Le 29 Juin 2010, la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a rendu un arrêt de rejet dans l’affaire qui oppose la Société Faurecia à la Société Oracle depuis 2000 au sujet de l’application d’une clause limitative de responsabilité en cas de faute prévue dans des contrats de licence, de support technique, de formation et de mise en œuvre portant sur la version V12 d’un progiciel de la Société Oracle.
Dans cette affaire, la Cour de cassation (Chambre commerciale) avait déjà été saisie sur l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 31 mars 2005. Celle-ci avait retenu l’application d’une clause limitative de responsabilité qui fixait un plafond d’indemnisation égal au montant du prix payé par le client au titre du contrat de licence.
Dans un arrêt rendu le 13 février 2007, la Cour de cassation cassait partiellement cet arrêt, considérant que la clause limitative de responsabilité devait être écartée du fait du manquement par Oracle à une obligation essentielle : l’absence de livraison de la version V12 du progiciel.
La Cour d’appel de renvoi (Paris), dans un arrêt rendu le 26 novembre 2008, relevait, pour sa part, que dans la mesure où Faurecia ne démontrait pas l’existence d’une faute lourde de l’éditeur Oracle, la clause limitative de responsabilité devait être appliquée. La Société Oracle était donc condamnée à indemniser la Société Faurecia dans la limite prévue par cette clause.
C’est dans ce contexte que la Cour de cassation a de nouveau été saisie sur un pourvoi de la Société Faurecia, cette dernière reprochant à la Cour d’appel de Paris d’avoir retenu l’application de la clause limitative de responsabilité. Elle reprochait, en outre, à la Cour d’appel d’avoir jugé que cette clause, qui fixait un plafond d’indemnisation égal au montant du prix payé par Faurecia au titre du contrat des licences, n’était pas dérisoire et n’avait pas pour effet de décharger, par avance, Oracle du manquement à une obligation essentielle lui incombant ou de vider de toute substance cette obligation.
La Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de Faurecia. Après avoir rappelé que seule était réputée non écrite la clause limitative de responsabilité qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur, elle a retenu la validité de la clause de l’espèce en relevant que le montant de l’indemnisation prévu dans ladite clause tenait compte de la répartition du risque et que dès lors, la limitation de responsabilité qui en résultait, n’était pas dérisoire.
Pour apprécier cette répartition des risques, la Cour de cassation a notamment relevé que la société Oracle avait consenti à Faurecia un taux de remise de 49% (ce qui est usuel, voire systématique dans ce genre de contrat), que le contrat prévoyait que la société Faurecia serait le principal représentant européen participant à un comité destiné à mener une étude globale afin de développer un produite Oracle pour le secteur automobile et bénéficierait d’un statut préférentiel lors de la définition des exigences nécessaires à une continuelle amélioration de la solution automobile d’Oracle pour la version V 12 d’Oracle applications. La Cour de cassation retient donc, qu’au-delà d’une simple licence de logiciel, les parties avaient envisagé un partenariat commercial et donc un risque partagé.
Au vu de ces éléments, la Cour de cassation a donc confirmé l’arrêt d’appel du 26 novembre 2008, considérant que la Cour d’appel de Paris avait justement déduit de ces éléments que la clause limitative de responsabilité ne vidait pas de toute substance l’obligation essentielle.
Cet arrêt de la Cour de cassation a en outre été l’occasion pour cette dernière de rappeler que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur. Elle a ainsi confirmé l’arrêt de la Cour d’appel, considérant que Faurecia n’avait pas rapporté la preuve d’une gravité telle qu’elle tiendrait en échec la clause limitative de responsabilité.
François-Pierre Lani
Avocat Associé au sein du cabinet Derriennic Associés
http://www.derriennic.com