Ces PME qui travaillent pour l’État.

Par Jean-Philippe Maeght.

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Explorer : # pme # appels d'offres publics # externalisation # concurrence

En France, les marchés publics connaissent de véritables transformations depuis quelques années. Cette tendance s’avère résolument favorable aux PME, désormais prêtes à s’engager dans une compétition autrefois monopolisée par les grands groupes.

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Les appels d’offres publics constituent une manne pour les entreprises françaises. Malheureusement, les petites et moyennes entreprises restent très marginales parmi les fournisseurs de l’État. L’envergure des appels d’offres « écarte automatiquement des prestataires qui n’ont pas vocation à intervenir sur toute la chaîne » explique le pôle de compétitivité EPEE. Malgré les difficultés, de PME sous-traitent des tâches importantes pour le compte de l’État. L’évolution du contexte politique et budgétaire favorise cette tendance. Travailler pour une institution comporte d’ailleurs certains avantages. Aussi n’est-il pas exclu que l’implication des PME se renforce à l’avenir.

Un contexte politique nouveau

Depuis les 10 dernières années, les pratiques administratives ont grandement évolué en faveur d’une plus grande concurrence sur les marchés publics. À partir de 2007 notamment, la révision générale des politiques publiques (RGPP) a profondément modifié les conditions d’accès aux appels d’offres publics. Dans le cadre de la poursuite de l’objectif de réduction des dépenses publiques, ces appels d’offres ont sensiblement crû en nombre. En effet, de nombreuses fonctions et missions autrefois du ressort des institutions publiques ont alors commencé à être confiées à des acteurs privés.

Ce phénomène prend souvent la forme de processus « d’externalisation ». On a ainsi vu le ministère de la Défense procéder ces dernières années à l’externalisation du soutien des armées. Dans les ministères, ce sont parfois des pans entiers de leur activité qui sont considérés en vue d’une externalisation. C’est le cas des télécommunications ou de l’immobilier liés à la Défense. De tels projets ne se font d’ailleurs pas sans susciter un réel débat : il arrivent en effet que les fonctions régaliennes de l’État, telles que les douanes, soient indirectement concernées par des mesures de privatisations de certaines fonctions.

Il n’en reste pas moins que les efforts budgétaires de l’État et les réformes de son organisation ont, ces dernières années, véritablement ouvert la course aux appels d’offres publics. Aussi la concurrence s’intensifie-t-elle entre les grands et les petits sur ce marché particulier. Des PME se sont déjà engouffrées dans la brèche quand d’autres testent des méthodes d’action afin d’accroître leur chance face aux habitués de la demande publique.

Les PME à l’assaut d’un marché nouveau

BGM Winfield, armurier français implanté en région parisienne, incarne ces nouveaux succès des PME auprès de la demande publique. Cet importateur de pistolets Glock a en effet été retenu pour équiper les forces de l’ordre pour le compte du ministère de l’Intérieur. Le contrat porte ainsi sur la signature de quelque 1500 pistolets de type Glock 17 et Glock 26. Pour BGM Winfield, déjà habitué à fournir des professionnels de la sécurité, ce contrat garantit un volume d’affaires conséquent. Mais beaucoup d’appels d’offres prennent la forme de contrats trop gros et trop polyvalents pour être traités par une seule entreprise de petite taille.

C’est la raison pour laquelle certaines PME n’hésitent aujourd’hui plus à s’associer pour décrocher un contrat public. Le groupement d’entreprises Griffes Défense fut ainsi créé pour répondre à un appel d’offres lancé en 2010. Ce dernier porte sur un contrat d’habillement des trois corps de l’armée française pour une durée de huit ans. Griffes Défense est ainsi composé d’une dizaine d’entreprises dont le rôle est d’assurer les fonctions d’achat, de production, ou de stockage des uniformes des armées françaises. Yannick Duval, Président du directoire de Saint James et membre de Griffes Défense résume bien les enjeux de la compétition pour cet appel d’offres : « l’externalisation de la fonction habillement des armées consiste en un contrat de 8 ans. C’est une grande chance pour nous de pérenniser nos emplois et de développer notre PME (…) Dans le cadre de ce groupement, nous fournirons, si nous gagnons, tous les pulls des armées françaises que nous fabriquons dans notre usine de St James en Normandie. »

Travailler pour un ministère peut s’avérer extrêmement sécurisant. C’est la raison pour laquelle de plus en plus de PME s’intéressent aux appels d’offres publics, quitte à s’associer pour mieux les briguer. Consécutivement à cet intérêt croissant, il est vraisemblable que les petites entreprises continueront d’accroître la représentation parmi les fournisseurs de l’État. Une tendance qui a également toutes les chances d’être encouragée par de nouveaux dispositifs commerciaux et légaux soutenus par l’État. Saisissant opportunément cette dynamique, les artisans montpelliérains viennent d’ailleurs de se regrouper au sein d’une association visant à défendre leurs intérêts dans la course à l’obtention des marchés du bâtiment. Ainsi, l’Association Montpelliéraine d’aide et d’insertion (AMAI) compte aujourd’hui une centaine d’artisans de la région, qui entendent bien rivaliser avec les poids lourds du secteur.

Des tendances encourageantes

L’association Pacte PME fut fondée en 2010. Avec le soutien d’OSEO et de la Direction générale de l’Armement, cette association s’est depuis employée à promouvoir les relations entre PME et les grands comptes publics et privés. L’association se présente comme un réseau qui fédère notamment le Conseil régional d’Île-de-France, le ministère de l’Intérieur, le ministère du Budget, ou encore la Ville de Paris. Cette initiative a déjà illustré sa pertinence à plusieurs reprises. Citons en guise d’exemple la rencontre fructueuse entre la PME Bulle de Linge et le Réseau des acheteurs hospitaliers d’Île-de-France (Resah-IDF). Grâce au réseau de Pacte PME, Bulle de Linge est parvenue à décrocher un contrat de 4 ans en avril 2012.

Certaines institutions choisissent aussi de prendre leurs propres mesures pour faciliter l’accès des PME aux marchés publics. C’est le cas du ministère de la Défense qui a mis en place des solutions financières spécifiquement destinées à résoudre les difficultés des PME. Depuis février 2006, une conventionpassée entre le ministère et les filiales du Crédit Agricole, Eurofactor et Calyon, permettent aux titulaires de marchés publics d’obtenir un paiement anticipé de leur prestation auprès de ces organismes bancaires. Nombre de petites entreprises refusent fréquemment certains contrats faute de trésorerie pour les mener à bien. Ainsi le « dispositif de financement bancaire des fournisseurs de la Défense » tombe-t-il à point nommé !

Qu’il s’agisse d’initiatives globales telles que le pacte PME ou de dispositifs spécifiques aux institutions considérées, les petites entreprises bénéficient de plus en plus de facilités pour accéder aux marchés publics. On peut d’ores et déjà observer les premiers signes d’une réelle ouverture en faveur des PME. En témoigne la publication, par le Ministère de l’Economie et des Finances, d’un guide à destination des acheteurs publics en vue de développer chez eux le "réflexe PME". On y apprend, en outre, que "Le monde de l’achat public et celui de l’entreprise ne sont pas deux univers étanches qui ne se rencontrent que le temps d’une procédure". Voilà de quoi remettre un peu de baume au cœur à ceux de nos chefs d’entreprise qui se croyaient définitivement fâchés avec l’administration française !

Jean-Philippe Maeght

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Discussions en cours :

  • Bonjour,
    Dans votre article, vous faites allusion à la société Ste James qui fait partie de "Griffe défense" (Inéo). Selon vous cette société pérennise son avenir si le groupe Inéo gagne le marché. Rien ne dit que les concurrents d’Inéo (Véolia, Atalian ou Daher) ne feront pas appel aux sociétés appartenant à Griffe défense s’ils remportent le marché car, si j’ai bien compris, l’un des objectifs du gouvernement est aussi de préserver le tissu des PME françaises. Il ne s’agit donc pas de préserver les quelques sociétés appartenant à "Griffe défense", mais d’avoir une vision beaucoup plus large sur ce problème.
    Pour préserver le tissu des PME française, le critère de coût pour l’attribution du marché n’est pas le plus pertinent. Tout le monde sait qu’en Chine ou en Asie, à qualité équivalente, les coûts des vêtements sont inférieurs de l’ordre de 20%. L’intérêt d’un groupement pourrait être de faire fabriquer les grosses quantités dans les pays à bas coût (Chine par exemple), et de faire appel à quelques sociétés françaises pour conserver l’image du bon élève "made in France" pour les petites quantités.
    Cependant, si on prend en compte les frais engendrés par cette solution (impact à court terme sur l’emploi notamment), l’économie pour l’Etat n’est plus de 20%. Malheureusement l’Etat n’est pas capable de mener ce genre de calcul faute d’une approche globale de ses dépenses.

    • par JP Maeght , Le 25 janvier 2013 à 17:10

      Bonjour,

      D’abord, je vous remercie de votre intérêt envers cet article. Le propos ici développé est celui de l’intérêt de former des groupements de PME face à la concurrence étrangère, ou des stratégies d’alliance avec les grands groupes. Une stratégie concurrentielle loyale, donc, au regard du droit du commerce international. Ainsi, certains témoignages et retours d’expérience de dirigeants de PME, qui ont perçu l’intérêt stratégique de la coopération, voire de la "coopétition" illustrent bien le fait le principe selon lequel "l’union fait fait la force", dans une économie complètement décloisonnée. Pourtant, les PME se sentent encore souvent exclues des marchés publics.
      Par ailleurs, nous sommes parfaitement en accord lorsque vous écrivez que "le critère de coût pour l’attribution du marché n’est pas le plus pertinent". En revanche, je vous rejoins moins sur le point que vous développez lorsque vous écrivez que "l’intérêt d’un groupement pourrait être de faire fabriquer les grosses quantités dans les pays à bas coût". De nombreux bilans de relocalisation ont fait ressortir l’existence des "coûts cachés" d’une production à l’étranger. Prenez les exemples de Geneviève Lethu, Smoby, Unowhy, ou des skis Rossignol... C’est en tout cas le sens du "Programme de relocalisation" des entreprises industrielles que va lancer Arnaud Montebourg. Et je pense, contrairement à vous, que l’Etat a pris la mesure du phénomène. Mais c’est là un tout autre débat que nous pourrions développer encore longuement ! Entre l’adoption du principe et son application, s’immiscent souvent quelques tâtonnements néanmoins louables !

      Bien cdlt,
      JPM

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