La résidence alternée : principe ou exception ?

Par Sabine Haddad, Avocat.

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Explorer : # résidence alternée # intérêt de l'enfant # autorité parentale # conflit parental

Bientôt, la résidence alternée qui ne fait pas l’unanimité, deviendra le principe.
Les pères montés sur des grues ou remontés ainsi que les associations de défense des pères ont été entendus.
Le sénat a en effet adopté le 18 septembre 2013, un amendement visant à privilégier la résidence alternée en cas de divorce, dans le cadre du projet de loi sur l’égalité des femmes et des hommes présenté par notre ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem, laquelle se fixe une échéance à 2025 pour que l’égalité femmes hommes soit totale.
Qu’en penser ?

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Il s’agit d’un débat à la fois juridique et psychologique...

I- Jusqu’à présent le juge aux affaires familiales PEUT fixer la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents

A) Une faculté issue de la combinaison des articles 373-2-9 et 373-2-11 du Code civil, et de l’intérêt de l’enfant :

La loi du 4 mars 2002, a posé l’alternance comme possibilité : la résidence de l’enfant peut être fixée au domicile de chacun des parents.

L’article 373-2-9 du Code civil dispose que :

« En application des deux articles précédents, la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.

A la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée. Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.

Lorsque la résidence de l’enfant est fixée au domicile de l’un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l’autre parent. Ce droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, peut être exercé dans un espace de rencontre désigné par le juge. »

L’article 373-2-11 du Code civil

Lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge prend notamment en considération :

1° La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure ;

2° Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1 ;

3° L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre ;

4° Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant ;

5° Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12 ;

6° Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre.

Ce texte offre une simple faculté au juge auquel il appartient de décider en prenant en considération en premier lieu l’intérêt supérieur et primordial de l’enfant.

L’accord des parents sur le principe de la garde alternée est une condition essentielle du fonctionnement harmonieux du mode de garde.

B) Les critères pris en compte par le JAF

Lorsque suite à une séparation ou un divorce chacun des parents demandait la résidence alternée sur son enfant, le juge aux affaires familiales chargé de régler ce conflit, agit dans le seul intérêt de l’enfant, au regard de critères liés à l’entente des parents, l’âge et la maturité de leur enfant, le choix de leurs domicile ainsi que la distance des domiciles entre les parents et entre le domicile des parents et de l’école ,leur disponibilité et les conditions d’accueil : confort, stabilité.

S’il doit entendre l’enfant ayant un discernement suffisant qui lui en fait la demande, et décider de l’auditionner dans les autres situations, la plupart du temps, il tranche sans même l’auditionner, ou sans mesure avant dire droit d’enquête sociale et/ou d’expertise.

C’est pour cela que souvent la justice accorde la résidence alternée autour des 3 ans, même si les textes ne définissent pas d’âge minimum de l’enfant, statuant en ce sens indépendamment de la mésentente des parents.

Aujourd’hui environ 15% des enfants sont en résidence alternée.

La résidence étant fixée majoritairement chez la mère.

II Le sens de l’évolution attendue : la résidence en alternance paritaire est érigée en principe, son rejet doit être motivé

A) L’avenir pourrait aller dans le sens d’une obligation dans l’alternance imposée aux JAF

En cas de désaccord des parents, le juge devra toujours entendre les motifs de chaque parent en fonction de l’intérêt de l’enfant.

Il pourra "proposer une mesure de médiation et après avoir recueilli l’accord, des parents pourra désigner un médiateur familial pour y procéder".

La guerre des sexes, homme/femmes sera sans doute ouverte de nouveau.

Un tel amendement revient à imposer au juge d’agir pieds et points liés par un principe, alors que l’intérêt de l’enfant préside à l’appréciation d’une situation et d’une intime conviction.

Or un juge ne doit-il pas rester libre pour apprécier le contexte, la situation des parents sans rentrer dans une police des sentiments car l’intérêt de l’enfant seul compte ?

Les desiderata de l’enfant ne doivent pas être occultés.

B) Que penser de ce mode de résidence érigée en principe ?

1°- Lorsque le conflit entre les parents n’est pas réglé et que la communication est rigide ,mauvaise ou inexistante, l’enfant se retrouvera balloté dans une situation qui le dépasse.

Le dialogue et l’entente sont indispensables, pour le développement de l’enfant et sa stabilité psychique.

2°- L’âge de l’enfant pour une meilleure stabilité s’impose

Débat de professionnels : certains s’y opposent avant les 2-3 ans de l’enfant.

D’autres considèrent que c’est justement avant 3 ans que l’enfant est plus apte à s’adapter à la garde alternée. et à mieux s’épanouir.
Les contre : indiquent que les séparations répétées, alors que l’enfant ne se repère pas dans le temps, engendrent une forte angoisse existentielle :« il n’est pas sûr que le parent qui disparaît continue d’exister, ni de continuer à exister à ses yeux ». Nicole Prieur

M. Bernard Golse, pédopsychiatre rappelle que :

"90% des professionnels de la petite enfance s’accordent à penser que la résidence alternée n’a aucun sens avant trois ans. Elle est même assez nocive car elle empêche l’enfant de se construire un "attachement sécure … "

Ce chiffre avancé peut apparaître farfelu pour certains.

"...En revanche, on a encore des hésitations pour les enfants de 4, 5, 6 ans", "C’est un peu compliqué. Il faut entrer dans le détail de chaque histoire. Le juge, s’il est bien informé, et une médiation, peuvent avoir leur rôle à jouer. L’objectif central, c’est la continuité". "Il y a de la place pour tout le monde, conclut le pédopsychiatre. C’est important que chacun puisse construire sa parentalité, mais ça ne passe pas par la quantité de temps".

3°- L’éloignement des domiciles est un critère essentiel

Les trajets, ne sont pas à négliger pour la santé de l’enfant et toutes fatigues inutiles.

La proximité géographique des parents est indispensable car l’enfant doit s’inscrire dans des groupes d’appartenance : école, activités extra scolaires sportives, ludiques, musicales…

4°- La parole de l’enfant est importante car il faut une organisation sur les emplois du temps

Sa volonté est à prendre en compte en prenant compte de l’éventuelle aliénation parentale dont il fait l’objet.

A l’adolescence vers 12-13 ans il souhaite souvent vivre chez un parent plutôt que chez l’autre pour une meilleure stabilité.

Et les nouveaux compagnons dans tout cela ?

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Discussions en cours :

  • Bonsoir chère Maître,

    Vous concluez votre article en ouvrant la question : "Et les nouveaux compagnons dans tout cela"

    Comme vous n’avez visiblement aucun parti pris, que vous êtes fondamentalement à l’écoute
    de ce que vivent vos clients, j’imagine que vous voudriez parlez des compagnons...des pères.
    C’est bien cela ?

    Alors, si si j’ai des statistiques, vous vous trompez car il s’agit le plus souvent de compagnones.

    Qu’avez vous donc à nous dire des nouvelles compagnones ?

  • par Jacqueline Phélip , Le 26 octobre 2013 à 15:07

    Que des sénateurs adoptent un tel amendement dans une loi générale sur « l’égalité homme-femme » illustre et démontre si besoin est, combien l’enfant n’ est pas considéré comme ayant une existence propre, des besoins spécifiques qui lui sont propres selon son âge et/ou le contexte parental, mais qu’il est une propriété de ses parents, « objet » indivis de la communauté de biens réduite aux acquêts, à partager équitablement avec les meubles et le reste.
    Ces édiles auraient été bien inspirés de s’informer sur l’existence de cette "égalité homme-femme" durant la vie commune et auraient découvert qu’elle n’existe jamais : qu’elles travaillent ou pas, "nouveaux pères" ou pas, les mères sont toujours aujourd’hui les principales actrices dans la prise en charge des enfants :

     En mars 2011, dans la revue Politique sociales et familiales, Carole Brugeilles et Pascal Sebille concluent ainsi d’une étude sur l’évolution du partage des activités parentales entre 2005 et 2009 :

    « L’étude de la répartition des tâches parentales et leur évolution confirment que les mères sont toujours les principales actrices dans la prise en charge des enfants, l’implication des pères restant au second plan et limitée dans le temps. De même, au sein des couples où la répartition des tâches est plutôt égalitaire, les changements sont plus fréquents, montrant que lorsque les activités sont plus partagées, les chances pour qu’au fil du temps les pères se désengagent sont plus importantes » (Brugeilles, Sebille, 2011).

    • Le Centre d’Analyse Stratégique, n° 294 (octobre 2012), « Désunion et paternité », rapporte :

    « La participation des pères n’a progressé que de 5 minutes en moyenne entre 1999 et 2010, même au sein des couples bi-actifs.
    Globalement, les femmes continuent de porter la charge des ajustements entre vie familiale et emploi. Une naissance implique une transition professionnelle, voire un déclassement, pour une part significative de femmes (sortie du marché du travail, passage à temps partiel, changement de poste), les ajustements pour les hommes étant moindres et n’étant pas de même nature.
    Moins d’un cinquième des hommes déclarent un changement professionnel après une naissance contre la moitié des femmes. L’examen des couples bi-actifs montre que la tendance à une spécialisation “traditionnelle” des femmes dans la sphère privée-familiale se renforce avec la naissance de chaque enfant
    Les différences dans le travail parental entre hommes et femmes sont aussi qualitatives.
    Les mères dédient le temps consacré aux enfants aux soins, au suivi des devoirs ou au travail domestique, tandis que les pères l’affectent plutôt aux loisirs et aux transports.
    Les mères restent beaucoup plus présentes que les pères auprès des enfants le mercredi, et s’arrangent pour les garder en cas d’imprévu (maladies, grèves, etc.), même quand les pères occupent des emplois leur permettant de moduler davantage leurs horaires ».

    Et alors que tous les pays qui nous ont précédé dans cette voie reviennent en arrière au fil du temps, le Danemark ayant légiféré lui-même dernièrement pour que le 50/50 ne puisse plus être imposé (et dans tous les pays nordiques, si les parents ne sont pas mariés, la mère seule a l’autorité exclusive sauf accord contraire des parents) la France fait l’inverse.

    mais il est vrai que les enfants ne votent pas.........

    Vous citez le professeur Golse qui avait également fait un article dans la revue Actualités Juridiques famille, dans lequel il expliquait pourquoi les jeunes enfants devaient être exclus de la résidence alternée :

    http://www.lenfantdabord.org/wp-con...

    Il précise que si les adultes, parents et magistrats avaient une réflexion moins adulto-centrée, peut-être alors seraient-ils capables de se centrer sur les besoins de l’enfant oplutôt que sur leur désir narcissique et réaliser ce qu’est le cerveau d’un enfant de 18 mois ou 2 ans, sa mémoire, ses notions d’espace et de temps.
    D’autant que les études qui apparaissent sont alarmantes :

    http://www.lenfantdabord.org/lenfan...

  • Bonjour Maitre
    Vous étes complaisante et laxiste quand vous ecrivez "or un juge ne doit-il pas rester libre pour apprécier le contexte, la situation des parents sans rentrer dans une police des sentiments car l’intérêt de l’enfant seul compte ?". En effet l’amendement du sénat et les associations de pères demandent juste à ce que le refus de residence alternée soit dument motivé par des motifs serieux et explicites. Est-ce trop demander à la justice ? Je tiens à la dispo de qui veut mon dossier qui était idéal ( bonne situation, père investi, relogé à 5 mn avec chambre pour ma fille, horaires de travail aménagés, famille proche et présente, 7 attestations de voisins, parents d’eleves,...) et qui a été traité sans aucune explication par le classique et inhumain" l’enfant de 7 ans a besoin de ses 2 parents et doit les voir chacun le plus régulièrement possible...en conséquence Monsieur verra son enfant une fin de semaine sur deux" !!! c’est la discrimination ordinaire qui arrive à des milliers de pères !
    Avez-vous remarqué que dans la vie professionnelle les discriminations (envers les femmes) sont mesurées, interdites, sanctionnées ? Et dans la justice familiale ??
    Une dernière remarque : lorsqu’on divorce il est difficile de discuter et de s’entendre pour le bien des enfants. La médiation resoudra des cas mais certainement pas la majorité. Il faut donc changer les lois pour inviter les Juges à respecter l’egalité parentale .

    • Bonjour Alain 178

      Je me permet de répondre à votre message car je suis en pleine procédure de séparation et surtout en guerre pour la résidence alternée, l’audience est prévu mi-décembre et je suis en train de constituer mon dossier, et comme vous le proposé si gentiment je serais en effet intéressé d’avoir en exemple le votre afin de m’aider dans ma quête. merci d’avance

  • Bonjour Maître,
    Je rejoins le témoignage d’Alain178. Mon cas est identique au sien. J’avais tout pour une garde alternée, sauf une bonne entente avec la mère. Mais lorsque l’on se sépare, n’est ce pas bien souvent parce que l’on ne s’entend plus ? Heureusement, la fin de mon histoire fut plus heureuse et la juge intelligente qui a traité mon dossier m’a entendu et malgré le jeune âge de mon dernier fils (18 mois) j’ai obtenu cette garde alternée. Et aujourd’hui, tout le monde s’en félicite, sauf la mère des enfants bien sûr. Mes enfants sont épanouis (joie de vivre, bons résultats scolaires etc.) de passer un temps équivalent avec leurs 2 parents et ils restent en dehors des conflits qui subsistent entre leurs parents. Aucun de mes trois enfants ne comprendrait ni n’accepterait de se voir priver de l’un ou l’autre. Mais que d’efforts pour les pères pour un résultat aléatoire ! Nous sommes souvent traités comme des délinquants devant montrer patte blanche pour avoir le droit de nous occuper de nos enfants ! J’ai dû monter un dossier de 55 pièces et argumenter le jour de l’audience alors que la mère n’a produit que les 3 pièces de base et n’a rien eu à dire ! Alain178 a raison de dire que dans la vie courante le sort des femmes est pris très au sérieux et entendu (à juste titre) mais que les pères doivent se contenter de décisions laconiques mais dramatiques pour eux. Alors oui à cet amendement car trop souvent les juges ouvrent le parapluie en confiant trop systématiquement la garde complète à la mère.

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