Le sursis à statuer de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme.

Par Emmanuel Lavaud, Avocat.

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Explorer : # urbanisme # sursis à statuer # régularisation

De réformes en réformes, le législateur tente d’assouplir les règles procédurales du droit de l’urbanisme.

Ces assouplissements visent à pallier les blocages que le contentieux de l’urbanisme cause aux opérations et à la prise de décision des pouvoirs publics.

Il en va notamment ainsi de la possibilité donnée au juge de sauver une décision illégale en prononçant un sursis à statuer dans l’attente de la régularisation d’un vice affectant une décision.

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L’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme dispose en effet que « Si le Juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d’urbanisme ou une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d’urbanisme reste applicable ».

Cette possibilité offerte au Juge administratif est néanmoins assortie de réserves au nombre desquelles figure notamment la suivante :
« 1° En cas d’illégalité autre qu’un vice de forme ou de procédure, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l’illégalité est susceptible d’être régularisée par une procédure de modification prévue à la section 6 du chapitre III du titre IV du livre Ier et à la section 6 du chapitre III du titre V du livre Ier ;(...) ».

Dans l’affaire soumise à la Cour administrative d’appel de Nantes et ayant donné lieu à l’arrêt du 1er mars 2019, le Tribunal administratif de Nantes avait été saisi d’une demande d’annulation de la délibération du 20 février 2014 par laquelle le conseil municipal de l’Ile d’Yeu a approuvé le plan local d’urbanisme de la commune.

Le Tribunal administratif de Nantes y a partiellement fait droit par jugement du 10 janvier 2017.

La Cour administrative d’appel de Nantes, à son tour saisie du litige, a jugé par un arrêt du 4 mai 2018 que « le classement des parcelles cadastrées AS n° 220, 476, 482 et 508, en zone 2AU était entaché d’une erreur de droit au regard des dispositions de l’article R 123-6 du code de l’urbanisme et a, sur le fondement de l’article L 600-9 du code de l’urbanisme sursis à statuer en impartissant à la commune de l’Ile d’Yeu, un délai de sept mois à compter de la notification de cet arrêt pour lui notifier une délibération régularisant ce vice ».

Néanmoins, dès cet arrêt du 4 mai 2018, la Cour administrative d’appel de Nantes a écarté les autres moyens soulevés par les requérants.

L’affaire revenant devant la Cour administrative d’appel de Nantes pour qu’il soit statué sur la régularisation du vice, les requérants sollicitent de nouveau qu’il soit statué sur certaines dispositions du PLU, ne faisant pourtant pas l’objet du sursis à statuer.

La Cour administrative d’appel de Nantes rejette ces demandes en rappelant comment doivent être mises en œuvre les dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme :

« Il résulte de ces dispositions que les parties à l’instance ayant donné lieu à la décision de sursis à statuer en vue de permettre la régularisation de l’acte attaqué peuvent, à l’appui de la contestation de l’acte de régularisation, invoquer des vices affectant sa légalité externe et soutenir qu’il n’a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant-dire droit. Elles ne peuvent soulever aucun autre moyen, qu’il s’agisse d’un moyen déjà écarté par la décision avant-dire droit ou de moyens nouveaux, à l’exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

4. Par son arrêt avant dire droit du 4 mai 2018, la Cour, après avoir écarté les autres moyens soulevés par la SCI Fonimmo-ID, a jugé que la délibération du 20 février 2014 par laquelle le conseil municipal de l’Ile d’Yeu a approuvé le plan local d’urbanisme de la commune était entachée d’une erreur de droit. En effet, si les parcelles cadastrées section AS n° 220, n° 476, n° 482 et n° 508 ont conservé leur caractère naturel, elles disposent d’un accès à la voie publique et sont desservies par les réseaux d’eaux pluviales et de l’assainissement de ces eaux pluviales dont il n’a pas été établi que ces réseaux ne seraient pas d’une capacité suffisante pour desservir l’urbanisation prévue à terme. En outre, ces parcelles présentent les caractéristiques requises pour un assainissement individuel. Par ailleurs, le rapport de présentation n’apportait aucune justification particulière quant au classement de ces terrains en zone 2AU en dépit de leurs caractéristiques. Par suite, la Cour, aux termes de son arrêt susmentionné, a jugé que si la commune pouvait classer ces parcelles en zone d’urbanisation future, la société requérante était fondée à soutenir qu’un classement en zone 2AU était entaché d’une erreur de droit au regard des dispositions de l’article R 123-6 du code de l’urbanisme. La Cour a alors sursis à statuer sur le fondement de l’article L 600-9 du code de l’urbanisme, en impartissant à la commune de l’Ile d’Yeu, un délai de 7 mois, à compter de la notification de cet arrêt, pour lui notifier une délibération régularisant ce vice.

5. Le conseil municipal de l’Ile d’Yeu, par une délibération du 18 décembre 2018, a de nouveau délibéré sur le classement des parcelles cadastrées section AS n° 220, n° 476, n° 482 et n° 508 et a procédé à leur classement en zone UH du plan local d’urbanisme. Ainsi le moyen tiré de l’erreur de droit qui entachait le classement de ces parcelles a été régularisé par l’adoption de cette délibération.

6. La Cour s’étant déjà prononcée sur le moyen tiré de la méconnaissance des articles UH 9-2 et UH 10 du plan local d’urbanisme, la société requérante ne peut utilement, dans le cadre de la présente instance, soulever de nouveau le moyen tiré de la violation de ces dispositions.

7. Il résulte de ce qui précède que la SCI F. n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le Tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de ses conclusions ».

Cet arrêt n’a rien de révolutionnaire. Il constitue cependant un exemple intéressant des conditions dans lesquelles le Juge administratif peut sauver une décision d’urbanisme entachée d’un vice.

CAA de Nantes, 2ème chambre, 1er mars 2019, n°17NT00863.

Emmanuel Lavaud,
Avocat au barreau de Bordeaux
legide-avocats.fr

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