Le forfait en jours tel qu’il est prévu par la convention.
La convention Syntec-Cinov prévoit son propre système de forfait en jours. Il est appelé modalité de « réalisation de mission avec autonomie complète » ou modalité 3.
Il s’agit d’un dispositif d’organisation de la durée du travail, dans lequel le temps de travail n’est pas décompté en heures sur la semaine (les "35 heures" traditionnelles) mais en jours sur l’année.
Le nombre de jours travaillés sur l’année est fixé à 218 maximum, journée de solidarité incluse.
En pratique, sur une année de 365 jours, on soustrait 25 jours de congés payés, environ 104 week-ends et quelques jours fériés chômés, ce qui donne le nombre de jours non travaillés (parfois appelés jours de repos ou RTT) dont les salariés bénéficient sur chaque année civile. Par exemple 9 jours non travaillés en 2024.
Le concept est assez similaire aux autres systèmes de forfait-jours existants. En revanche, les conditions d’accès et d’encadrement du système sont très exigeantes.
Conditions d’accès.
- Classification : seuls les salariés cadres, disposant d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur temps de travail et ayant une classification correspondant a minima à la position 3.1 de la grille conventionnelle peuvent bénéficier du forfait jours.
- Salaire : une majoration de 20% doit être appliquée au salaire minimum conventionnel fixe. Pour une position 3.1, le salaire majoré en 2024 est de 4 292.40 euros mensuel soit 51 508,80 euros annuels.
Conditions d’encadrement.
La mise en place du forfait-jours doit s’accompagner de :
- L’établissement d’un document de suivi des jours travaillés/non travaillés qui doit être rempli par le salarié ;
- La mise en place d’une procédure d’alerte en cas de surcharge de travail ou
- de problème d’organisation ou d’isolement ;
- La mise en place de 2 entretiens annuels de suivi spécifiques au forfait jours, dont l’objet est d’évoquer la charge individuelle de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie privée, et la rémunération du salarié ;
- La formalisation du droit à la déconnexion, qui doit notamment se matérialiser par la mise en place de plages horaires de déconnexion obligatoires le soir et le week-end, et la mise en place d’un outil de suivi des temps de repos quotidiens et hebdomadaires.
Quelles sont les marges de manœuvre des entreprises employeurs ?
Les entreprises qui ne disposent pas des moyens financiers et/ou humains pour respecter la totalité des conditions posées par la convention collective Syntec-Cinov peuvent mettre en place un accord d’entreprise pour aménager le dispositif.
Les points qui pourront faire l’objet d’une adaptation sont notamment les suivants :
- Ouvrir l’accès au forfait-jours aux salariés dont la classification est inférieure à la 3.1. Par exemple : l’ouvrir aux classifications 2.3.
A noter : un accord conclu le 13 décembre 2022 dans la branche Syntec-Cinov prévoit la possibilité d’appliquer le forfait-jours aux cadres autonomes dès la position 2.3 moyennant une majoration du salaire minimum conventionnel de 22% (contre 20% pour les positions 3.1 et plus.) Mais cet accord n’a pas encore fait l’objet d’un arrêté d’extension, ce qui signifie que cette disposition n’est pas encore applicable, sauf accord d’entreprise dérogatoire.
- Moduler la majoration du salaire minimum conventionnel. Par exemple, fixer la majoration à 15% (contre les 20% exigés par la convention).
- Aménager les mesures de suivi du forfait-jours. Par exemple, tenir l’un des deux entretiens annuels de suivi en asynchrone.
De manière plus générale, les points à évoquer lors de la négociation de l’accord d’entreprise sont les suivants :
- Possibilité de rachat des jours de repos (majoration)
- Période de référence pour les jours de repos (année civile ou période congés payés) Modalités de prise des jours de repos (initiative salarié/employeur, possibilité de les prendre par demi-journée, accolés aux CP, délais de prévenance, etc.)
- Possibilité de forfait "jours réduits"
- Dispositif "urgence" surcharge de travail à mettre en place
- Modalités droit à la déconnexion
- Périodicité et modalités des entretiens annuels de suivi.
Les limites.
L’objectif de la négociation de cet accord d’entreprise dérogatoire ne peut pas être de diminuer les garanties et protections offertes aux salariés par la convention collective Syntec-Cinov. Chaque mesure négociée doit s’accompagner de garanties permettant d’assurer un niveau de protection de la santé des salariés équivalent à celui prévu par le dispositif initial.
Au-delà du respect de cette obligation d’équilibre, il est tout simplement interdit de déroger à certaines règles, même par accord d’entreprise. Il en est ainsi de la grille de classification conventionnelle et des salaires minimum conventionnels associés.
Illustrations.
Voici quelques suggestions de mesures à négocier permettant de conserver un certain équilibre dans l’accord d’entreprise :
- Fixer la majoration du salaire minimum conventionnel à 15% et accorder un jour de repos annuel supplémentaire (donc fixer la durée du forfait à 217 jours travaillés).
- Ouvrir l’accès aux forfaits jours aux cadres dès la classification 2.1 s’ils sont autonomes dès ce niveau de classification, et leur garantir une majoration du salaire minimum conventionnel de 25%.
- Tenir l’un des deux entretiens annuels de suivi en asynchrone mais déclencher un entretien physique avec le manager sur simple demande du salarié.
Et comment faire pour négocier un accord d’entreprise ?
Dans les entreprises de moins de 20 salariés, sans Comité Social et Economique (CSE), l’accord peut être négocié directement avec les salariés, dans le cadre d’un référendum d’entreprise.
Dans les entreprises de moins de 50 salariés, qui disposent d’un CSE, l’accord peut être négocié directement avec les élus titulaires, sans référendum.
Quel est le calendrier ?
Si le climat social est favorable, l’accord d’entreprise peut être conclu en quelques semaines. La nécessité de conclure ensuite des avenants individuels aux contrats de travail de chaque salarié concerné dépendra de la situation préexistante.
L’autre avantage.
Au-delà de l’aspect juridique dérogatoire, l’accord d’entreprise sur la durée du travail peut être un outil qui permet à l’entreprise de mieux communiquer sur ses pratiques en matière d’équilibre vie personnelle/vie professionnelle et donc d’alimenter sa marque employeur.
Discussions en cours :
Bonjour,
En lisant votre article, j’ai découvert que ma position cadre 2.2 n’est pas compatible avec le fait d’être au forfait jours, mais c’est mon cas depuis 26 ans.
Comment régulariser ma situation ?
Vous remerciant
Bonjour,
Depuis un accord (non étendu) signé fin 2022, la modalité 3 est ouverte aux cadres en position 2.3 avec un salaire d’au moins 122 % du minimum conventionnel.
Bonjour, oui effectivement mais cet accord n’était pas étendu, il n’est, à ce jour, pas applicable. Bien à vous.
Bonjour,
Dans votre illustration, vous écrivez qu’il est possible de moduler la majoration du salaire minimum conventionnel à 15% alors qu’il est de 20% pour les cadres en position au moins à 3.1. L’accord d’entreprise baisse alors le salaire minimum conventionnel même en abaissant le nombre de jours travaillé à 217.
D’ou vient la majoration de 25% des cadres en position 2.1 ?
Je vous remercie
Bonjour Hervé,
J’évoque effectivement la possibilité de moduler la majoration du salaire minimum conventionnel par accord d’entreprise. Il s’agit bien de la majoration et non du salaire minimum conventionnel en lui-même, auquel on ne peut pas déroger même par accord d’entreprise.
Je propose également un exemple de dérogation possible en fixant une majoration du salaire minimum conventionnel de 25% : il s’agit d’une illustration de ce qu’il est possible de faire par accord d’entreprise. Le chiffrage à 25% n’est pas prévu par un texte légal ou règlementaire, il s’agit uniquement d’un exemple chiffré.
Bien à vous