Avis de mise en recouvrement : qui peut signer ? Par Hervé Piguet, Avocat

Avis de mise en recouvrement : qui peut signer ?

Par Hervé Piguet, Avocat

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Explorer : # délégation de signature # recouvrement de l'impôt # administration fiscale # procédure juridique

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Un nouveau vice de procédure du recouvrement de l’impôt ( en particulier TVA, ISF ...) pourrait voir le jour si le Conseil d’Etat valide ma conception de la délégation de signature concernant l’avis de mise en recouvrement ( AMR) et la mise en demeure ( MD) .... Affaire à suivre donc !

Ce qui n’empêche pas mes confrères de s’engouffrer, d’ores et déjà, dans cette voie ( brèche ?).

L’avis de mise en recouvrement est un acte exécutoire que se délivre à elle-même, sans l’intervention du Juge, l’administration fiscale.

La formalité du visa étant destinée à conférer un caractère solennel à l’A.M.R. et à le doter de la force exécutoire, il ne peut être question qu’un agent d’une catégorie somme toute modeste de l’administration puisse, sans garde-fou, sans surveillance, sans autorisation spécifique donc sans délégation de signature, avoir cette compétence.

Historiquement d’ailleurs, cette compétence a toujours été très encadrée.

Il faut rappeler qu’antérieurement à la loi n° 83-1159 du 24 décembre 1983, le visa était réservé aux seuls directeurs des services fiscaux qui avaient la possibilité d’accorder aux comptables de la DGI une délégation de signature leur permettant de viser et rendre exécutoires les avis de mise en recouvrement.

La loi sus mentionnée a étendu aux comptables de la D.G.I. le pouvoir de signature initialement confié au directeur des services fiscaux, sans bien entendu déposséder ce dernier de ce pouvoir.
La documentation administrative 12 C-1221 du 1er décembre 1984 a commenté ce changement et les nouvelles attributions des comptables des impôts qui sont des agents de catégorie A, cadre supérieur de la fonction publique.

L’article 21-IV et V de la loi de finances rectificative pour 1988 a autorisé certains collaborateurs du comptable, agents de catégorie B ( Contrôleurs des Impôts), sous l’autorité et la responsabilité de ce dernier, à signer les avis de mise en recouvrement ainsi que les mises en demeure.

Les articles L. 252 § 1, L. 256 § 1 et 3 et L. 257 A du Livre des Procédures Fiscales sont rédigés comme suit :

L.252 :
Le recouvrement des impôts est confié aux comptables publics compétents par arrêté du ministre chargé du budget.

L. 256 :
Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n’a pas été effectué à la date d’exigibilité.

L’avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l’autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l’autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public.

L.257 A :
Les avis de mise en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires et les mises en demeure peuvent être signées, sous l’autorité et la responsabilité du comptable, par les agents du service des impôts ayant au moins le grade de contrôleur.

Quant aux dispositions de l’article 410 de l’annexe II du Code Général des Impôts, elles permettent ou incitent cette délégation en ces termes :

Chaque fonctionnaire des impôts ou chaque fonctionnaire des douanes et droits indirects peut déléguer sa signature aux agents placés sous son autorité dans les conditions fixées par le directeur général des impôts ou le directeur général des douanes et droits indirects, selon le cas.

La combinaison de ces articles implique donc implicitement mais nécessairement que le comptable, seule autorité comptable compétente, sous l’autorité et la responsabilité duquel sont placés les agents de la Recette ayant la possibilité de signer les AMR, de désigner et de donner délégation de signature à ceux de ses contrôleurs qui exerceront en fait ce pouvoir.

Le parallèle entre la situation antérieure à la loi du 24/12/1983 où le directeur des impôts donnait délégation au comptable et la situation issue de la loi de finances rectificative pour 1988 est frappante et ne peut que conforter notre position : Le contrôleur peut certes signer et rendre exécutoire les AMR mais à la condition d’avoir l’autorisation explicite du comptable sous l’autorité et la responsabilité duquel il se trouve.

Pour assurer une qualité et une sécurité juridiques aux contribuables et aux serviteurs de l’Etat et en particulier au comptable public, la lettre et l’esprit des textes se rejoignent pour que la formalité essentielle du visa soit attribuée à un responsable, charge à lui, comme l’autorise la loi, de permettre à ces agents de catégorie B de signer les AMR, sous réserve de les habiliter à cet effet.

L’administration déduit de l’article L.257 A du livre des procédures fiscales que les AMR peuvent être signés par tout agent ayant au moins le grade de contrôleur, sans autorisation spécifique.
En déformant ainsi l’intention du législateur elle induit que tout contrôleur du service de la recette concernée peut signer un AMR ce qui est visiblement excessif.

La signification des dispositions de l’article précité est obligatoirement plus restrictive et signifie seulement que bien évidemment tout Receveur peut déléguer à un ou aux agents de son service sa signature. Sinon, en poussant jusqu’à l’absurde une interprétation aussi large que voudrait le faire admettre l’administration, n’importe quel agent B de la Recette pourrait signer n’importe quel AMR de n’importe quel dossier et de n’importe quel montant.
Il pourrait même annuler ainsi l’AMR signé par un collègue de même rang ou même du Receveur lui-même sans en référer à celui-ci.

Le verbe " pouvoir " est en ce sens très significatif : il exclut absolument " l’automaticité " d’une compétence exorbitante à tout cadre B et les termes ‘’ sous l’autorité et la responsabilité’’ induisent l’obligatoire délégation que le comptable doit délivrer aux agents ayant au moins le grade de contrôleur choisis par lui.

Le Receveur et contrôleur doivent donc établir qu’ils ont bien respecté les modalités d’application du champ de l’article L 257 A qui ne fait que donner une portée générale au principe de la délégation.

Dans ces conditions, nous soutenons que les contrôleurs signataires doivent être en possession d’une délégation du comptable pour agir régulièrement.

Il serait paradoxal que l’Avis à Tiers Détenteur, qui n’est que l’exécution de l’AMR dont il procède, devrait s’exercer de manière plus restrictive que l’AMR qu’il exécute, puisque le signataire de l’ATD doit, s’il n’est pas le comptable lui-même, être délégataire de ce dernier pour signer cet acte alors que, selon la doctrine de l’administration, le signataire de l’AMR en serait dispensé !

Les AMR signés par un contrôleur non délégataire sont irréguliers.

Hervé PIGUET, Avocat au barreau de Marseille

Avocat chez PIGUET.biz

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