Le principe de l’unité de l’art permet de cumuler la protection d’un dessin ou d’un modèle au titre du droit d’auteur d’une part et au titre du droit des dessins & modèles d’autre part, dès lors que la création en cause répond aux conditions légales de validité de chacun de ces droits.
Pour être éligible à la protection par le droit d’auteur, la création doit être originale, tandis que pour jouir de la protection accordée aux dessins & modèles, outre qu’il faille procéder à un dépôt, elle doit être nouvelle et présenter un caractère propre (article L.511-2 du Code de la propriété intellectuelle - CPI). Rappelons cependant qu’aucun examen de validité au fond n’est effectué par l’INPI, de sorte que le modèle déposé sera dans la majorité des cas enregistré tel quel et présumé valable jusqu’à démonstration du contraire.
Traditionnellement, l’originalité en droit d’auteur est conçue comme le reflet ou l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Il s’agit donc d’un critère relativement subjectif, à apprécier par référence à la seule œuvre et au seul auteur en cause.
Les critères de nouveauté et de caractère propre sont quant à eux définis de façon plus objective par la loi, qui dispose qu’un dessin ou modèle (i) est nouveau si, en substance, à la date de son dépôt, aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué (article L.511-3 du CPI) et (ii) présente un caractère propre « lorsque l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez l’observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt » (article L.511-4 du CPI). A noter qu’en droit communautaire, les textes évoquent la notion juridiquement similaire de caractère individuel au lieu de celle de caractère propre.
Quoi qu’il en soit, les conditions de validité de chacun des deux types de droits de propriété intellectuelle précités étant différentes, leur appréciation ne devrait pas être confondue mais au contraire faire l’objet d’une étude individuelle, par les tribunaux chargés de les examiner. Nous avions d’ailleurs, dans la Lettre de printemps 2009 du Cabinet WAGRET [http://www.wagret.com/images/newsletter/wagret_printemps2009.pdf], évoqué deux décisions de la Cour de cassation qui nous semblaient faire inopportunément de l’originalité une condition de validité de modèles enregistrés. L’on peut également citer un jugement du Tribunal de grande instance de Paris, à notre sens regrettable, prononçant un sursis à statuer dans le cadre d’une action en contrefaçon de droits d’auteur sur une création, dans l’attente d’une décision de l’OHMI sur la validité d’un modèle communautaire, non invoqué dans la procédure française, portant sur la même création, au motif que cette décision « est susceptible d’avoir une incidence » sur l’action en contrefaçon de droits d’auteur (1).
Il nous semble néanmoins que depuis plusieurs mois, les décisions rendues en la matière font montre d’une plus grande rigueur des magistrats (2). Ainsi, il n’est plus rare qu’une même création se voie refuser la protection au titre du droit d’auteur pour défaut d’originalité tandis que son caractère protégeable par le droit des dessins & modèles pourra être reconnu du fait de sa nouveauté et de son caractère propre (ou individuel) (3).
En effet, le modèle enregistré étant présumé valable, si le défendeur à l’action en contrefaçon de modèle (car c’est bien souvent dans ce type de litige que la question est posée) ne parvient pas à démontrer qu’il existe, ne serait-ce qu’une antériorité de toutes pièces au modèle qui lui est opposé, ni que les autres créations équivalentes produisent une impression visuelle d’ensemble similaire à celle produite par le modèle en cause, il ne pourra en obtenir la nullité. Pour autant, si de son côté le demandeur à l’action en contrefaçon de droits d’auteur ne démontre pas en quoi sa création serait originale, sa demande de ce chef ne pourra prospérer (4). Mais les notions d’antériorité (5) ou d’impression d’ensemble produite sur le consommateur (6) sont indifférentes en la matière.
Précisons toutefois que la portée du droit revendiqué au titre du droit d’auteur doit être clairement définie par le requérant lui-même. Et l’auteur ne saurait « circonscrire la définition de son œuvre à certains éléments, choisis en fonction des caractéristiques de l’objet incriminé » (6), ce qui revient à dire qu’il doit définir son œuvre en intégralité, en toutes ses composantes, une fois pour toutes. En revanche, la portée du droit au titre du modèle est déterminée par le dépôt, c’est-à-dire par l’ensemble des caractéristiques visibles sur la ou les reproductions déposées.
En amont de la divulgation de toute création, il est donc fondamental de déterminer la ou les voies de protection les mieux adaptées et de ne pas hésiter à procéder au dépôt d’un modèle lorsque les conditions de sa validité semblent réunies. Car si l’on peut globalement considérer que la plupart des créations originales, très souvent sont également nouvelles et présentent un caractère propre (7), l’inverse est loin d’être toujours vrai.
NOTES :
(1) TGI Paris, 3ème ch., 2ème sect., 8 janv. 2010
(2) Par ex. TGI Paris, 3ème ch., 1ère sect., 15 fév. 2011
(3) Par ex. TGI Paris, 3ème ch., 1ère sect., 11 janv. 2011
(4) Par ex. TGI Paris, 3ème ch., 1ère sect., 29 mars 2011
(5) Par ex. TGI Paris, 3ème ch., 1ère sect., 25 janv. 2011
(6) CA Paris, Pôle 5, Ch. 2, 8 oct. 2010
(7) Par ex. TGI Paris, 3ème ch., 3ème sect., 1er oct. 2010