Le rachat-annulation de titres : toujours la voie royale du cash-out ?

Par Marc Tegnér, Avocat et Augustin Beslier, Juriste.

3276 lectures 1re Parution: 5  /5

Explorer : # fiscalité # rachat-annulation # plus-values # réduction de capital

Ce que vous allez lire ici :

La Cour administrative d'appel de Bordeaux remet en cause l'application du régime des plus-values pour les réductions de capital non motivées par des pertes par rachat-annulation, sans démontrer un abus de droit. Cette interprétation semble contraire à la lettre de la loi et à son esprit. Il est probable que le Conseil d'État casse cet arrêt s'il est saisi.
Description rédigée par l'IA du Village

Jusqu’à présent, le bénéfice du régime des plus-values prévu par l’article 112,6° du Code général des impôts (CGI) en cas de réduction de capital par rachat-annulation n’était remis en cause que sur le fondement de l’abus de droit. Mais, par une décision du 16 avril 2024, la Cour administrative d’appel de Bordeaux propose une nouvelle interprétation de l’article 112, 6° du CGI. L’objet de cet article est d’analyser cette décision.

-

I- L’intérêt fiscal des réductions de capital non motivée par des pertes par rachat-annulation : l’application du régime des plus-values.

Cette opération permet, en effet, aux associés d’être imposés selon le régime des plus-values, conformément à ce que prévoit l’article 112,6° du CGI, et d’éviter le régime des revenus distribués, le plus souvent défavorable (au moins pour les personnes physiques).

Jusqu’à présent, le bénéfice du régime des plus-values prévu par l’article 112,6° du CGI en cas de réduction de capital par rachat-annulation n’était remis en cause que sur le fondement de l’abus de droit [1].

II- La remise en cause de l’application du régime des plus-values en l’absence d’abus de droit.

Par une décision du 16 avril 2024, la Cour administrative d’appel de Bordeaux propose une nouvelle interprétation de l’article 112, 6° permettant d’exclure du bénéfice du régime des plus-values les réductions de capital non motivées par des pertes opérées par voie de rachat-annulation sans avoir besoin de démontrer un abus de droit.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux estime ainsi d’une manière entièrement novatrice que :

« dès lors que [la] réduction de capital n’était pas motivée par des pertes, elle s’est traduite par une répartition, au profit des associés, de sommes qui, eu égard à la finalité même de l’opération, répond au régime fiscal prévu au 1°) de l’article 112 du CGI et non au 6°) du même article ».

III- Une décision hautement contestable.

La lecture de l’article 112, 6° du CGI proposée par la Cour administrative d’appel de Bordeaux est tout simplement contra legem : elle paraît contraire tant à la lettre de l’article 112, 6° du CGI qu’à son esprit.

S’agissant de la lettre, l’article 112, 6° dispose précisément :

« Ne sont pas considérés comme revenus distribués : 6°) Les sommes ou valeurs attribuées aux associés ou actionnaires au titre du rachat de leurs parts ou actions. Le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB est alors applicable ».

L’article ne distingue pas selon que le rachat soit ou non suivi de l’annulation des titres.

S’agissant de son esprit, l’article 112, 6° du CGI a été modifié en 2015 pour se conformer à une décision du Conseil constitutionnel qui avait jugé que toutes les distributions résultant d’un rachat de titres devaient être imposées selon le même régime, et le législateur a choisi le régime des plus-values [2].

Enfin, il est intéressant de noter que la doctrine administrative elle-même retient explicitement que les opérations de rachat-annulation effectuées dans le cadre de réductions de capital non motivées par les pertes relèvent du régime des plus-values [3].

L’argument est heureusement soulevé par le contribuable, au nom de l’opposabilité de la doctrine administrative (article L80 A du Code de procédure fiscale), mais se trouve écarté par la Cour pour un motif confus.

Conclusion : Sauf à retenir une interprétation contra legem et probablement inconstitutionnelle de l’article 112, 6° du CGI, le Conseil d’État, s’il est saisi, ne pourra, nous semble-t-il, que casser cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux.

Marc Tegnér
Avocat Associé chez Rineau & Associés
Augustin Beslier
Juriste cher Rineau & Associés
Barreau de Nantes
http://www.rineauassocies.com

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

5 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1À ce propos, le Professeur Gutmann, dans ses développements consacrés à « La réduction du capital dans le cadre d’un rachat par une société de ses propres titres » relève que : « Les avantages présentés par le régime des plus-values ont conduit un certain nombre de contribuables à privilégier le rachat de titres par rapport à la distribution de dividendes [il est bien question ici des rachats-annulations dans le cadre de réductions de capital non motivées par des pertes, ndla]. Il s’en est suivi un nombre significatif de redressements fondés sur l’abus de droit dont le comité de l’abus de droit livre petit à petit l’analyse. Il en résulte – en très résumé – qu’il existe un abus de droit lorsque le rachat de titres est effectué de manière récurrente et constitue un montage artificiel, contraire de ce fait à l’intention poursuivie par le législateur, ayant pour seul but de permettre à cet associé d’appréhender des distributions et de bénéficier du régime des plus-values », D. Gutmann, Droit fiscal des affaires, LGDJ 14e éd., 2023, n° 693.

[2"À la suite de cette décision [du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014], la loi de finances rectificative pour 2014 a donc prévu que les gains réalisés à compter de 2015 par les associés ou actionnaires au titre du rachat de leurs parts ou actions seraient imposables selon le seul régime des plus-values. La rupture d’égalité entre les différents types de rachats de titres était ainsi réparée", D. Gutmann, Droit fiscal des affaires, LGDJ 14e éd., 2023, n° 693.

[3BOI-BIC-PVMV-30-30-80. Le Bofip vise l’article L. 225-207 du Code de commerce, qui dispose que « L’assemblée générale qui a décidé une réduction de capital non motivée par des pertes peut autoriser le conseil d’administration ou le directoire, selon le cas, à acheter un nombre déterminé d’actions pour les annuler ». Cette rédaction est équivalente à celle de l’article L. 223-34 du Code de commerce, applicable aux SARL, qui dispose dans son dernier alinéa que « L’achat de ses propres parts par une société est interdit. Toutefois, l’assemblée qui a décidé une réduction du capital non motivée par des pertes peut autoriser le gérant à acheter un nombre déterminé de parts sociales pour les annuler ».

"Ce que vous allez lire ici". La présentation de cet article et seulement celle-ci a été générée automatiquement par l'intelligence artificielle du Village de la Justice. Elle n'engage pas l'auteur et n'a vocation qu'à présenter les grandes lignes de l'article pour une meilleure appréhension de l'article par les lecteurs. Elle ne dispense pas d'une lecture complète.

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27868 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs