La procédure de licenciement du salarié protégé est bien connue : le salarié protégé doit être convoqué à un entretien préalable, puis le CSE doit (sauf exception) être consulté pour avis, l’employeur demande ensuite une autorisation de licenciement à l’Inspection du travail, et si celle-ci est donnée, le licenciement intervient.
En cas de faute grave du salarié, l’employeur a la possibilité de prononcer sa mise à pied à titre conservatoire, dans l’attente de la décision de l’Inspection du travail [1].
Pour rappel, la mise à pied à titre conservatoire suspend le contrat de travail, mais pas le mandat ! [2]
En cas de mise à pied à titre conservatoire d’un élu au CSE, ou d’un représentant syndical au CSE, cette dernière instance doit être consultée dans les 10 jours suivant la mise à pied [3], et la demande d’autorisation de licenciement doit être présentée à l’Inspection du travail dans les 48 heures suivant la délibération du CSE [4].
Si le salarié protégé n’est pas membre du CSE, l’employeur doit notifier la mise à pied à l’Inspection du travail dans les 48 heures, et adresser sa demande d’autorisation de licenciement dans les 8 jours [5].
Il est de jurisprudence constante, et c’est d’ailleurs prévu par les art. L2421-1 et -3 du Code du travail, que le refus d’autoriser le licenciement annule de plein droit la mise à pied conservatoire et ses effets [6].
Autrement dit, cela signifie que le salarié doit être réintégré dans son emploi (et non dans un emploi similaire) avec maintien de ses conditions de travail antérieures. En outre, et surtout, les salaires non perçus pendant la période de mise à pied doivent être versés [7].
La Cour de cassation vient de rappeler ces différents éléments, en répondant à la question suivante : le rappel de salaire est-il dû si le salarié protégé a été placé en arrêt maladie et a perçu des IJSS ? [8].
En l’espèce un salarié protégé, en poste depuis une dizaine d’années, est convoqué le 3 août 2015 à un entretien préalable en vue d’un licenciement, il se voit notifier à cette occasion une mise à pied à titre conservatoire.
La même journée, mais la chronologie horaire n’est pas établie, ce salarié protégé est placé en arrêt de travail.
Une demande d’autorisation de licenciement est adressée à l’Inspection du travail qui la rejette le 14 octobre 2015. Un rappel de salaire est-il dû ?
La cour d’appel a répondu par la négative, estimant que le salarié ayant perçu les IJSS, seul un complément de salaire devait être versé par l’employeur. Il convient effectivement de rappeler que le complément d’indemnités aux IJSS n’est pas dû dans le cadre d’une mise à pied justifiée, sans doute la cour d’appel a-t-elle estimé que les effets de la mise à pied (qui devaient être annulés) se cantonnaient donc à ce rappel de complément.
A tort selon la Cour de cassation qui estime le rappel de salaire est dû, "peu important que le salarié ait pu être placé en arrêt maladie pendant cette même période".
La solution est tout d’abord logique dans la mesure où la chronologie n’a pu être déterminée. En effet, c’est la première cause de suspension qui doit être retenue ("suspension sur suspension ne vaut") ; or, en l’espèce, il ne pouvait être estimé que l’arrêt maladie était intervenu avant la notification de la mise à pied (la perception des IJSS étant indépendante d’une éventuelle mise à pied).
La solution est ensuite logique en ce qu’elle s’aligne sur le régime applicable aux salariés non protégés. Par le passé, la Cour de cassation a effectivement jugé qu’en cas de mise à pied à titre conservatoire annulée, l’employeur était redevable des salaires, même si un arrêt maladie avait débuté avant la mise à pied [9].
La solution, enfin, permet de ne pas ouvrir une éventuelle boîte de pandore qui consisterait à raisonner comme suit : si une cause de suspension du contrat de travail tombe, on doit rechercher si une autre cause a suspendu le contrat de travail. Une telle solution ne serait pas, en soi (et à notre avis), complètement illogique, mais elle semble contraire à l’esprit et à la lettre des articles L2421-1 et -3 du Code du travail, c’est tout du moins le sens de l’arrêt de la Cour de cassation.