Téléphonie mobile : les antennes- relais limitées par le paysage.

Par Adrien Colas, Avocat.

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Explorer : # urbanisme # paysage # antennes-relais # téléphonie mobile

Les lignes de crêtes, privilégiées par les opérateurs de téléphonie mobile, pour installer les stations relais présentent un enjeu paysager qui peut primer sur l’objectif de couverture du territoire national et justifier un refus d’autorisation d’urbanisme.

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Dans un précédent article [1], nous avions relevé la souplesse des règles d’urbanisme à l’égard de l’installation d’antennes-relais de téléphonie mobile, dans le but avoué de faciliter leur implantation sur le territoire national. Cette relative bienveillance du droit de l’urbanisme n’a toutefois pas pour effet de conférer aux opérateurs un blanc-seing leur permettant de s’affranchir de toute exigence. C’est précisément ce que vient de rappeler le Tribunal Administratif de Rennes dans un jugement du 6 mars 2020 [2] en faisant application de l’article R.111-27 du code de l’urbanisme.

Dans cette affaire, le Maire d’une commune finistérienne avait fait le choix de s’opposer à la déclaration préalable déposée par un opérateur en vue de l’implantation d’une station relais de téléphonie mobile, à raison de son impact paysager. L’opérateur déçu avait contesté cette décision devant la juridiction administrative.

L’article R.111-27 du Code de l’Urbanisme, ici appliqué par la collectivité, prévoit que «  Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales. »

Cette disposition, intégrée au Règlement National d’Urbanisme et ainsi opposable sur l’ensemble du territoire national, permet aux Maires de s’opposer à un projet de construction lorsque, compte tenu de sa localisation et de ses caractéristiques, son intégration dans le paysage ne serait pas assurée. Pour son application, le Conseil d’Etat a dégagé une grille d’analyse en deux temps [3], aux termes de laquelle le service instructeur (et le juge administratif lorsqu’il est saisi) doit :

  1. « Apprécier la qualité du site urbain ou naturel sur lequel la construction est projetée », c’est-à-dire jauger la sensibilité paysagère du secteur d’implantation. Le défaut de caractérisation d’une telle sensibilité fait ainsi obstacle à toute application de l’article R.111-27 du C.U. [4].
  2. « Evaluer l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site », c’est-à-dire évaluer si le paysage précédemment caractérisé sera affecté par le projet au regard, notamment, de sa localisation et de ses caractéristiques (dispositions prises pour assurer son insertion, tels que le volume, le choix des matériaux et coloris ou encore la plantation de végétaux).

Appliquant cette grille d’analyse à la situation qui lui était soumise, le Tribunal Administratif de Rennes a tout d’abord admis que, bien que situé en dehors de tout zonage protecteur (en dehors des abords d’un monument historique,…), le terrain d’assiette du projet intégrait une entité paysagère sensible. Pour fonder cette appréciation, les magistrats ont retenu à la fois la proximité avec un monument historique (alors même que le projet est situé en dehors de son périmètre de protection) et l’existence de perspectives visuelles sur une vallée caractérisée par un couvert boisé. [5]

Evaluant ensuite les incidences du projet, la juridiction administrative relève que le projet consiste à édifier un pylône d’une quarantaine de mètres de hauteur sur une des lignes de crêtes formant la vallée ainsi identifiée. Compte tenu des caractéristiques du secteur, ce pylône sera alors la seule construction émergeant du couvert boisé de la vallée. [6]

Les magistrats en concluent que le projet serait de nature à altérer le grand paysage et les vues qu’il offre. Ils valident en conséquence l’opposition à déclaration préalable signée par le Maire sur le fondement de l’article R.111-27 du code de l’urbanisme et rejette le recours de l’opérateur.

Si elle n’est pas inédite, cette décision rappelle que les lignes de crêtes, privilégiées par les opérateurs de téléphonie mobile, présentent un enjeu paysager qui, lorsque les conditions sont réunies, prime sur l’objectif de couverture du territoire national.

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[2n°1900151

[4par exemple : CAA Marseille, 30 juin 2017, n°16MA00614 « Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies et des photomontages, que le terrain d’assiette du projet en litige, qui se situe dans une zone agricole avec quelques constructions diffuses et hors le périmètre d’un site Natura 2000, ne présente ni un caractère remarquable ni un intérêt particulier »

[5« Le terrain d’assiette du projet, cadastré G 861, est situé lieu-dit L à RM sur le versant nord de la vallée de l’Élorn. Cette vallée, qui accueille au sud du projet le bourg de RM, est surplombée sur son versant sud par le château du Roc’h , dont les restes ont été inscrits en 1926 au titre des monuments historiques. Ce château dispose de plusieurs perspectives visuelles sur les vallées de l’Élorn et de l’un de ses affluents et, notamment sur l’écrin de verdure de ces vallées. Ainsi, les restes du château du Roc’h, qui confèrent un caractère pittoresque à ces vallées et au bourg de RM, présentent un intérêt permettant de justifier la conservation de ses perspectives monumentales. Cet intérêt peut justifier l’utilisation des pouvoirs conférés par l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme, y compris au-delà de la zone de protection de 500 mètres instituée par le code du patrimoine dans la stricte mesure nécessaire à la conservation de ces perspectives et de l’intérêt des lieux. »

[6« Le pylône projeté par l’opérateur est implanté sur le versant nord de la vallée de l’Élorn à seulement un peu plus de 500 mètres du château du Roc’h, soit légèrement en dehors du périmètre de protection institué par le code du patrimoine. Compte-tenu de ses dimensions, notamment de sa hauteur de quarante mètres, et conformément aux documents graphiques annexés au dossier de déclaration préalable, cette installation sera visible depuis le Château du Roc’h, et ce malgré la présence d’une couverture boisée au sommet du versant nord de la vallée de l’Élorn, cette couverture boisée n’occultant que la partie basse du pylône. Or, dans ces conditions, le pylône litigieux sera le seul élément de construction dépassant de la couverture boisée des hauteurs de la vallée de l’Élorn, dénotant avec le caractère jusqu’ici préservé des vues portées depuis le château sur les versants de cette vallée. Ainsi, dès lors que le projet génère une atteinte visuelle sur le paysage naturel entourant le château du Roc’h lequel permet la mise en valeur de ce patrimoine et de ses perspectives monumentales, l’opérateur n’est pas fondée à soutenir que le maire de RM aurait fait une inexacte application des dispositions de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme. »

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