Le recouvrement de créances en Suisse est possible sur la base de la Loi fédérale sur la poursuite pour dette et faillite (LP) contre un débiteur domicilié ou dont le siège social est en Suisse ou dont le gage garantissant la créance visée est localisé en Suisse.
I. Poursuite contre un débiteur en Suisse.
A. Engagement de la procédure par le « commandement de payer ».
La procédure de recouvrement de créances en droit suisse présente la particularité de pouvoir être initiée par tout créancier indépendamment de la validité de la créance qu’il prétend avoir à l’encontre de son débiteur.
La procédure de recouvrement de créances en Suisse est menée par des offices administratifs régionaux nommés « Offices des poursuites ». Ces offices n’ont pas de compétence judiciaire ; ils exécutent la procédure de recouvrement sur réquisition du créancier.
La première étape de la procédure de poursuite de créances consiste en l’établissement d’un « commandement de payer » et sa notification au débiteur.
Le commandement de payer n’est rien d’autre qu’une injonction formelle de payer un montant dans un délai donné (20 jours). Il est établi et notifié par l’Office des poursuites compétent (art. 67 LP). Pour obtenir l’établissement et la notification d’un commandement de payer, il suffit au créancier d’adresser à l’Office des poursuites compétent une réquisition de poursuite, contenant le nom et l’adresse du débiteur, ainsi que le montant de la créance réclamée et le titre de la créance ou la cause de l’obligation.
Dès réception de cette réquisition, l’Office des poursuites saisi notifiera au débiteur poursuivi un commandement de payer portant sur le montant de la créance indiqué dans la réquisition. Les frais afférents à la poursuite sont à la charge du débiteur, le créancier doit cependant en faire l’avance au moment de la réquisition de poursuite.
A ce stade, la validité de la créance invoquée par le créancier n’est pas vérifiée par l’Office des poursuites.
La réquisition de poursuite a un effet juridique important : elle interrompt la prescription de la créance visée par la poursuite (art. 135 al. 2 du Code des obligations). L’envoi d’une réquisition de poursuite peut donc être utilisé pour sauvegarder la prescription de droits qui doivent être invoqués à brève échéance (par exemple le droit aux dommages-intérêts dont la prescription est d’une année). Cette démarche permet ainsi de différer le dépôt d’une action judiciaire tout en maintenant une pression sur le débiteur.
B. Opposition au commandement de payer.
Corollairement au caractère facilité de l’initiation de la poursuite par le créancier, le débiteur poursuivi a la possibilité de faire opposition au commandement de payer (art. 74ss LP). L’opposition doit être faite dans les 10 jours suivant la réception du commandement de payer.
L’opposition au commandement de payer est une étape cruciale pour le débiteur qui veut contester la créance pour laquelle il est poursuivi. C’est en effet par le biais de l’opposition au commandement de payer que le débiteur pourra faire examiner par un juge la validité de la créance que le poursuivant allègue avoir à son encontre. Si le débiteur omet de former opposition dans le délai à un commandement de payer, celui-ci est réputé reconnaître la dette pour laquelle il est poursuivi. Dans ce cas, la procédure pourra se continuer, même si la créance alléguée n’est en réalité pas due ou si le titre sur laquelle le créancier se fonde n’est pas valable.
L’opposition au commandement de payer a deux effets principaux : d’une part, elle suspend la procédure de recouvrement (art. 78 al. 1 LP) et, d’autre part, elle force le prétendu créancier, s’il veut poursuivre la procédure de recouvrement, à requérir d’une autorité judiciaire la levée de cette opposition (ce qu’on nomme la « mainlevée de l’opposition »).
C. Procédure de mainlevée de l’opposition.
C’est au créancier qu’il revient le fardeau de requérir la mainlevée de l’opposition. Le débiteur poursuivi est défendeur.
La procédure de mainlevée a lieu devant un juge, et non devant l’Office des poursuites. Il s’agit d’une procédure contradictoire, sommaire, rapide et peu coûteuse, qui se fonde sur la vraisemblance des titres produits par le créancier et le débiteur. La procédure de mainlevée n’est pas un procès au fond, elle a pour seule fonction et pour seule portée d’examiner si le titre produit par le créancier est valable et si le débiteur est fondé à refuser le paiement du montant exigé.
Le jugement sur mainlevée ne condamne pas le débiteur au paiement d’une somme d’argent, ce jugement ne fait qu’autoriser (ou refuser) la poursuite de la procédure de recouvrement de créance.
Les moyens légaux à disposition du créancier pour faire lever l’opposition dépendent de la nature du titre que celui-ci détient à l’encontre de son débiteur. Plus ce titre constitue une preuve solide du bien-fondé de sa créance, plus l’obtention de la mainlevée de l’opposition sera facilitée et plus seront limitées les possibilités du débiteur d’en contester l’issue.
Ainsi, si le débiteur est au bénéfice d’un jugement exécutoire (suisse ou étranger) ou d’une sentence arbitrale, la mainlevée devra être prononcée par le juge à moins que le débiteur ne démontre immédiatement qu’il s’est déjà acquitté de la dette (art. 80 LP). En revanche, si le créancier ne détient qu’une reconnaissance de dette écrite et signée par le débiteur, les moyens de contestation à disposition de ce dernier seront plus étendus. Ce dernier pourra notamment introduire un procès au fond pour contester la créance alléguée, ce qui aura pour effet de bloquer la procédure de recouvrement de créance jusqu’à droit connu au fond du litige (art. 82 LP).
Finalement, si le prétendu créancier n’est pas en possession d’une reconnaissance de dette écrite ou d’un jugement exécutoire prouvant sa créance, il n’aura d’autre choix pour faire lever l’opposition que d’agir au fond afin d’obtenir un jugement exécutoire condamnant le débiteur au montant réclamé (art. 79 LP).
D. Saisie ou faillite.
Si le débiteur ne fait pas opposition au commandement de payer dans les 10 jours et qu’il ne s’est pas acquitté de sa dette dans le délai de 20 jours ou si l’opposition est levée par le juge, le créancier peut requérir auprès de l’Office des poursuites la continuation de la procédure de recouvrement.
Après la notification du commandement de payer, l’exécution forcée ne se continue pas automatiquement, même si le débiteur ne fait pas opposition à ce commandement de payer, le créancier doit requérir expressément la continuation de la poursuite (art. 88 LP).
La poursuite se continuera, en règle générale, par voie de faillite lorsque le débiteur est inscrit au registre du commerce en Suisse comme société ou comme associé de certains types de sociétés et dans tous les autres cas, par voie de saisie.
C’est l’Office des poursuites qui opère la saisie des biens (objets, revenus ou créances) appartenant au débiteur. La saisie est effectuée jusqu’à concurrence du montant de la créance poursuivie, y inclus les intérêts et les frais liés à la poursuite (art. 89 et 97 al. 2 LP). Les biens du débiteur ne peuvent être saisis que dans la mesure où son minimum vital n’est pas entamé (art. 92 LP). Tous les biens de première nécessité ne peuvent pas être saisis. Si le débiteur est salarié, ce sont en pratique les créances en salaire qui font l’objet de la saisie, toujours dans la mesure qui excède son minimum vital. Dans ce cas, la saisie a lieu directement auprès de son employeur.
Les biens saisis ne sont jamais la propriété du créancier poursuivant. La saisie ne confère au saisissant qu’une prétention de droit public à être désintéressé sur le produit de la réalisation des biens saisis.
Une fois saisi, les biens sont en effet réalisés par l’Office des poursuites dans le cadre d’une vente aux enchères (ou de gré à gré) et le produit de cette vente est versé au(x) créancier(s) poursuivants (art. 122 à 143b et 144 LP).
Si la saisie est infructueuse ou si le produit de la réalisation ne permet pas de désintéresser le ou les créanciers, ceux-ci se voient délivrer un acte de défaut de bien (art. 115 al. 1, 149 et 265 LP). La créance qui est constatée par l’acte de défaut de bien se prescrit par 20 ans (art. 149a al. 1 LP). Elle ne porte pas intérêt (149 al. 4 LP).
L’acte de défaut de bien pourra être utilisé pour lever une opposition à un commandement de payer dans une procédure de recouvrement de créances subséquente.
II. Le cas du débiteur à l’étranger possédant des biens en Suisse.
Si le débiteur n’a ni siège ni domicile en Suisse, il ne peut en principe pas être poursuivi en Suisse.
Il y a toutefois trois cas dans lesquels le débiteur à l’étranger peut être poursuivi en Suisse :
il possède un établissement en Suisse (par exemple une succursale), il peut alors être poursuivi en Suisse pour les dettes de cet établissement (art. 50 al. 1 LP) ;
il a élu domicile en Suisse pour l’exécution d’une obligation, il peut alors être poursuivi en Suisse pour cette dette (art. 50 al. 2 LP) ;
il possède des biens en Suisse qui peuvent faire l’objet d’un séquestre (art. 52 LP).
Concernant le dernier cas, le créancier qui est en possession d’une décision rendue dans un Etat étranger partie à la Convention de Lugano [1] ou d’une sentence arbitrale rendue par un Etat partie à la Convention de New York [2], peut faire séquestrer les biens du débiteur qui se trouvent en Suisse (art. 271 al. 1 ch. 6 LP). Le séquestre a alors l’avantage de créer un for de poursuite en Suisse, au lieu du séquestre, et permet donc au créancier poursuivant d’entamer une procédure de recouvrement de créances en Suisse contre le débiteur domicilié à l’étranger.
III. Conclusion.
Le droit suisse présente la caractéristique de permettre à un prétendu créancier d’introduire une procédure de recouvrement de créances devant les autorités d’exécution (les Offices de poursuites) sans devoir prouver l’existence de sa créance.
Le débiteur poursuivi a la possibilité, dans un délai de 10 jours, de s’opposer à cette procédure de recouvrement. Cette opposition bloque la procédure de recouvrement.
Le prétendu créancier qui veut continuer la procédure est contraint de faire examiner par un juge la validité du titre qu’il détient contre son débiteur.
Ce juge lèvera l’opposition du débiteur s’il considère que le titre est valable et que le débiteur ne s’est pas exécuté.
Si le débiteur omet de faire opposition ou si son opposition est levée par la juge, le créancier peut requérir l’exécution forcée, qui prendra la forme d’une saisie des biens du débiteur ou d’une faillite selon la qualité du débiteur poursuivi. Le créancier sera ensuite payé sur le produit de la réalisation des biens saisis ou tombés dans la masse en faillite.
Note de la rédaction : une initiative parlementaire visant à modifier la Loi fédérale sur la poursuite et la faillite (LP) a été déposée en 2009 et la Commission des affaires juridiques du Conseil national a transmis un avant-projet dans ce sens au Conseil fédéral au début de 2015.
Discussions en cours :
Un francais ne travaillant plus en Suisse vivant dorénavant en France et ayant reçu chez ses parents une sommation de payer une dette a t’il l’obligation de la payer ? La France peut elle intervenir ci celui ne peut pas payer ? Peut il trouver un arrangement pour échelonner la dette et y’a t’il un délais en Suisse pour que cette dette soit caduque ?
Merci par avance
J’aimerai bien savoir plus sur l’ initiative parlementaire visant à modifier la Loi fédérale sur la poursuite et la faillite et la Commission des affaires juridiques du Conseil national qui a transmis un avant-projet dans ce sens au Conseil fédéral. Surtout si c’est possible d’avoir plus d’information et des coordonnées afin de les contacter.
Merci d’avance
Bonjour
Merci pour cet article concis mais parfaitement éclairant. Huissier de Justice français, je n’avais pas cette connaissance des voies d’exécution SUISSE.
Cela m’appelle une question notre pays étant frontalier, de nombreux résidents français travaillant en SUISSE :
1. Un débiteur habitant en France,
2. Un titre exécutoire rendu par un Tribunal Français, par exemple pour une dette de loyers de son appartement situé en France,
3. Un lieu de travail en SUISSE chez employeur en SUISSE,
Quid de la validité du titre exécutoire français en SUISSE et des conditions de son utilisation ?
Est-il possible d’engager une procédure de saisie de ses rémunérations et dans quelles conditions ?
Dans l’affirmative, comment et par qui peut-elle être engagée ? Requête déposée devant la juridiction française selon la procédure de saisie des rémunération du droit français avec notification de l’acte de saisie à l’employeur SUISSE ?
Merci d’avance pour cet éclairage.
Cordialement
Ces explications concernant la procédure des poursuites sont claires, précises et complètes.
Il manque toutefois le problème des frais éventuels pour le débiteur dans le cas ou il serait gagnant.
Bonjour,
Votre article est très clair et très instructif.
Avez-vous également écrit un article lorsque l’exécution de décisions ne portent pas sur le versement d’une somme d’argent ; vous dites qu’elle est, en revanche, réglée par une autre loi (le code de procédure civile) et suit une procédure différente.
Pouvez-vous nous l’expliquer aussi ?
Bonsoir,
Ma question est simple, j’ai reçu ce jour un courrier me disant que j’ai un acte de défaut de bien datant de juillet 1990
Dois-je régulariser cet acte de défaut de bien ou il y a prescription ?
Merci pour une réponse de votre part.