Agent immobilier : pas d’indemnisation sans stipulation contractuelle.

Par Dominique Ducourtioux, Avocat.

2973 lectures 1re Parution: 1 commentaire 5  /5

Explorer : # rémunération # mandat # clause contractuelle # responsabilité contractuelle

Le mandant, qui refuse sans motif sérieux de signer une vente conforme aux prévisions du mandat le liant avec l’agent immobilier, ne respecte pas ses obligations.

Il prive l’agent immobilier de la commission à laquelle il pouvait s’attendre.

L’agent ne pourra toutefois pas être indemnisé sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle.

C’est ce qui ressort de l’arrêt du 28 juin 2012 de la 1ére chambre civile de la cour de cassation, reproduit ci-dessous.

-

En matière de transaction immobilière, l’agent réalise des prestations en contrepartie desquelles il a légitimement droit à une rémunération.

Cette rémunération, dénommée commission, est soumise aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970, plus précisément à l’article 6 : elle doit être déterminée expressement dans le mandat qui lie l’agent à son mandant, et elle n’est due que si la vente se réalise.

Toutefois, poursuit ce même article, "lorsqu’un mandat est assorti d’une clause d’exclusivité ou d’une clause pénale ou qu’il comporte une clause aux termes de laquelle une commission sera due par le mandant, même si l’opération est conclue sans les soins de l’intermédiaire, cette clause recevra application dans les conditions qui seront fixées par décret."

En d’autres termes, si la vente ne se réalise pas par la faute du mandant, ou si elle se réalise sans le concours de l’agent alors qu’il est stipulé qu’elle ne peut se faire sans lui, l’agent peut avoir droit à commission à la condition que cela soit formellement prévu dans le mandat.

En conclusion : en l’absence de prescription contractuelle, pas de rémunération pour l’agent.

L’agent peut-il néanmoins, en l’absence de telle clause, se fonder sur le droit commun de la responsabilité contractuelle pour obtenir des dommages et intérêts lorsque, du fait de la faute de son mandant, il est privé de la commission à laquelle il pouvait prétendre ?

Par un arrêt du 28 juin 2012, la première chambre civile de la Cour de cassation a tranché : la faute du mandant ne peut être sanctionnée qu’en vertu des stipulations du mandat. En l’absence des clauses mentionnées par l’article 6 de la loi, l’agent ne peut pas obtenir réparation.

Il est repris ci-dessous l’extrait de l’arrêt n° 768 , pourvoi 10-20.492, affaire Madame Olga X… / La société EGI le Palais Immobilier :

"Vu les articles 1er et 6, alinéa 3, de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 ;

Attendu que, selon le second de ces textes, aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif de commissions, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, n’est dû, sous réserve de l’hypothèse de la stipulation de la clause pénale que cette disposition autorise, aux personnes visées par le premier des articles susvisés ou ne peut être éxigé ou accepté par elles avant qu’une des opérations visées à cet article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties ; que le mandat d’entremise donné à l’une de ces personnes ne lui permet pas d’engager son mandant pour l’opération envisagée à moins qu’une clause de ce mandat ne l’y autorise expressément, de sorte que le refus du mandant de réaliser la vente avec une personne qui lui est présentée par son mandataire ne peut lui être imputé à faute pour justifier, en dehors des prévisions d’une clause pénale, sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, à moins qu’il ne soit établi que ce mandant a conclu l’opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre.

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X… a donné le 31 octobre 2005 à la société EGI, exerçant sous l’enseigne »Agence Palais Immobilier » un mandat non exclusif de vente, consenti pour une durée de trois mois, renouvelable par tacite reconduction, portant sur un appartement situé à Nice, le prix étant fixé à 170.000 euros, net vendeur, une commission de 6 % étant mise à la charge de l’acquéreur ; qu’elle a résilié ce mandat par lettre du 22 février 2006 ; que la société EGI l’a assignée en paiement d’une somme de 10.000 euros ;

Attendu que pour accueillir cette demande, la cour d’appel a retenu que si la société EGI ne pouvait réclamer de commission, auncun acte de vente authentique n’ayant été signé, elle avait respecté les termes du mandat en présentant à Mme X… des acquéreurs ayant accepté d’acheter le bien au prix fixé par le mandat tandis que celle-ci avait refusé sans motif sérieux de signer le compromis de vente, ce manquement à l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat devant être qualifié de fautif et justifiant l’octroi de dommages intérêts ;

Qu’en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser une faute imputable à Mme X…, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 mars 2010, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix en Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier."

De cet arrêt il ressort, que les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 et du décret du 20 juillet 1972, réglementant l’activité de négociation immobilière, excluent celles du droit commun de la responsabilité.
En cas de faute de son mandant le privant de sa commission, l’agent immobilier ne peut invoquer que ce qui est prévu contractuellement.

Ainsi à défaut de clause pénale, aucune réparation ne saurait lui être attribuée.

On ne peut toutefois qu’être surpris dans cette affaire, que le contrat de mandat n’ait pas stipulé de clause pénale conformément à l’article 78 du décret, sachant que les contrats types comportent tous une telle clause.

Dominique Ducourtioux Avocat.
Barreau de Strasbourg

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

23 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Commenter cet article

Discussion en cours :

  • par Alain P , Le 2 octobre 2019 à 18:26

    En marge de cet article, je me permets de vous soumettre un cas un peu particulier et je serais très attentif à vos commentaires :
    Une agence immobilière a consenti à mettre fin à un mandat de vente exclusif, pour que le bien, objet du contrat, puisse être vendu en direct, à un ami qui avait visité le bien avant qu’il soit sous mandat ;
    En contre-partie, la responsable de l’agence a exigé et obtenu le versement d’une somme à titre d’indemnité...
    Or d’une part, la vente n’a pas pu avoir lieu car l’ami en question n’a pas obtenu de prêt immobilier et d’autre part, le bien a été vendu ultérieurement par la même agence, dans le cadre d’un deuxième mandat signé dans la foulée ;
    Il faut noter qu’à cette occasion, l’agence a été rémunérée régulièrement en percevant la commission pleine et entière, prévue au contrat.
    Il semble bien qu’il y ait eu cumul et que rien ne justifie ni même n’autorise qu’il en soit ainsi... Mais je manque de bases légales pour l’affirmer.

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27886 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• [Dossier] Le mécanisme de la concurrence saine au sein des équipes.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs