2022 à 00:32

      Bonjour,

      La représentativité usufruitier ou nu-propriétaire fait toujours débat...
      Comme l’on vient de lire dans l’article les deux sont valables.
      Cependant il s’agit d’avoir une approche pragmatique et d’arriver à quelque chose de fonctionnelle.
      Veillez à ce que votre syndic sépare les lots en fiches de copropriétaires distinctes.

      Plutôt que d’entrer en conflit, je propose une application pratique à ce genre de situation :
      - Pour l’adressage, le nu-propriétaire peut rester titulaire de sa fiche (si le contraire froisse le syndic) mais qui peut être mis au bon soin de l’usufruitier (C/O, représentant).
      - Pour l’aspect juridique, le pouvoir est toujours possible.

  • Le syndic est-il dans l’obligation d’envoyer convocation et ordre du jour de l’Assemblée Générale ou Extraordinaire à l’usufruitier ET au nu,propriétaire ?

    • par Shil , Le 24 juillet 2021 à 14:48

      Bonjour
      Je suis usufruitier et il n’y a pas de syndic dans notre copropriété, puis je saisir le juge pour qu’il désigne un mandataire judiciaire ?

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