Arrêt de travail pour maladie professionnelle et rupture du contrat de travail : quelles obligations pour l’employeur ?

Par Marion Moraly, Avocat.

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Explorer : # maladie professionnelle # licenciement # suspension du contrat de travail # visite médicale de reprise

Le code du travail et la jurisprudence prévoient de nombreuses obligations à la charge de l’employeur en cas d’absence pour maladie d’un salarié et plus particulièrement en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle.

Ces obligations s’inscrivent dans un contexte jurisprudentiel et législatif toujours plus sévère envers les employeurs.

La loi du 17 août 2015, dite loi Rebsamen tente toutefois d’assouplir la procédure de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle.

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La situation du salarié pendant l’arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle

Le contrat de travail du salarié absent pour maladie est suspendu pendant l’arrêt de travail.

Le salarié continue toutefois à faire partie de l’entreprise et ne peut être victime de discrimination en raison de son état de santé. Il bénéficie d’une protection particulière contre le licenciement pendant toute la durée de son arrêt de travail.

En principe, au cours des périodes de suspension du contrat de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie d’une faute grave ou de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’état de santé du salarié.

Le licenciement d’un salarié absent pour maladie professionnelle en raison de l’impossibilité de maintenir son contrat est un exercice périlleux, ce motif étant très rarement retenu par les juges.

La Cour de cassation considère notamment que l’existence d’une cause économique de licenciement ne suffit pas à justifier l’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat de travail d’un salarié victime d’un accident du travail (Cassation sociale, 25 septembre 2013, n°12-15.348).

Elle a également expressément écarté la possibilité d’invoquer le trouble résultant de l’absence du salarié comme motif de licenciement pendant un arrêt pour accident du travail (Cassation sociale, 23 mars 2004 n°01-46.007).

En revanche, la Cour de cassation a indiqué qu’il était tout à fait possible de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié victime d’un accident du travail (Cassation sociale, 30 septembre 2014, n°13-16.297).

Ce mode de rupture semble donc être la solution à privilégier même si l’employeur doit s’interroger sur la possibilité pour le salarié de remettre en cause par la suite la validité de cette rupture en indiquant qu’il n’était pas en mesure de donner un consentement libre et éclairé du fait de son état de santé.

La remise en cause de la rupture conventionnelle pour vice du consentement semble d’autant plus plausible dans le cadre d’un arrêt de travail pour un état dépressif du salarié ou de burn-out de plus en plus fréquent.

La situation à l’issue de l’arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle

En dehors des cas ci-dessus (faute grave, impossibilité de maintenir le contrat et rupture conventionnelle), la rupture du contrat de travail ne peut être envisagée qu’à l’issue de l’arrêt de travail.

C’est à ce moment-là que l’employeur doit être le plus vigilent.

  • Le code du travail impose à l’employeur d’organiser une visite médicale de reprise auprès de la médecine du travail dans certaines hypothèses.

Selon l’article R. 4624-22 du code du travail, le salarié doit bénéficier d’un examen de reprise par le médecin du travail après un congé maternité, une absence pour cause de maladie professionnelle (quel que soit la durée de l’arrêt), une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.

L’organisation de cette visite incombe à l’employeur.

Il s’agit d’une étape primordiale dans la mesure où, à l’issue de l’arrêt de travail, le contrat de travail reste suspendu tant que le salarié n’a pas passé cette visite de reprise auprès du médecin du travail. Le salarié ne peut alors valablement ni reprendre son travail, ni être licencié ou sanctionné.

La Cour de cassation a récemment indiqué que le classement du salarié, absent pour maladie, en invalidité de 2ème catégorie n’a aucune incidence et que seule la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail (Cassation sociale, 6 octobre 2015, n°13-26.052).

L’employeur qui a manqué à son obligation s’expose à une demande de nullité du licenciement ouvrant droit au salarié à une indemnité dont le montant est au moins égale à 12 mois de salaire, ou encore une demande de prise d’acte de la rupture aux torts exclusifs de l’employeur ouvrant droit à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

  • La visite médicale de reprise a pour objet de déterminer si le salarié est apte ou non à reprendre son poste.

Seul le médecin du travail est habilité à effectuer ce type de visite. Il peut à cette occasion formuler trois types d’appréciation :

-  Aptitude au poste : le salarié peut reprendre son poste sans restriction.

-  Aptitude avec réserves  : le médecin du travail formule des prescriptions, aménagements de poste que l’employeur et le salarié doivent de mettre en place. Le cas échéant, il appartient à l’employeur de justifier de son impossibilité de se conformer aux prescriptions du médecin du travail.

-  Inaptitude totale et définitive  : le salarié devra être convoqué à un nouvel examen (15 jours après le 1er examen). Ce n’est qu’à cette occasion que le médecin du travail pourra définitivement statuer sur l’aptitude du salarié.

Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu’un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l’inaptitude peut être déclarée en un seul examen (Code du travail article R.4624-31).

L’appréciation de la notion de danger immédiat appartient au médecin du travail. Il s’agit d’une décision expresse de sa part. L’employeur et le salarié ne peuvent se prévaloir d’une telle situation pour tenter d’échapper à l’organisation du second examen si le médecin du travail n’en a pas fait mention.

  • Lorsqu’à l’issue du second examen, l’inaptitude du salarié est confirmée, l’employeur peut procéder à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement après avoir épuisé toutes les recherches de reclassement.

La réalité et l’étendue des recherches de reclassement donnent lieu à de nombreuses contestations. L’employeur doit donc respecter toutes les étapes de la procédure s’il veut écarter les risques contentieux.

L’employeur est notamment tenu d’interroger le médecin du travail, par écrit, sur les aménagements de poste qui seraient susceptibles de permettre l’adaptation de l’emploi ou le reclassement du salarié.

Il doit également consulter les délégués du personnel sur les recherches de reclassement effectuées. Le défaut de cette consultation est sanctionné par l’indemnité prévue à l’article L. 1226-15 du code du travail, égale à au moins 12 mois de salaire (Cassation sociale, 7 mai 1997, n°94-41.697).

Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement. Il ne s’agit pas de la lettre de licenciement mais bien d’une information préalable. Le salarié devra ensuite être convoqué à un entretien préalable et se voir notifier son licenciement selon les règles prescrites en matière de licenciement pour motif personnel.

Des règles particulières en ce qui concerne l’indemnité de licenciement et de préavis sont néanmoins applicables en cas d’inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Si l’employeur doit tout mettre en œuvre pour tenter de reclasser le salarié (aménagements de poste, transformation…), qu’en est-il lorsque le salarié est déclaré inapte à tout poste dans l’entreprise ?

Un tel avis semble indiquer qu’aucune proposition de reclassement de l’employeur ne pourra permettre la reprise du travail dans l’entreprise. La recherche étant vouée à l’échec, de nombreux employeurs procèdent directement au licenciement en faisant l’économie d’une recherche de reclassement.

Or, la Cour de cassation considère que l’employeur ne peut en aucun cas conclure lui-même à l’impossibilité de reclasser le salarié.

Il doit, même en cas d’inaptitude à tout poste dans l’entreprise, effectuer des recherches, interroger le médecin sur les possibilités de reclassement envisageables dans l’entreprise et consulter les délégués du personnel pour satisfaire à son obligation.

Face à cette situation ubuesque, le législateur a adopté de nouvelles dispositions (Loi n°2015-994 du 17 août 2015, dite loi Rebsamen).

La nouvelle rédaction de l’article L. 1226-12 du code du travail permet à l’employeur de rompre le contrat de travail du salarié lorsque le médecin du travail aura mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.

L’employeur est donc, dans cette hypothèse, dispensé de recherches de reclassement. Il s’agit d’un gain de temps précieux, aussi bien pour le salarié que l’employeur.

Cette tentative de simplification n’est toutefois pas complétement aboutie.

Il ressort tout d’abord du texte comme de ses commentaires que l’employeur ne pourra se prévaloir de ces dispositions que si l’avis du médecin du travail est clairement rédigé selon les dispositions susvisées. Son application effective est donc subordonnée à la rigueur de rédaction des médecins du travail qu’on sait déjà plus que débordés.

L’oubli d’un mot ou la seule référence à l’article L. 1226-12 du code du travail sans en reprendre expressément le contenu pourrait suffire à écarter l’application de ces dispositions. Le licenciement sans recherches de reclassement préalables serait alors jugé nul en cas de contestation par le salarié.

Par ailleurs, la consultation des délégués du personnel demeure. Se pose alors la question du contenu de cette consultation qui doit en principe porter sur les recherches de reclassement, recherches qui seront par essence inexistantes dans ce cas précis.

Quid de la portée d’un tel avis lorsque l’entreprise appartient à un groupe. L’employeur devra-t-il dans ce cas étendre ses recherches aux sociétés du groupe ?

On sait déjà que la Cour de cassation considère que la recherche de reclassement doit s’apprécier à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel (Cassation sociale, 16 novembre 2011, n°10-19.518).

Tout laisse penser que cette position sera reconduite sous l’empire des nouvelles dispositions.

En outre, le nouveau texte ne couvre pas toutes les situations dans la mesure où à ce jour aucune disposition similaire n’est prévue en cas de maladie d’origine non professionnelle. L’employeur reste donc tenu dans cette hypothèse d’effectuer des recherches de reclassement même lorsque le salarié est déclaré inapte à tout poste dans l’entreprise.

Si le législateur tente d’assouplir la procédure de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, la protection du salarié pendant la période de suspension du contrat de travail demeure et nourrit un important contentieux prud’homal.

Marion Moraly, Avocat au barreau de Lyon

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 22 janvier 2021 à 21:44
    par Domgermain Pierre , Le 8 novembre 2015 à 11:04

    Merci pour tous ses renseignements utiles

    • par Marie , Le 17 août 2016 à 19:20

      Bonjour,

      Quel est le fondement (quel article du code du travail ou qu’elle jurisprudence...)de l affirmation selon laquelle un licenciement pendant un arrêt suite à accident du travail est sanctionné de nullité et de dommages et intérêts ne pouvant pas être inférieurs à 12 mois de salaire (nets ou bruts ?)
      merci

    • par Marie , Le 6 juillet 2017 à 22:04

      Bonjour,

      Un employeur peut t il rompre un contrat conventionnel dû à un déménagement à l étranger tout en sachant que le salarié est en arrêt maladie professionnelle reconnu par la CPAM inscrit dans le tableau ?
      Payé par CESU
      Merci de votre réponse

    • par agbeko , Le 25 mai 2018 à 19:38

      je suis en arrêt de travail pour maladie professionnelle mon employeur me propose de signer une lettre de rupture conventionnelle. j’ai 59 ans je veux savoir mes droits.

    • par elsa , Le 1er mai 2019 à 13:42

      Bonjour,

      nous sommes employeur d’une nounou à domicile en arrêt depuis le 18*12*2018 nous avons donc du trouver une solution de garde pour notre fils.
      La nounou a fait une demande de maladie professionnelle mais nous n’avons pas reçu de la part de la sécurité sociale le résultat de l’étude de son dossier.
      La municipalité nous a trouvé un contrat de 4 mois à partir du 1*04*2019 jusqu’à sa scolarisation. Nous aimerions donc savoir si nous pouvons licencier notre garde à domicile pour changement de situation ou suppression du poste, puisque nous avons un contrat de 14 mois avec la crèche puis notre fils rentre à l’école en septembre 2019.

      Nous sommes vraiment ennuyés par cette situation d’autant que la nounou qui avait été parfaite jusqu’alors ne réponds plus à nos appels, donc la rupture conventionnelle n’est pas à envisager.

      merci beaucoup de votre aide
      cordialement,

    • par Langrand , Le 22 janvier 2021 à 21:44

      Bonjour , mon employeur veut me proposer une rupture conventionnelle suite a une maladie professionnel dans son entreprise , il m a fait faire un essai sur un autre poste qui n a pas ete concluant dans un autre de ses sites , et je viens d apprendre que le site ou j ai fais l essai est a vendre , est il dans ses droits ? Et quels sont les miens , cordialement Mme L

  • par GUENET VALERIE , Le 3 mai 2019 à 13:44

    Bonjour,

    Je souhaite avoir des précisions j’ai été mise en inaptitude par le medecin du travail le 22 mars 2019.
    J’ai eu courrier de ma RH et mon entretien prélable de licenciement suite reclassement impossible au sein de l’entreprise et du groupe.
    Le 19/04 j’ai reçu la notification de mon licenciement.
    Depuis je n’ai aucune nouvelle, ni solde de tout compte ni document,ni certificat de travail, ni attestation de salaire. Le courrier du 19/04/2019 indiquant que ma RH doit prendre contact avec moi au plus vite.

    question : est ce que mon employeur peut me licencier le 19/04/2019 sachant que mon arret maladie était jusqu’au 26042019 inclus.
    Le 30/04/2019 j’ai reçu mon bulletin de salaire qui est en négatif.
    Le 02/05/2019 je leur ai adressé une mise en demeure en Ar leur laissant jusqu’au 06/05/2019 dernier délai. Que dois-je faire si mon employeur ne réagit pas à cette date butoire ?

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