Sea, sexisme and sun.

Par Magali Baré, Consultante.

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Explorer : # sexisme au travail # harcèlement sexuel # stéréotypes de genre # sensibilisation en entreprise

Les agissements sexistes sont désormais interdits par le Code du travail et l’employeur a l’obligation d’éviter que ces comportements se produisent sous peine de voir sa responsabilité en matière de santé et sécurité des salariés engagée. De quoi parle-t-on exactement et quelles sont les actions à mettre en place ?

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Le sujet n’est pas nouveau mais le cadre juridique est très récent. Il est d’ailleurs aujourd’hui délicat pour les praticiens d’apporter un éclairage fiable sur les comportements proscrits en l’absence de décisions rendues par les tribunaux.

Malgré des incertitudes sur ce qui est ou pas un agissement sexiste, il y a quand même des comportements pour lesquels il n’est pas nécessaire d’avoir la confirmation judiciaire qu’ils sont inappropriés. Ils l’étaient déjà d’ailleurs avant l’interdiction expresse du sexisme au travail.

On peut d’emblée souligner que la loi n’exclut personne et que les hommes comme les femmes sont susceptibles d’être confrontés au sexisme. On sait néanmoins que ce qui le génère ce sont les représentations qui ont la vie dure, qui s’expriment sous forme de comportements déplacés ou remarques professionnelles disqualifiantes qui visent surtout des femmes. Cela se retrouve logiquement dans les exemples sur lesquels nous nous appuyons.

« Je pars si tu me donnes ton numéro. Sinon, je t’attends dehors »)  [1]

Depuis 2012, le harcèlement sexuel pouvait être constitué, non plus seulement par du chantage sexuel pour l’obtention d’un poste ou d’une promotion, mais par des propos ou comportements à connotation sexuelle. Cela permettait de viser les propos ou comportements ouvertement sexistes, grivois, obscènes commis en raison du sexe ou de l’orientation sexuelle de la victime.

« Ah mais on vous propose un poste commercial parce qu’on s’est dit que la technique vous ferait peur, vu que vous êtes une femme ! »

Certains comportements entraient dans le champ de l’interdiction des discriminations à l’encontre d’une personne notamment en raison de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse ou de son apparence physique. Cela permettait, en théorie, aux femmes de faire valoir leurs droits en présence d’agissements sexistes qui sont, par définition, liés au sexe. Par exemple, en cas de refus d’embauche ou de promotion en raison d’une possible grossesse.

Ces règles étaient méconnues et rarement utilisées alors que. Elles ne permettaient pas non plus de couvrir tous les comportements sexistes. Ils sont pourtant courants.

D’après un sondage commandé par le gouvernement, près de la moitié des femmes (40 %) a déjà subi une humiliation ou une injustice liée à son sexe. On parle même de « sexisme ordinaire », expression qui reflète le niveau de banalisation et du même coup de tolérance à l’égard de certains comportements.

Cette situation conduit à une regrettable résignation puisque selon la même étude 81% des femmes victimes de sexisme ont déjà adopté une conduite d’évitement (ne pas porter certaines tenues, ne pas se faire remarquer, éviter de croiser certains collègues, ne pas prendre la parole en public, ...) et 63% des femmes qui ont été victimes de sexisme n’ont pas réagi car elles considèrent que cela n’aurait servi à rien ou par peur des représailles.

« Ah, c’est vous qui allez faire la réparation ? Vraiment ? »

Parler explicitement de sexisme permet de désigner sans ambiguïté les comportements que l’on n’entend plus tolérer. Ce que l’on pouvait appeler avant incivilités, comportements agressifs ou malveillants, sera maintenant du sexisme lorsque ces attaques visent un ou une salarié.e en raison de son sexe. Comme le disait Simone de Beauvoir : « Nommer, c’est dévoiler. Et dévoiler, c’est déjà agir ».

Au-delà d’une simple évolution sémantique, parler explicitement de sexisme doit permettre une prise de conscience. L’idée est qu’une meilleure compréhension de ce phénomène devrait amener les différents acteurs à identifier puis à déconstruire les stéréotypes, représentations, comportements ordinaires qui délégitiment les femmes.

« La prochaine fois… mettez une jupe. Je dis ça, c’est pour vous hein. »

Le sexisme est défini par le Code du travail comme un comportement lié au sexe de la personne portant atteinte à sa dignité et créant un environnement professionnel inapproprié.

En l’absence de repères « officiels », nous proposons la grille d’analyse suivante :

  1. Le sexisme est un comportement inapproprié qui n’est pas à connotation sexuelle mais qui est lié au sexe de la personne,
  2. Il s’appuie généralement sur des stéréotypes et a pour but ou pour effet de rabaisser la personne, souvent sous couvert de l’humour,
  3. Il ne vise pas forcément une personne en particulier mais les hommes ou les femmes « en général »,
  4. Il émane d’un homme ou d’une femme, et peut viser une personne de même sexe,
  5. Il empêche un climat de travail serein ou porte atteinte au respect de la personne.

Lorsque nous animons des actions de sensibilisation sur le harcèlement sexuel et sur le sexisme, nous donnons des exemples inspirés de faits réels. Et nous observons des réactions similaires dans toutes les catégories professionnelles.

Parmi ces exemples, il y a une première catégorie de propos qui sont unanimement qualifiés de sexistes et pour lesquels personne n’a encore osé dire que c’était acceptable, exemples : « T’as une poitrine de fou, c’est de l’incitation au viol ça ! », « Elle a eu 2,5 % d’augmentation… Bah normal, promotion canapé quoi ! » [2]

Il y a une autre catégorie d’exemples qui en revanche enclenchent des débats avec et entre les participants. C’est le registre de l’humour et les propos que nous qualifions de paternalistes ou bienveillants.

« Alors les pipelettes ! On fait une réunion tupperware ? »

La difficulté pour traiter ces comportements vient du fait qu’ils sont positifs et sympathiques. Ils sont perçus différemment d’une personne à l’autre.

Quelques exemples parmi tant d’autres :
« Tu n’as pas posé ta journée ? Ben oui, c’est les soldes ! »
« Ah la plus belle ! Ah non, deux bises, j’en profite ! Tiens, elle ne rougit pas ! »
Celui qui fait réagir c’est le fait d’appeler « la miss » une jeune femme arrivée récemment dans un service. Certains managers se l’interdisent estimant que cela est déplacé, d’autres considèrent ce « petit nom » comme une marque d’affection et signe d’intégration dans le collectif de travail et ne voient pas en quoi cela pourrait avoir un caractère sexiste. Du côté des femmes, les réactions sont aussi diverses. Certaines disent avoir souffert d’être appelées ainsi car elles se sentaient rabaissées et n’osaient pas le dire tandis que pour d’autres c’est agréable d’avoir ainsi sa place dans le service et il n’y a rien de sexiste dans ce terme.

« Les femmes se plaignent mais elles portent des tenues provocantes ! »

Autre question soulevée, par des hommes comme par des femmes, le fait que certaines femmes portent des tenues jugées provocantes créant de l’émoi chez leurs collègues masculins. La réaction est toujours la même : peut-on juridiquement imposer à une femme de changer de tenue ? La réponse est oui, dans certaines conditions, mais là n’est pas le sujet.

Il ne nous a pas encore été demandé si un responsable hiérarchique pouvait exiger de ces collaborateurs qu’ils regagnent leurs postes de travail et cessent d’importuner leur collègue. Nos interlocuteurs n’ont encore jamais pensé que le dysfonctionnement pouvait venir des collègues masculins (car les exemples donnés ne concernent que les réactions des hommes) qui s’autorisaient à occuper une partie de leur temps de travail à occuper le bureau d’une collègue sans aucune raison professionnelle.

« Roooh, la chienne de garde, on a le droit de rire non ?! »

Au risque de devoir brider le génie comique de certains, les entreprises sont maintenant tenues de s’emparer de ce sujet au risque de voir un jour engagée leur responsabilité en matière de santé et sécurité des salariés.

L’étude commandée par le gouvernement mettait en avant les moyens jugés les plus pertinents par les personnes interrogées.
Un engagement au plus haut niveau des entreprises était largement attendu. Pour 40% des femmes et des hommes interrogés, il faudrait avoir un message fort de la part des directions des entreprises condamnant les remarques et agissements sexistes.

De plus, une sensibilisation des salarié.e.s et managers était jugée indispensable pour mieux faire percevoir les stéréotypes et les manifestations du sexisme pour le combattre.

C’est de cette manière qu’a procédé une grande entreprise du secteur du BTP lorsqu’elle a engagé une démarche volontariste de féminisation des emplois de chefs de chantier et de conducteurs de travaux. Avant l’arrivée de ces nouvelles salariées, des actions de sensibilisation ont été engagées auprès de tous leurs futurs collègues pour les alerter sur les comportements qui ne seraient pas jugés acceptables et les sanctions auxquelles s’exposeraient ceux qui viendraient à avoir des écarts de conduite.
Ce message clair de la direction a été parfaitement reçu par les salariés et la féminisation de ces métiers s’est passée sans encombre. Sans cela, de l’aveu même de certains salariés, ils auraient sans doute eu un comportement déplacé.

L’enjeu n’est donc pas uniquement juridique. Il s’agit aussi, dans le cadre d’une stratégie de développement de ses ressources humaines, de favoriser la mixité de certains secteurs d’activités ou métiers.

Cela passe par une évolution des mentalités rendant visible le sexisme qui se manifeste dans le monde du travail et encourageant chacune et chacun à mener des actions concrètes, à son échelle, pour construire un environnement professionnel respectant la dignité de toutes et tous.

Magali Baré
Consultante
Cabinet IDée Consultants

www.ideeconsultants.fr

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Notes de l'article:

[1Les citations utilisées pour alimenter cet article sont réelles. Elles nous ont été rapportées dans le cadre de nos interventions ou sont issues du site http://payetontaf.tumblr.com

[2Certains des propos reproduits sont gênants, à l’image de ce qui passe quand ils sont « prononcés} »

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