La géolocalisation des salariés à nouveau encadrée.

Par Marion Moraly, Avocat

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Explorer : # géolocalisation # vie privée # cnil # surveillance des salariés

La géolocalisation est un dispositif technique permettant de déterminer, en temps réel, la position géographique du salarié par la localisation de son véhicule. Si cette pratique séduit de plus en plus d’employeurs, la CNIL et la Cour de cassation ne manquent pas de rappeler régulièrement qu’une telle pratique doit être encadrée.
La CNIL vient notamment de poser, dans une délibération du 6 juin 2015, une interdiction globale de collecter des données en dehors du temps de travail (CNIL délibération n°2015-165 du 4 juin 2015).

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Sur les conditions d’installation d’un système de géolocalisation dans l’entreprise

La loi et la CNIL ont fixé un certain nombre de principes généraux à respecter dans la mise en place du dispositif.

La géolocalisation doit en premier lieu respecter toutes les règles prescrites en matière de contrôle des salariés. En application du principe prévu à l’article L. 1121-1 du Code du travail, selon lequel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché », la mise sous surveillance des salariés ne doit pas être disproportionnée face à l’intérêt de l’entreprise et aux missions du salarié.

La finalité du dispositif doit notamment être préalablement définie et déclarée. La CNIL estime que la mise en œuvre d’un tel dispositif n’est admissible que dans le cadre des finalités suivantes :

  • le respect des règles d’utilisation du véhicule. Ce nouveau cas de recours reste vague dans la mesure où les infractions éventuelles au Code de la route commises par le salarié, et notamment le dépassement des limitations de vitesse, ne peuvent être identifiées par l’employeur au moyen du dispositif de géolocalisation.
  • la sûreté ou la sécurité de l’employé lui-même, des marchandises ou du véhicule dont il a la charge. Il s’agit notamment des travailleurs isolés ou transportant des marchandises dangereuses ou de valeurs…
    Dans sa délibération du 4 juin 2015, la CNIL a précisé que la mise en place de la géolocalisation pouvait être justifiée par la lutte contre le vol de véhicule.
  • une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés. Il s’agit notamment des interventions d’urgence, des chauffeurs de taxis ou des flottes de dépannage.
    La CNIL a également précisé que la géolocalisation pouvait servir à justifier de la réalisation d’une prestation auprès d’un client ou d’un donneur d’ordre.
  • le suivi et la facturation d’une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d’une prestation de services directement liée à l’utilisation du véhicule. Tel est le cas des taxis ou encore des moniteurs d’auto-école.
  • le suivi du temps de travail. Ce cas de recours est très encadré par la CNIL et la Cour de cassation. Il ne peut être mis en œuvre que lorsque le contrôle du temps de travail n’est pas possible par un autre moyen.
    L’utilisation d’un système de géolocalisation est par ailleurs exclue lorsqu’un employé dispose d’une liberté dans l’organisation de ses déplacements comme l’a rappelé la Cour de cassation à propos d’un vendeur affecté à la prospection de plusieurs départements et dont le contrat de travail prévoyait qu’il était libre de s’organiser, à charge pour lui de respecter le programme fixé et de rédiger un compte rendu journalier précis et détaillé de son activité (Cassation sociale, 3 novembre 2011, n°10-18.036).

En tout état de cause, la géolocalisation ne doit pas conduire à un contrôle permanent de l’activité du salarié (filature). Les données récoltées ne peuvent être utilisées à des fins disciplinaires.

La CNIL a précisé qu’il n’était pas possible de collecter des informations en dehors du temps de travail qu’il s’agisse du trajet domicile-lieu de travail ou des temps de pauses du salarié qui doit en tout état de cause avoir la possibilité de désactiver le système. Il n’en demeure pas moins que le salarié devra en justifier auprès de sa direction si la déconnexion intervient pendant le temps de travail. Une sanction semble néanmoins exclue.

Enfin, il faut rappeler que les salariés protégés ne doivent pas être l’objet d’une opération de géolocalisation lorsqu’ils agissent dans le cadre de l’exercice de leur mandat (heures de délégation).

Procédure de mise en place de la géolocalisation

Les représentants du personnel doivent être préalablement informés et consultés sur la mise en place d’un tel dispositif (CE, CHSCT et à défaut les DP). La finalité du dispositif, les salariés concernés ainsi que toutes les informations relatives à la collecte et au traitement des données doivent être fournies aux représentants du personnel.

L’employeur doit ensuite procéder à une déclaration en ligne auprès de la CNIL.

Une fois cette déclaration effectuée, les salariés concernés doivent être informés collectivement (par affichage) et individuellement de la mise en place de ce dispositif.
L’information des salariés doit être la plus précise possible et dénuée de toute ambiguïté afin de pouvoir se prévaloir des données.

Le non-respect de ces formalités rende inopposables les informations collectées.

Sur la collecte et le traitement des données

En principe, la collecte et le traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui sont recueilles de manière loyale et licite pour des finalités déterminées.

Les données doivent être conservées pendant une durée qui n’excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées. Le responsable d’un traitement, avant de transmettre des données à un organisme, doit opérer un tri parmi ces dernières pour veiller à ce que le destinataire accède aux seules données adéquates, pertinentes et non excessives au regard de la justification de la communication. Il est tenu de prendre toutes les précautions utiles pour préserver la sécurité des données et notamment empêcher qu’elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès.

La CNIL recommande que les données soient conservées pendant 2 mois. Cette durée peut être portée à un an dans plusieurs cas (nécessité à des fins de preuve de l’exécution d’une prestation, historique des tournées à des fin d’optimisation des tournées). Elle recommande d’ailleurs d’établir un mode et des durées d’archivage différents selon la nature des données collectées (Délibérationn°2005-213 du 11 octobre 2005).

Il est certain que la mise en place de la géolocalisation des salariés et l’utilisation de ses données est complexe. Il s’agit donc d’un dispositif coûteux qui ne peut pas être utilisé de manière arbitraire par l’employeur.

Marion Moraly, Avocat au barreau de Lyon

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Discussions en cours :

  • par Boutet , Le 24 décembre 2017 à 14:57

    Bonjour,
    je suis actuellement dans une très grosse entreprise de BTP qui utilise le système de géolocalisation des véhicules de sa société, l’employeur à fait sa déclaration au CNIL et il m’a bien informer du dispositif en place comme prévu.

    En revanche je n’ai aucun moyen de désactivé/activé la géolocalisation afin de pouvoir protégé ma vie privée, lors de mes temps de pause et à la fin de mon temps de travail de la journée.

    j’aimerai donc savoir si il ont le droit de ne pas me donner la possibilité de pouvoir activé/désactivé la géolocalisation.

    et si il n’ont pas le droit de me le refuser quelles peuvent être les recours que je peut mettre en place et quelle sanction l’entreprise peut avoir du CNIL ?

  • par Philippe manicord , Le 16 juin 2017 à 06:16

    merci maître pour vos explications qui sont très instructives et clair

  • par Cédric , Le 8 septembre 2016 à 09:25

    Bonjour.

    Un système de géolocalisation va être installé sur nos voiture de société. Après lecture de votre article je constate que l’employeur doit consulter et informer les représentants du personnels, seulement dans notre société nous en avons pas. Mon employeur est il dans la légalité ?

    Merci

  • par Patrick MALDIDIER , Le 2 juillet 2015 à 06:40

    Très intéressant article, mais aujourd’hui le contrôle permanent des salariés est devenu une réalité et il est particulièrement difficile d’appréhender la frontière entre exécution du contrat de travail et l’état de subordination du salarié et sa vie privé, car la jurisprudence l’a rappelé à plusieurs reprises celui-ci ne doit pas porter atteinte à l’image de l’entreprise même en dehors du temps de travail et du lieu de travail. Pour ma part l’article L1121-1 du Code du Travail reste bien abstrait. Lorsque le salarié est licencié pour faute (grave) le Conseil de Prud’hommes requalifie le plus souvent en cause réelle et sérieuse, alors que la liberté individuelle a été sciemment violée.
    Patrick MALDIDIER Délégué Syndical et conseiller au CPH de Meaux

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