Investisseurs professionnels et non professionnels
Il s’agit là de deux catégories bien différentes de partenaires d’entrepreneur.
Les structures professionnelles d’investissement privé ont vocation, au-delà de l’aspect purement financier, à partager leur expertise et leur savoir-faire avec le chef d’entreprise, mais leur intervention est limitée à des entreprises limitativement ciblées en fonction de critères prédéterminées (taille de l’entreprise, situation géographique, secteur d’activité etc.).
Pour les partenaires non professionnels, qu’il s’agisse de proches, de membres de la famille du repreneur ou de connaissances, l’intervention au capital d’entreprises est plutôt guidée par la proximité avec le chef d’entreprise. Elle s’est très largement développée avec l’adoption de réductions fiscales en cas d’investissement dans une PME.
Bien entendu les contraintes sont radicalement différentes.
Dans tous les cas, l’intervention d’associés extérieurs doit être mûrement réfléchie, même si elle apporte beaucoup d’avantages.
Les dispositifs de réduction d’impôts pour investissements dans une PME
L’idée du législateur est simple : en apportant des fonds au capital d’une petite ou moyenne entreprise non cotée, il est possible de bénéficier de réductions d’impôt sur le revenu (IRPP) ou d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Ce sont ces dispositifs qui ont fortement développé l’investissement non professionnel.
En ce qui concerne la réduction d’impôt sur le revenu, il est offert à tout contribuable (1) une réduction d’impôt égale à 25% du montant des sommes investies au capital d’une PME. Il peut s’agir d’un investissement par apport au capital lors de la constitution de la société, ou en cours de vie sociale, au moyen d’une augmentation de capital.
Cet investissement, pour ouvrir droit à la réduction d’impôt, ne peut toutefois bénéficier qu’à une entreprise non cotée, assujettie à l’impôt sur les sociétés, répondant à la définition de PME communautaire et poursuivant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Cette réduction fait l’objet de deux plafonds. En effet, par principe, les montants pris en compte annuellement sont plafonnés à 20.000 € pour un contribuable seul, et à 40.000 € pour un couple. Cela signifie que la réduction annuelle d’impôt peut atteindre au maximum un quart de ces montants, soit 5.000 € de réduction pour une personne seule et 10.000 € de réduction pour un couple.
Cependant, même si cette réduction est plafonnée, les versements effectués au titre d’une année donnée et qui excèderait ces limites permettraient quand même d’être reportés sur les quatre années suivantes.
Un exemple tiré de la doctrine administrative suffit à se convaincre de l’importance de cette règle : un contribuable marié participe en 2009 à une augmentation de capital pour un montant de 190 000 €. Il bénéficiera d’une réduction d’impôt sur le revenu au titre de l’année 2009 sur la base de 40 000 € (limite annuelle pour un couple), soit 10.000 € de réduction d’impôt.
La fraction excédentaire, soit 150.000 €, fera l’objet d’un report sur les quatre années suivantes. Il bénéficiera ainsi, pour chacune de ces quatre années suivantes, d’une réduction d’impôt sur le revenu : 10.000 € de réduction par an en 2010, 2011, 2012, puis 7.500 € pour 2013.
Un second plafond a été récemment adopté (2) pour prendre en compte un investissement à hauteur de 50.000 € pour une personne seule (soit une réduction d’impôt de 12.500 €) et 100.000 € pour un couple (soit une réduction d’impôt de 25.000 €). Si ce second plafond apparaît bien plus intéressant, il n’a vocation à s’appliquer qu’à certaines sociétés.
Schématiquement, on retiendra qu’il ne s’applique qu’aux sociétés de moins de 5 ans, en phase de démarrage ou de développement. Par ailleurs, la réduction possible qui excèderait l’impôt dû au titre d’une année ne pourra pas être reportée les années suivantes.
Dans chacun des cas, le contribuable doit s’engager à conserver pendant une durée de cinq ans (jusqu’au 31 décembre de la cinquième année qui suit le versement) les titres sociaux reçus en échange. A défaut de respecter cette obligation de conservation, la réduction d’impôt est immédiatement remise en cause. Le contribuable pourra toutefois consentir à la donation de ses titres en reportant l’obligation de conservation sur les donataires, sans perdre le bénéfice de sa réduction.
En ce qui concerne la réduction d’ISF, participer à un apport ou à une augmentation de capital permet à un contribuable de déduire du montant de l’impôt sur la fortune jusqu’à 75% des sommes investies au capital de sociétés (3). Cela sous entend, bien sûr, que le contribuable soit assujetti à cet impôt, ou qu’il n’en soit pas exempté (en raison notamment de la détention de biens professionnels qui représenteraient la partie la plus importante de son patrimoine).
Globalement, les conditions à respecter sont presque identiques aux précédentes. Les critères liés à la société objet de l’investissement sont quasiment les mêmes, et le contribuable est également tenu à une obligation de conservation pendant cinq ans.
La limite de réduction ne peut toutefois excéder 50.000 € par an. Cela signifie donc que la réduction annuelle maximale est atteinte pour un apport de 66.667 € au capital d’une entreprise.
Dans chacun de ces dispositifs, il faut quand même prendre garde à ne pas contrevenir à la réglementation des aides de l’Etat aux PME. En effet, l’octroi de des réductions d’impôts par l’Etat français a pu être considéré par Bruxelles comme constituant une aide déguisée aux entreprises. Les dernières prises de position administratives sont assez claires sur ce problème et les professionnels (experts-comptables, notaires etc.) n’auront aucune difficulté à sécuriser l’opération d’augmentation de fonds propres.
Outre le bénéfice d’une réduction d’impôt, les titres perçus en échange de l’apport au capital n’entreront pas, les années suivantes, dans l’assiette de l’ISF (4).
Notons enfin que les versements pris en compte sont ceux effectués entre le 16 juin et le 15 juin de l’année suivante. Autrement dit, pour l’ISF 2009, il est possible de bénéficier de la réduction si l’investissement intervient au plus tard le 15 juin 2009.
Nous insisterons sur l’intérêt extraordinaire de ce dernier dispositif pour le financement de nos PME. En effet, le risque pris par l’investisseur est largement réduit du fait du montant de la réduction accordé. Un investissement de 100.000 euros bénéficiera, sur deux exercices fiscaux, de 75.000 euros de réduction d’impôt sur la fortune.
Ainsi, s’il revend ses titres cinq années plus tard pour un prix de 50.000 euros (soit deux fois moins que la "valeur" d’entrée), il doublera sa mise puisque les 100.000 euros de départ ne lui ont réellement "couté" que 25.000 euros.
L’opération financière devient alors extrêmement rentable tant pour l’investisseur que pour l’entreprise.
Les PME doivent se saisir de cette formidable opportunité et s’entourer rapidement des conseils qui leur permettront de trouver les investisseurs et de sécuriser les opérations d’entrée au capital, de détention des titres, et, bien entendu, de sortie à l’issue de la période minimale de conservation.
Quelles sont les implications de ce type de financement ?
Qu’il soit professionnel ou non, l’investisseur aura, en qualité d’associé, des droits dans la société. En contrepartie des actions ou des parts de société qu’il reçoit, il bénéficiera principalement d’un droit de regard sur les affaires de la société et d’un droit de vote dans les assemblées statuant sur la conduite de l’entreprise et l’approbation des comptes. En fonction de son importance dans le capital, son accord pour certaines opérations sera peut-être déterminant.
Sur le plan financier, la caractéristique principale sera d’avoir droit à une quote-part des bénéfices réalisés par la société.
Par principe, l’importance des droits d’un associé est proportionnelle à la quote-part du capital qu’il détient. Mais attention, il est possible de limiter, si bien entendu cela est possible, sa quote-part dans le capital, le surplus des fonds à investir faisant l’objet d’une émission d’obligations ou de l’alimentation d’un compte courant d’associé (l’investisseur « prête » des fonds la société, sans que ceux-ci ne soient apportés au capital social).
Ces conséquences juridiques et corrélativement, la perte du contrôle de la société effraient souvent les repreneurs qui voient là une perte directe d’indépendance. Toute la difficulté sera de « doser » ce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas pour le chef d’entreprise.
Il ne faut pas oublier, de surcroît, qu’on ne peut mettre fin, quand on le souhaite, à la participation de l’investisseur dans la société. Sauf certaines hypothèses strictement encadrées, un associé ne peut être « chassé » au simple souhait du dirigeant, fût-ce t-il associé majoritaire.
Comment limiter les contraintes ?
Une prise de participation capitalistique entraîne en principe toujours l’octroi de droits de vote et de droits financiers. A défaut, l’investissement s’analyse en un prêt. Cependant, il est possible, grâce à la mise en place d’une ingénierie juridique et financière, d’encadrer l’exercice des droits (financiers ou politiques) et de prévenir les conflits ou blocages éventuels.
Les statuts de la société, tout d’abord, peuvent faire l’objet de modifications pour amender les prérogatives des uns et des autres par la mise en place, par exemple, de règles de majorité renforcées ou la création de droits sociaux particuliers (droit de vote plural, dividende prioritaire etc.). Il est ainsi possible de limiter ou d’augmenter les droits et les obligations attachés aux actions ou à l’actionnaire, mais également prévoir les règles de sortie d’associés en cas de difficultés.
Ensuite, il est possible, dans le cadre de pactes d’associés, de donner des orientations au partenariat pour l’exercice des droits que chacun tient des statuts et d’apporter des précisions sur les modalités de sortie de l’investisseur financier par la mise en œuvre de clauses adaptées : promesse de cessions ou d’achat à des délai et prix fixés par avance, sortie forcée, sortie conjointe, droit de préemption etc.
Il est enfin possible pour l’associé majoritaire de « louer » les parts ou actions des autres associés moyennant le versement d’un loyer. Cette formule peut s’avérer très attractive dans le cadre d’investissements non professionnels puisqu’elle permet de laisser les droits financiers et politiques au locataire des parts (le chef d’entreprise), à charge pour lui de verser un loyer fixe ou variable au propriétaire bailleur (l’investisseur). Cependant elle implique certaines conséquences fiscales qu’il est impératif d’étudier au préalable5.
Comme en toute matière, une bonne réflexion initiée en amont et l’assistance des conseils habituels de l’entrepreneur permettent d’organiser le tour de table de la meilleure manière pour l’entrepreneur et pour l’entreprise, en équilibrant avantages et contraintes.
CE QU’IL FAUT RETENIR
L’investissement non professionnel de fonds aux capitaux des PME est largement favorisé par des dispositifs de réductions d’impôt.
L’intervention de capitaux privés dans l’entreprise peut éventuellement entraîner une perte d’indépendance ou de marge de manœuvres pour le dirigeant. Les inconvénients doivent être clairement appréhendés avant l’opération.
Une bonne préparation des statuts et la conclusion de pactes d’associés peuvent permettre de limiter les difficultés et contraintes.
(1) Article 199 terdecies-0 A du Code général des impôts.
(2) Loi de finances rectificative pour 2008 n°2008-1443 du 30 décembre 2008.
(3) Article 885-0 V Bis du Code général des impôts.
(4) Article 885 I ter du Code général des impôts.
Article paru dans le supplément transmission de La Gazette du Nord-Pas-de-Calais (www.gazettenpdc.fr) le 30 avril 2009