Convention collective SYNTEC : nécessité pour l’employeur de conclure un accord d’entreprise pour recourir valablement au forfait-jours.

Par Frédéric Chhum, Avocat et Camille Colombo, Elève-Avocat.

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Explorer : # forfait jours # accord d'entreprise # protection des salariés # convention collective

Dans un arrêt du 24 avril 2013 (n°11-28398), la Cour de cassation a décidé que les dispositions de la convention collective nationale SYNTEC, ainsi que l’accord national de branche du 22 juin 1999 sur la durée du travail, ne contenaient pas les garanties suffisantes pour permettre aux employeurs de la branche de recourir aux forfaits-jours, et que ces dispositions devaient être nécessairement complétées par un accord d’entreprise.

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I) Les conditions obligatoires pour recourir aux forfait-jours

A) Une convention individuelle écrite

La conclusion d’une convention individuelle de forfait-jours requiert l’accord du salarié et doit être établie par écrit.

Cette condition obligatoire a récemment été rappelée par la Cour de cassation (Cass.soc. 13 février 2013, n°11-27826).

B) Autorisation du recours au forfait-jours par un accord collectif d’entreprise, une convention collective ou un accord de branche

Pour employer un salarié sous forfait-jours, il est nécessaire qu’un accord collectif d’entreprise, que la convention collective applicable dans l’entreprise ou un accord de branche le prévoit expressément (art. L. 3121-39 du Code du travail).

C) L’accord ou la convention prévoyant le recours aux forfaits-jours doit garantir la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis aux forfait-jours

Depuis deux arrêts remarqués des 29 juin 2011 (n°09-71107) et du 26 septembre 2012 (n°11-14540), la Cour de cassation contrôle la validité des conventions de forfait-jours au regard des garanties offertes par les conventions et accords collectifs qui les instaurent. Ainsi, la Haute Juridiction refuse de valider les conventions de forfait-jours relevant de conventions ou d’accords collectifs se bornant à mettre en place une protection de principe des salariés au forfait-jours, sans en garantir l’effectivité.

En effet, la convention ou l’accord collectif doit assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait-jours.

L’accord doit notamment garantir le respect des durées maximales de travail, ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

Il détermine notamment :

• le nombre de jours travaillés ;

• les modalités de décompte des journées ou demi-journées travaillées, les modalités de prise des journées ou demi-journées de repos, les règles sur le repos quotidien, hebdomadaire ;

• les modalités de suivi régulier de l’organisation du travail, l’amplitude des journées de travail et la charge de travail en résultant.

Ces modalités doivent obligatoirement être fixées par la convention ou l’accord collectif applicable dans l’entreprise ; en cas de défaillance, la convention de forfait-jours sera privée d’effet, et les salariés pourront réclamer le paiement des heures supplémentaires qu’ils seront en mesure d’établir.

Il faut également noter qu’un entretien individuel régulier doit être organisé par l’employeur. Il porte sur leur charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur leur rémunération (art. L. 3121-46 du Code du travail).

Cet entretien ne doit pas être confondu avec l’entretien annuel d’évaluation.

En outre, dans l’arrêt du 26 septembre 2012 précité, la Cour de cassation a jugé à cet égard qu’un entretien trimestriel de la charge de travail, résultant du forfait-jours, était insuffisant.

II) La sécurisation des conventions de forfait-jours par accord d’entreprise : une nouvelle condition ?

Dans l’arrêt du 24 avril 2013, la Cour de cassation a jugé que la Convention collective nationale SYNTEC ne répondait pas aux exigences relatives à la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis aux forfaits-jours précitées, et qu’elle ne pouvait donc pas servir de seul fondement juridique à la conclusion de conventions individuelles de forfaits-jours.

Par conséquent, elle a déclaré que pour recourir valablement aux forfaits-jours, les entreprises de la branche SYNTEC devaient conclure un accord d’entreprise comportant les garanties exigées par la jurisprudence, ceci à peine de nullité des conventions individuelles de forfait.

Or, beaucoup d’entreprises ont appliqué l’accord national de branche du 22 juin 1999 directement.

En conclusion, en répercussion de cette jurisprudence, les entreprises relevant de la Convention collective nationale SYNTEC recourant aux forfaits-jours devront s’assurer de la conformité de leur accord d’entreprise aux dispositions jurisprudentielles. A défaut, elles devront conclure un accord d’entreprise adéquat, au risque de se voir multiplier les actions prud’homales en paiement d’heures supplémentaires…

Enfin, il y a fort à parier que cette jurisprudence soit rapidement utilisée à l’encontre d’autres conventions et accords collectifs, jugés insuffisamment protecteurs.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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  • par remy_poulain , Le 10 mai 2017 à 13:45

    Bonjour,

    L’article L. 3121-46 du CdT indique " Par dérogation à l’article L. 3121-45, dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l’employeur peut mettre en place une répartition de la durée du travail sur plusieurs semaines."

    Cela n’a donc rien à voir avec un "entretien individuel régulier doit être organisé par l’employeur. Il porte sur leur charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur leur rémunération".

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