La tentative d’harmonisation de la notion de « communication au public ».

Par Nathalie Dreyfus, CPI.

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Explorer : # communication au public # droit d'auteur # directive européenne

Une véritable saga jurisprudentielle se joue depuis plusieurs années autour de la délimitation du champ d’application de la notion de « communication au public ». En effet, la question se pose de savoir dans quel cas cette notion trouve à s’appliquer.

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Une véritable saga jurisprudentielle se joue depuis plusieurs années autour de la délimitation du champ d’application de la notion de « communication au public ». En effet, la question se pose de savoir dans quel cas cette notion trouve à s’appliquer.

Avant de se pencher sur l’évolution jurisprudentielle, il convient de faire un point sur la législation en vigueur.

Il convient en effet d’apprécier ce qu’est une communication au public au regard de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE et de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115/CE/. Ainsi, la directive de 2001 confère à l’auteur un droit exclusif sur la communication au public sur son œuvre et la directive de 2006 ajoute qu’il doit y avoir une rémunération équitable entre l’auteur et l’utilisateur.

Il résulte de la jurisprudence que la notion de « communication au public » doit être interprétée d’une manière uniforme, sans que les États membres puissent lui donner une interprétation particulière au regard des dispositions de la directive. Ainsi, les juges du fond se prêtent à une interprétation in abstracto.

Affaire SGAE, CJCE, 7 décembre 2006.

L’arrêt fondateur sur cette notion est l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en date du 7 décembre 2006.

En l’espèce, un hôtel mettait à la disposition de ses clients des téléviseurs dans leur chambre ce qui permettait entre autres la diffusion de programmes musicaux. L’utilisation de la télévision et de diffusion de musique d’ambiance au sein d’un hôtel donne lieu à des actes de communication au public d’œuvres appartenant à son répertoire.

La Cour considère que le droit de communication au public comprend la mise à la disposition d’œuvres de manière à ce que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. Dès lors, il n’est pas besoin de satisfaire à l’exigence d’unité de lieux ni d’unité de temps pour former un public au regard de la Directive. Le caractère privé ou public du lieu la communication est sans incidence. Il est exigé une autorisation de l’auteur pour les actes de communication au public en tant que tels, et non pour les retransmissions dans un lieu public ou ouvert au public.

L’arrêt ajoute que c’est une prestation de service supplémentaire par l’hôtelier accomplie dans le but d’en retirer un certain bénéfice. Il doit donc s’acquitter des droits correspondants.

Cette décision est rendue sur le fondement de l’article 3 de la directive 2001/29/CE Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information.

Affaire Phonographic Performance, CJUE, 15 mars 2012.

Dans cette affaire, la Cour rappelle qu’elle a déjà jugé que la notion de « communication au public » implique une appréciation individualisée et que, pour une telle appréciation, il importe de tenir compte de plusieurs critères complémentaires.

En premier lieu, il faut tenir compte du rôle important joué par l’utilisateur. Ce dernier réalise un acte de communication lorsqu’il intervient sciemment pour donner accès à une émission radiodiffusée contenant l’œuvre protégée à ses clients. En outre, le « public » doit être constitué d’un nombre indéterminé de destinataires potentiels et d’un nombre assez important de personnes. Puis, le caractère lucratif d’une « communication au public » constitue également un critère pertinent. En effet, l’acte accompli par l’exploitant, visant à donner accès à l’œuvre radiodiffusée à ses clients, constitue une prestation de service supplémentaire ayant une influence sur le standing de cet établissement et, partant, sur le prix des chambres.

En outre, il est susceptible d’attirer des clients additionnels intéressés par ce service supplémentaire.

Affaire Reha Training, CJUE, 31 mai 2016.

La Cour reprend ici, les jurisprudences précédemment citées mais en affinant son analyse. Elle a jugé dans un premier temps que pour qu’il y ait communication au public, il faut que cette communication ait un caractère lucratif c’est-à-dire qu’il faut que celui qui communique cette œuvre en tire un avantage économique.

Il n’est pas sans rappeler que la Cour a estimé que dans un cabinet dentaire, la radiodiffusion de phonogrammes ne constituait pas un acte de « communication au public », justifiant le versement d’une « rémunération équitable » aux producteurs de ces phonogrammes. En effet, la diffusion n’était pas faite à titre lucratif puisqu’elle n’aurait aucune influence sur la clientèle et les revenus du dentiste (CJUE 15 mars 2012, aff. C-135/10).

Affaire GS Media, CJUE, 8 septembre 2016.

Le placement d’un hyperlien sur un site Internet vers des œuvres protégées par le droit d’auteur et publiées sans l’autorisation de l’auteur sur un autre site Internet ne constitue pas une « communication au public » lorsque la personne qui place ce lien agit sans but lucratif et sans connaître l’illégalité de la publication de ces œuvres. En revanche, si ces hyperliens sont fournis dans un but lucratif, la connaissance du caractère illégal de la publication sur l’autre site Internet doit être présumée. En effet, lorsqu’il est établi qu’une telle personne savait ou devait savoir que l’hyperlien qu’elle a placé donne accès à une œuvre illégalement publiée, par exemple en raison du fait qu’elle en a été avertie par les titulaires du droit d’auteur, la fourniture de ce lien constitue une « communication au public ». Il en est de même si ce lien permet aux utilisateurs de contourner des mesures de restriction prises par le site où se trouve l’œuvre protégée afin d’en restreindre l’accès par le public à ses seuls abonnés.

Affaire Land Nordrhein –Westfalen c/ Dirk Renckhoff, CJUE, 7 août 2018.

La Cour de justice de l’Union européenne précise ici la notion de “communication au public” visée dans la directive 2001/29 du 22 mai 2001.

La Cour juge que le public pris en compte par le titulaire du droit d’auteur lorsqu’il a consenti son autorisation était constitué des seuls utilisateurs du premier site Internet et non de ceux d’un autre site Internet. Elle en conclut que la communication litigieuse touche un public nouveau et, partant, qu’il s’agit d’une communication au public et nécessite une nouvelle autorisation de l’auteur.

Conclusion.

Cette saga jurisprudentielle s’avère intéressante et utile à constater car, dans la pratique, on est amenée à se demander ce qu’est une « communication au public » mais aussi, dans quels cas on peut y être concernés.

Nathalie Dreyfus
Conseil en Propriété Industrielle
_https://www.dreyfus.fr/

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